Finalement, les 10€ supplémentaires exigés pour les versions PlayStation 5 des jeux ont été bien acceptés. À tel point que les joueurs PS5 ont en majorité choisi d’acheter leur galette d’Horizon Forbidden West avec une étiquette PS5 plutôt que d’opter pour la boîte PS4, qui coûtait 10€ de moins et proposait en même temps un update gratuit vers la version PlayStation 5. Ils ont opté pour le même, en plus cher, donc.
Le budget, s’il reste à prendre en compte, n’est en effet plus le problème principal du joueur. Et si le prix des consoles actuelles représente malgré tout une somme conséquente à sortir, les jeux, eux, n’ont jamais coûté aussi peu cher. Une assertion qui fera peut-être s’étouffer les quelques lecteurs qui ont en tête le « tarif conseillé » de 80€ l’unité. Il faut toutefois réaliser qu’en prenant en compte l’évolution du coût de la vie, un Sonic qui était vendu 395 Francs en 1991 coûterait, avec l’inflation, 95 € aujourd’hui ! (Il est d’ailleurs amusant, bien que peu pertinent, de faire le calcul au poids : à 395 Francs, Sonic était facturé 99 F du mégaoctet, soit 24€ inflation comprise, quand Horizon Forbidden West sur PS5, vendu 80€ et pesant 96Go, coûte lui 0,0008€ du méga… Soit une division du prix au poids par 30 000 !).
Mais surtout, au-delà du prix au détail, les habitudes de consommation ont été bouleversées, et les jeux payés au prix fort ne représentent plus qu’une petite partie de notre ludothèque. Prix d’appel en supermarché retranchant 15 ou 20 euros au tarif conseillé, occasion généralisée entre particuliers grâce aux plateformes dédiées, soldes récurrentes sur les boutiques numériques, marché « gris » d’échange de clés, compilations et autres « bundles » à des prix défiant toute concurrence, et même régulièrement des jeux totalement gratuits, offerts par les distributeurs et les éditeurs. Sans parler du Game Pass, et de son futur équivalent chez Sony… En 2022, les jeux, ce n’est plus ce qui manque, même en étant radin ou fauché.
A Question of Time
Non, la véritable ressource, celle qui nous manque pour jouer aujourd’hui, c’est, comme dans le film d’Andrew Niccol « In Time », le temps. On évoquait le problème avec Elden Ring : les choix de game design du jeu, s’ils sont audacieux, exigent de notre part de multiples essais infructueux : ce n’est qu’au prix de cinq, dix, ou quinze morts, voire plus, que l’on va comprendre qu’une zone du jeu, ou un ennemi, n’est pas encore à notre portée, et d’aller mourir ailleurs encore cinq, dix, quinze fois ou plus… Au prix, finalement, de dizaines et dizaines d’heures d’exploration. C’est la grande force du jeu, et c’est aussi un prix très élevé à payer ne serait-ce que pour commencer à s’amuser : donner de son temps.
Tunic, sorti tout récemment, possède cette même qualité qui peut rapidement devenir un défaut. L’un des éléments clés du système de jeu est d’en comprendre les règles. Au sens propre, puisqu’on découvre peu à peu des pages du livret d’instructions du jeu lui-même, mais rédigées en une langue inconnue. Alors, on tâtonne, on expérimente, on explore. Et comme dans Elden Ring, on pourra vite se retrouver dans des zones qu’on est censé parcourir ultérieurement, avec des stats plus évoluées. Et le temps qu’on le comprenne, l’horloge aura tourné…
Le joueur de 2022 n’est plus celui de 1991. Les machines se sont affranchies du carcan qui les enfermait au rayon jouets, et le jeu vidéo est aujourd’hui l’industrie culturelle la plus importante économiquement. L’âge moyen du joueur, toujours en hausse, tourne autour de 40 ans, ce qui signifie qu’il a probablement des responsabilités familiales, domestiques, professionnelles… Un emploi du temps chargé, donc, et pas toujours 120h à consacrer à un jeu, surtout avec l’opulence de titres dont on dispose, entre les backlogs interminables et un Game Pass qui se renouvelle tous les quinze jours.
Est-ce qu’on va reprocher aux jeux d’être trop longs ? Surtout pas, tant que la durée de vie n’est pas gonflée artificiellement. À une époque, cette durée de vie était même l’une des composantes de la note attribuée aux jeux. Ici, le problème, « c’est pas toi, c’est moi », pour reprendre le cliché d’une relation dysfonctionnelle. Il s’agira surtout de faire des choix. Dans un papier précédent, nous avions loué les jeux courts. Ils sont un élément de solution. On a beaucoup dit, à la sortie d’Elden Ring, qu’il fallait accepter que tous les jeux ne s’adressent pas à tout le monde. Le titre de FromSoftware, avec d’autres, nous a aussi ouvert les yeux sur cette dure réalité : on ne pourra jamais jouer à tous les jeux, ni même à tous les jeux qui nous font envie.
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