Nous l’avons vu, Alone in the Dark est considéré comme le père des survival-horror. Il fut une révolution dans l’univers du jeu vidéo grâce à son ambiance lovecraftienne et sa mécanique de jeu, et il aura clairement posé les bases du genre, même si, rappelons-le, le terme survival-horror n’existe pas encore. Dès lors que les codes de survie en milieu horrifique se mettent en place, nous assistons à un déploiement de jeux les mettant à profit.
L’horreur se perpétue
Le succès retentissant de Alone in the Dark aura permis aux développeurs du jeu de nous concocter deux suites, respectivement publiées en 1993 et 1994. De nouvelles histoires, mais le personnage principal, Edward Carnby, est toujours là, et le principe du jeu ainsi que sa mécanique restent les mêmes. On ne change pas une équipe qui gagne après tout !
Par ailleurs, on assiste à une émergence de ce type de jeux, et même si tous ne peuvent pas être qualifiés de survival-horror à part entière, on ne peut nier que les codes horrifiques sont bien présents. En voici quelques exemples qui, à coup sûr, feront écho aux joueurs de plus de 30 ans !
- Souvenez-vous de Dark Seed, développé par Cyberdreams et sorti en 1992 sur Amiga et PC : c’est un jeu de type point and click de genre horreur dans lequel vous incarnez Mike Dawson, un écrivain qui vient d’acquérir un manoir dans la banlieue de Woodland Hills. Votre protagoniste y passe sa première nuit, rythmée par un horrible cauchemar. À son réveil, Mike décide d’explorer sa nouvelle demeure et ce qu’il va découvrir vous glacera d’effroi : un monde parallèle abritant des extraterrestres. Pour la petite anecdote, cet « Isekai » est basé sur les dessins de Hans Ruedi Giger, qui n’est autre que le papa de la créature dans le film Alien : Le huitième passager.
- Doctor Hauzer, sorti en 1994 sur 3DO et produit par les studios Riverhillsoft, peut aussi être ajouté à liste. On déplorera la similarité avec Alone in the Dark, mais la recette du jeu horrifique est bien là. Vous incarnez Adam Adler et vous enquêtez dans un manoir (encore et toujours) sur la mystérieuse disparition du docteur Hauzer, un éminent archéologue.
- D, développé par WARP, sort en 1995 et est plutôt bien accueilli grâce à sa qualité graphique de l’époque et son atmosphère. Vous contrôlez Laura Harris en vue subjective, fille de Ritcher Harris, médecin renommé qui dirige un hôpital non loin de Los Angeles. Elle apprend que son père a été pris d’une frénésie meurtrière et s’est barricadé dans l’hôpital après avoir tué de nombreuses personnes. De quoi vous rendre légèrement nosocomephobe ! Laura se rend sur place et, une fois à l’intérieur de l’établissement, se retrouve dans un étrange château. Elle se met alors en quête de son père.
- Et pour finir, un point and click : Clock Tower, sorti en 1995 sur SNES et développé par Human Entertainment. C’est un point and click dans lequel votre protagoniste, Jennifer, est poursuivie par Scissorman, un slasher muni d’une cisaille à haies. Il vous faudra la guider dans un (roulement de tambour…) manoir, dans le but de la faire sortir, avec ses amis si possible.
Bien que différents, chacun de ces jeux reprend les rudiments du survival-horror : le lieu lugubre (le manoir revient assez fréquemment comme vous l’aurez remarqué), cette sensation d’être vulnérable et insignifiant, peu d’armes et de munitions, parfois même leur absence totale, la résolution d’énigmes…
On observe clairement l’émergence du genre, mais celui qui fera du survival-horror un genre à part entière voit le jour en 1996 : il s’agit, vous l’aurez deviné, de Resident Evil.
Le début d’une longue saga
S’il est un titre emblématique du genre survival-horror, c’est bien Resident Evil. Le premier volet d’une saga qui en compte huit (pour la saga principale) fut réalisé par Shinji Mikami, qui n’imaginait pas que sa création aurait autant de succès ! Nombreux sont les joueurs qui ont incarné avec plaisir Chris Redfield ou Jill Valentine, les agents des S.T.A.R.S. Être enfermé dans ce manoir infesté de zombies et autres créatures vous a donné des sueurs froides… Enfin, manoir, oui et non : disons plutôt le laboratoire d’Umbrella Corporation, dans lequel vous avez découvert l’existence du « T-virus ».
Ne le niez pas, jamais ouvrir une porte ne vous aura fait si peur… Et s’il n’y avait que cela ! Resident Evil fut une révélation pour beaucoup d’entre vous, et que celui ou celle qui n’a pas sursauté au moins une fois lève la main ! L’ambiance globale du jeu est incroyablement pensée afin de faire naître en vous une certaine angoisse et faire monter la pression : le lieu, les créatures qui surgissent de nulle part, la musique, le sound-design, les fameux points de sauvegarde qui nécessitent des rubans encreurs (qui parmi vous a dû laisser sa console allumée pour être sûr de ne pas perdre son heure de gameplay ?), la gestion des balles, l’arrivée du Hunter qui met en berne toutes vos stratégies mises en place et votre skill acquis jusque-là…
Bref, un coup de maître de la part de Mikami, qui, même s’il s’est inspiré de Sweet Home et Alone in the Dark, a su donner un nouveau souffle à l’industrie du jeu vidéo ; et bravo à Capcom pour son accroche marketing en utilisant pour la toute première fois le terme survival-horror.
Le succès de ce premier opus n’est pas pour rien dans la longévité de la licence, qui fête en 2021 ses 25 ans ! Les fans répondent toujours présents, bien qu’ils s’accordent à dire que la saga a pris un virage particulier avec Resident Evil 4, sorti en 2005.
Revenons d’abord brièvement sur Resident Evil 2 et 3 sortis respectivement en 1998 et 2000. Dans le deuxième opus, vous n’êtes plus dans le Manoir Spencer (qui a explosé), mais dans un commissariat de Racoon City, et vous avez le choix d’incarner soit Claire Redfield, la sœur de Chris, soit Leon Scott Kennedy, nouvelle recrue dans la police. Vous êtes alors coincé dans le commissariat, point d’ancrage du jeu, affrontant les zombies et autres armes biologiques de la Umbrella Corporation telles que les Lickers ou le fameux Mister X. Les plans fixent et les « ouvertures de portes » sont toujours là et font leur effet, la résolution d’énigmes toujours fidèle au poste, la gestion des munitions et de la santé, le système de point de sauvegarde également… Le but de Mikami étant de conserver, voire accentuer cet état de stress permanent, vous vous voyez même boiter si vous êtes blessé, vous rendant ainsi plus vulnérable face à vos ennemis !
Resident Evil 3: Nemesis quant à lui, même s’il voit déjà un changement porté vers l’action, reste dans les cases du survival-horror. Vous incarnez Jill Valentine, rescapée de l’explosion du Manoir Spencer, et vous devez vous échapper de la ville infestée par le « T-Virus », 24h avant les événements du 2 (on n’a jamais dit que c’était facile à suivre dans Resident Evil !). Plus de lieux clos donc. Mais une ambiance plus oppressante que jamais grâce entre autres à un bestiaire particulièrement effrayant : outre les zombies classiques, vous devez affronter/fuir d’abjectes créatures comme deux nouvelles versions du Hunter, le Drain Demos, les Sliding Worms dont deux géants appelés Grave Diggers… Et le plus effrayant de ce volet bien sûr : Nemesis. Pour parfaire cet effet de stress permanent, vous avez des séquences dites de « décision en pleine action » durant lesquelles deux choix s’offrent à vous et vous devez en choisir un (ou pas) dans un temps imparti.
Virage à 180 degrés
Finalement, Shinji Mikami, qui n’aimait pas avoir peur, était la personne idéale pour vous procurer des montées d’adrénaline et vous maintenir sur le qui-vive tout au long du jeu ! Il a évidemment continué, mais le quatrième opus de la saga prend un virage particulièrement axé sur l’action que le développeur explique ainsi :
À cause des réactions (du public) à notre remake de Resident Evil, j’ai décidé d’inclure plus d’action dans Resident Evil 4. Il aurait été plus effrayant et focalisé sur l’horreur si le remake s’était bien vendu.
Une chose est sûre, que vous ayez apprécié le jeu ou non (oui, vous avez le droit), la critique, elle, est unanime ! Il obtient de très bonnes notes et a été qualifié de « jeu de l’année 2005 » par plusieurs sites et magazines spécialisés. Mais, concrètement, qu’est-ce qui change dans ce quatrième volet ? Nous avons là un jeu de tir à la troisième personne. Et clairement, il n’en fallait pas moins pour accentuer l’immersion :
- Le personnage est donc vu de dos et légèrement de côté, et cela autorise le tir de précision. En tant que jeu d’action, la maniabilité a été entièrement repensée : elle est plus souple et le personnage est beaucoup plus facile à contrôler.
- Les décors ne sont plus en plans fixes mais en 3D en temps réel.
- Les chargements avec les « ouvertures de portes », qui étaient inhérents à la série jusqu’ici, laissent place à une action plus fluide, ce qui accentue le dynamisme.
- Au cours de l’histoire, nous rencontrons régulièrement un marchand, qui ne s’apparente pas vraiment à un protagoniste mais est plutôt une personnification du magasin : nous pouvons lui vendre toutes sortes d’objets et lui acheter de quoi améliorer notre arsenal. Cette nouveauté autorise donc différentes approches et une rejouabilité.
- Selon les situations, un menu contextuel peut apparaître et nous propose des actions spécifiques, comme monter à une échelle, donner un coup de pied, sauter… Des séquences de QTE lors de certaines cinématiques accentuent elles aussi l’action.
Pour pousser un peu plus loin que les nouveautés, il faut vraiment prendre en considération que le côté survie s’efface pour ainsi dire complètement : Leon, le personnage que nous incarnons (qui n’est autre que Leon Scott Kennedy du deuxième opus), est équipé pour tuer ; il est entraîné, sait ce qu’il fait et ça se sent. Les armes ne manquent pas, ce qui va de pair avec les ennemis qui arrivent en grand nombre. À l’inverse d’un vrai survival-horror dans lequel on mise sur la fuite et l’évitement du combat, Leon, lui, va à l’affrontement, tel un soldat.
Aussi, même si persiste un côté horrifique dans le scénario, nous ne sommes pas soumis à la peur de la même manière que dans les épisodes précédents, en témoigne le bestiaire plus imposant qu’effrayant par exemple (à part peut-être Iron Maiden…?). Resident Evil 4 se situe aux antipodes de ses prédécesseurs et nous propose un TPS action aventure à la sauce survival-horror. Tendance qui s’étendra aux épisodes suivants dont nous parlerons dans le prochain billet consacré au survival-horror.
En attendant, on vous laisse avec le trailer du remake de Resident Evil 4 prévu sur l’Oculus, annoncé pour cette année.