L’époque nous a habitués aux annonces sans saveur, bande-annonce et campagnes marketing calibrées au millimètre. Encore plus depuis que l’homme aux mille Doritos tient les rênes de tous les événements majeurs d’annonce.
Summer Eternal, jeune collectif issu en partie des ruines de ZA/UM, en prend le contrepied. Après avoir publié un premier manifeste servant de note d’intention artistique et politique forte, leur premier projet ne se dévoilera pas par un trailer clinquant, mais par un objet tangible : un livre.
Une anthologie imprimée, accompagnée d’un disque vinyle, qui servira à la fois de manifeste artistique, de journal de développement et d’annonce officielle de leur premier RPG, pour l’instant connu sous le nom de code Red Rooster.
Une anthologie comme manifeste
Ce premier volume, prévu pour l’été 2026, rassemble près de 150 pages d’écrits et d’images : réflexions sur le travail créatif, essai politique, mais aussi premières esquisses du RPG Red Rooster. L’objet, publié avec l’éditeur indépendant Peregrine Coast, se veut autant un livre qu’une expérience collective : chaque exemplaire sera expédié dans le monde entier sur la même fenêtre de 48 heures, pour que la découverte soit simultanée, comme un vieux rituel d’avant Internet.
L’idée s’oppose frontalement aux logiques d’hyperproduction du jeu vidéo contemporain. On y lit évidemment une forme de décroissance culturelle et politique : refuser la course à l’attention, renouer avec le temps long, la matérialité et la coopération.
« Le Profiteur sait qu’en maintenant votre dignité au plus bas, il vous gardera à ramper sur le tapis roulant de la passion, jusqu’à vous licencier au nom du chiffre rouge inscrit dans son livre de comptes. » – extrait du manifeste de Summer Eternal.
À rebours d’un marketing qui, aujourd’hui, ne cesse de nous épuiser, l’équipe revendique une économie sobre, et un modèle de production plus digne.
L’espoir est-il encore permis ?
Fondé par Argo Tuulik et Dora Klindžic, deux anciens auteurs de Disco Elysium, le collectif s’est construit sur les décombres de longues querelles. Ils tentent aujourd’hui de faire de leur histoire une leçon : créer un studio où le pouvoir est partagé, et où la gouvernance empêche la concentration des décisions.
Rappelons que Summer Eternal adopte une structure inédite, avec la création d’une holding en Croatie. Une coopérative de « créatifs » détiendra 50 % des parts, une autre, représentant freelances et employés à temps partiel, en possédera 25 %. Les 20 % restants seront réservés aux investisseurs, tenus par contrat de financer uniquement le développement.
Et 5 % seront attribués aux acheteurs du jeu via une organisation à but non lucratif. L’ensemble a été mis en place avec l’aide de l’Institut de la démocratie économique slovène, pour garantir un cadre juridique solide et un partage équitable du pouvoir.
Jamais un projet ne nous avait semblé aussi aligné entre ses idéaux et sa manière de les mettre en œuvre. Summer Eternal parle de création collective, et agit en conséquence. Dans un milieu rongé par la précarité, la spéculation et les façades communicationnelles, leur démarche respire une transparence si rare, qu’elle en est désarmante.
À contre-courant du vacarme médiatique et des excès du capitalisme culturel, le collectif pose un acte de décroissance et de sincérité. Nous serait-il encore permis de rêver ? En tout cas, nous souhaitons de tout cœur y croire.
L’ouvrage est en précommande ici et, en signe de bonne foi, le studio a annoncé hier qu’il prendrait en charge une partie des frais de port pour certains pays, et remboursera ce montant à ceux ayant déjà effectué leur précommande.
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