9279. C’est le nombre de jeux vidéo qui sont sortis sur Steam en 2020. Deux fois plus qu’en 2016. Un nombre colossal, qui atteste de l’excellente santé du média vidéoludique, et confirme son statut de leader de l’économie mondiale de loisir. Pour les amoureux.ses de statistiques, un coup d’œil aux données dévoilées par Steam devrait finir par vous en convaincre.
Certes, la pandémie de Covid-19 y a sûrement joué un grand rôle. Enfermé.e chez soi, rien de tel que le transport direct vers les mondes virtuels pour tuer le temps. La preuve également de la démocratisation du média et de l’excellente santé du jeu sur PC, merci pour lui.
Au-delà de ces statistiques, qui ne sont que des symboles mis noir sur blanc si on ne les analyse pas, livrons-nous justement au jeu du décorticage, comme a pu le faire Thomas Altenburger, game director chez Flying Oak Games, le studio créateur de ScourgeBringer.
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Un jeu sort toutes les 53 minutes. La moitié des jeux se vendent à moins de 640 exemplaires, et les trois quarts des titres atteignent à peine 2800 unités. Et seulement 5% des jeux représentent 90% des ventes. En poursuivant l’analyse, on se rend compte que près de 70% des sorties sont des jeux indépendants et que plus de la moitié d’entre eux ne parviennent même pas à atteindre le palier de 640 unités vendues. Autant dire qu’en termes de rentabilité, ils devront repasser…
À l’heure où nous sommes tous possesseurs de backlog long comme le bras, que le rythme des sorties continue encore et toujours de s’accroître, et où les jeux-services pullulent (rien de tel qu’un pass saisonnier pour vous faire revenir toujours sur le même jeu), difficile de ne pas imaginer que la bulle économique et créative du jeu vidéo n’est pas sur le point d’exploser.
Comment les petits studios peuvent-ils espérer survivre noyés dans de telles masses, surtout face aux quelques grands noms qui attirent toute la lumière sur eux ? D’autant plus que les statistiques montrent que le succès d’un jeu n’est absolument pas corrélé à sa qualité (en se basant sur les notes et les appréciations). Un bon jeu n’est pas sûr de bien se vendre, de même qu’un mauvais jeu peut se vendre par palettes entières.
Appelons ça le paradoxe « Goat Simulator ». Alors qu’un excellent indé sur Steam a peu de chances de rentrer dans ses frais, un jeu à streamers comme la purge Goat Simulator avait vendu 2,5 millions de copies en moins d’un an d’exploitation. Ce qui pose également la question de la mise en avant des titres, et de l’importance du marketing. YouTube et Twitch, garanties de vente, plus que les sites spécialisés ? Difficile d’y répondre, si ce n’est par deux mots : Among. Us.
Et si pour se sortir du marasme qui s’annonce, et échapper à la toute-puissance du marketing, la solution n’était pas le développement de l’esprit critique des joueurs et joueuses ? En tant que média dédié aux jeux vidéo, et puisqu’on se plaît à clamer que « le jeu vidéo, c’est de l’art », notre mission ne serait-elle pas de donner la meilleure information possible aux gamers ?
Ne devrions-nous pas être plus critiques encore, non seulement sur la qualité des jeux, mais aussi sur les méthodes employées (marketing, politique de crunch, aberrations des précommandes…) autour des jeux vidéo ? Sans devenir les Cahiers du Cinéma vidéoludique, il est peut-être temps pour les sites dédiés aux JV de grandir et de mûrir, pour regagner les lettres de noblesse qu’ils avaient à l’âge d’or de la presse spécialisée. Consoles+, Joypad, Player One, vous nous manquez.