L’art de la communication a toujours été un art délicat, dans le jeu vidéo comme ailleurs. Avec le temps, le jeu vidéo a évolué. Que ce soit dans sa forme, par des graphismes et des aspects technologiques toujours plus poussés. Par son fond, avec des scénarios complexes et des choix de plus en plus cornéliens à réaliser au sein de nos aventures. Voire même par sa façon de se consommer via la multiplication des offres à abonnement. Mais s’il y a bien une évolution de laquelle on ne parle pas assez, c’est celle de la transmission de l’information.
Si nous avons toujours le droit aux communiqués de presse, aux tests, aux news relayées par-delà l’internet, il y a une méthode de communication qui effraie autant qu’elle intrigue : les leaks. Mais qu’est-ce que c’est ? Est-ce que ces derniers sont toujours imprévus par les développeurs ? Ou peut-être les orchestrent-ils eux-mêmes, faisant parler de leurs jeux à moindre frais ? Et surtout, pourquoi certains les fuient-ils comme la peste quand d’autres leur courent après ?
Définition du leak
Les leaks, ce sont toutes ces petites (ou grosses) informations qui circulent parfois à la vitesse de la lumière. Souvent non désirées, le mot français pour les désigner serait fuites. Comme si du projet encore tenu secret s’écoulait des gouttelettes formant peu à peu des flaques. Un nom de code par-ci, une photo par-là, et voilà que les flaques deviennent un lac et que l’on aperçoit le jeu sur la rive, nous saluant timidement.
Ubisoft, saint patron des leaks de promotion ?
Pour donner un exemple concret, prenons le cas d’Ubisoft. Si nous devions parler de chacun des leaks venant directement de chez Yves Guillemot, cet édito serait un site à part entière. Pour faire simple, soit l’entreprise devrait sérieusement revoir la sécurité de ses données, soit elle est passée maîtresse dans l’art du leak à but purement promotionnel.
Pour n’en citer qu’une, nous pouvons parler de la fuite apparue en juillet 2021 à propos d’Assassin’s Creed Infinity. En effet, un certain Smooth-Eart2875 avait dévoilé de nombreuses informations sur Reddit, obligeant Ubisoft à officialiser le projet dans la foulée alors que ce dernier n’était que dans ses premiers stades de développement. Et des fuites comme celles-ci, il en existe beaucoup trop du côté de l’éditeur pour que toutes soient involontaires.
Au fil des années, Ubisoft (comme d’autres) a fait de sa spécialité le partage de ces « bourdes », faisant monter la mayonnaise autour de ses jeux les plus attendus. Couplé au rouleau compresseur médiatique et à l’aura internationale dont il dispose (disposait ?), le nom du jeu dont il était question dans les fuites finissait rapidement sur toutes les lèvres. De quoi alimenter un moulin qui tourne toujours dans le même sens et, à en croire les récents leaks sur le gameplay de Skull & Bones, l’éditeur n’en a pas fini avec cette méthode de communication, qu’elle soit voulue ou non.
Pourquoi on aime ça ? Pourquoi en a-t-on peur ?
L’homme est d’un naturel curieux, c’est bien connu. Il m’est arrivé plus d’une fois, alors que je scrollais sans grande conviction sur Twitter, de tomber sur des tweets d’insiders, ces personnes toujours très (trop) bien informées sur les projets des grands du jeu vidéo. Certains restent vagues, se contentant de bruits de couloir et de quelques infos passées sous le manteau.
D’autres, par contre, sortent la grande artillerie, vous dévoilant tout ce qu’ils savent, si bien que vous pouvez déjà imaginer le jeu duquel il est question sans en avoir vu une seule image. Et bien que je sois curieux, lorsque le jeu en question m’intéresse, je ne peux m’empêcher de détourner le regard, de faire comme si ces rumeurs n’existaient pas. Il n’y a rien de pire que de se faire gâcher la surprise, pas vrai ? Et pourtant, je suis curieux. Et je ne pense pas être le seul.
Mais voilà, la curiosité peut amener à ce que l’inévitable se produise : se faire spoiler. C’est ce qui est arrivé à bon nombre de personnes peu avant la sortie de The Last of Us Part II. En effet, une fuite massive avait laissé transparaître des pans entiers du scénario, rendant impossible le fait de slalomer entre les gouttes pour toute personne désireuse de trouver ce petit bonbon au goût d’information. Quand le leak n’est plus ce petit bonbon qui n’en dévoile pas trop, mais ce monstre épicé qui nous retourne l’estomac.
Et c’est exactement ce paradoxe qui m’a poussé à écrire ce papier : comprendre ce qui fait que ma curiosité l’emporte toujours sur la crainte de subir un divulgâchage dans les règles de l’art. Je pense que la réponse la plus simple serait certainement que mon amour du jeu vidéo va un peu plus loin que le pur plaisir d’y jouer. J’aime tout ce qui s’y rattache, que ce soit de comprendre comment il est fait, comment il est produit et tous les petits secrets que la production d’une œuvre vidéoludique peut cacher. J’aime en apprendre toujours plus, quitte à m’en mordre les doigts. Et surtout, j’aime partager ce que je découvre avec les autres, peut-être moins portés sur le sujet. Mais peut-être que tout cela vient d’autre chose.
Des licences vectrices de leaks
Certaines licences jouent avec les leaks mieux que d’autres, créant tout un univers de réflexions et d’imaginations de la part des fans de ces dernières. Ce sont même souvent les fans qui créent des leaks de toutes pièces, alimentant la communauté en ragots sur lesquels débattre et ainsi faire vivre l’univers du jeu de manière extra-diégétique. Prenons par exemple la franchise Pokémon qui est actuellement sur toutes les lèvres suite à l’annonce de la neuvième génération. À chaque annonce, les subreddits et les forums sont pris d’assaut par des « insiders » présentant leurs dernières « découvertes » à une tribune prête à écouter, mais pas forcément à y croire.
Car il est vrai que pour Pokémon (comme pour d’autres), nombreuses sont les fausses fuites, des canulars montés de A à Z afin de récolter de l’attention. On nous parle d’un côté de la possible nouvelle mécanique du jeu, basée sur l’utilisation d’un troisième type pour nos Pokémon, ou encore des possibles évolutions finales des starters ou de la présence ou non de tel ou tel légendaire.
Souvent grossiers, certains leaks semblent tellement plausibles qu’une aura de mystère flotte autour d’eux. Et si c’était un peu cela, aussi, qui nous attirait ? Tant que l’éditeur ou le développeur ne vient pas dire le contraire, le fait que l’information que l’on nous donne pourrait être vraie laisse libre court à nos rêves les plus fous. Et si, au travers de ces mystérieuses informations, le jeu vidéo ne faisait qu’ouvrir une porte supplémentaire au cœur de notre imaginaire ?
Tous d’accord, tous coupables ?
Les grands éditeurs le savent bien : faire la promotion d’un jeu coûte de plus en plus d’argent. Et pourquoi dépenser tout cet argent quand de petites informations distillées au compte-gouttes font si souvent trembler la toile ? Et si j’étais tout simplement manipulé par la machine marketing, comme beaucoup ? Et si on essayait de nous donner envie de savoir, pour nous donner envie d’avoir ? À n’en pas douter, certains leaks sont réellement involontaires. Par exemple, quand PlayStation Japan a récemment mis en ligne le trailer de la saison des tourments de Destiny 2 un peu trop tôt, obligeant Bungie à dévoiler cette dernière partout. Ici, cela n’était clairement pas un choix du développeur. Et pourtant, avant sa diffusion, j’étais déjà à l’affût, épluchant toutes les rumeurs, de la plus plausible à la plus farfelue.
Pour conclure, je pense que ce syndrome est un peu un mélange de tout ça. Poussés par une curiosité plus forte que le reste, enivrés par l’essence du mystère, nous nous retrouvons engagés malgré nous dans la machine médiatique des plus grands éditeurs du jeu vidéo. Les insiders, comme nous-mêmes, ne sont que des rouages de plus dans cette immense horloge dont les tics et les tacs sont autant d’argent économisé par de petits ou grands studios. Mais peut-on considérer ça comme mauvais ? Le jeu vidéo évolue, touche de plus en plus de personnes, et modifie donc sa façon de porter sa voix. Cette folie des leaks et rumeurs ne lui est d’ailleurs pas propre, le cinéma et la télévision n’étant pas les derniers à subir, volontairement ou non, des fuites de la sorte. Pour penser que popularité et leaks vont de paire, il n’y a qu’un pas qu’on franchira aisément.
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