On le promettait dans notre précédent papier, nous ferions un article supplémentaire sur le remake de Silent Hill 2 si nous le jugions nécessaire, et c’est le cas. Car après le State of Play de Sony et la diffusion d’un nouveau trailer du jeu, ainsi que l’annonce de sa date de sortie (c’est pour le 8 octobre), s’est tenu par la suite un autre showcase tournant autour de la licence. Diffusé sur YouTube via la chaine officielle du titre, on a pu enfin découvrir de longues séquences de gameplay du tant attendu remake de Silent Hill 2 développé par Bloober Team, studio à qui l’on doit la licence Layers of Fear, le chef-d’œuvre Observer ou encore Blair Witch et The Medium. Et vous savez quoi ? On a des choses à vous dire.
Parce qu’il faut bien l’avouer, tout amoureux que nous sommes du monument du survival-horror qu’est Silent Hill 2, nous avions bien du mal à nous montrer enthousiastes quant à son remake. Principalement à cause d’une campagne marketing particulièrement discrète, mais aussi et surtout en raison de bandes-annonces qui mettaient l’accent sur des points absolument pas centraux de ce qu’est l’expérience SH 2.
Le jeu brillait avant tout par son ambiance, ses personnages et son scénario terriblement perturbant, dont il se dégageait néanmoins une poésie qui avait su nous toucher en plein cœur. Il était de ces titres qui parvenaient à transcender leur genre et les limites théoriques qui y sont liées pour devenir un objet véritablement unique que l’on ne pouvait catégoriser comme n’importe quelle autre oeuvre vidéoludique. Il s’agissait là d’une histoire d’amour noire, tragiquement belle et qui n’avait laissé personne indifférent.
Alors, vous pouvez imaginer à quel point nous étions déçus lors de nos découvertes des deux derniers trailers en date mettant en avant les combats et les situations urgentes qu’ils généraient. Silent Hill 2 était un jeu plutôt posé, bien plus que tous les autres volets qui suivront, car il se devait de nous plonger dans une profonde solitude qui allait de pair avec l’état d’esprit torturé de son héros, James Sunderland. De l’horreur, il y en avait, des affrontements aussi, mais ils n’étaient pas ce qui définissait l’œuvre, parce que ce qui la définissait en réalité, c’était bien son atmosphère lourde, ses thématiques marquées et sa ville sinistrement hypnotisante. Et si l’on reconnait qu’il peut être difficile de véhiculer tout ceci dans de courtes bandes-annonces, nous ne pouvons pardonner néanmoins qu’aucun effort ou presque n’a été fait pour aller dans ce sens.
Mais ça, c’était avant. Avant de pouvoir enfin avoir un réel aperçu de ce que ce remake a dans le ventre et entend nous proposer à nous autres fans de l’orignal, comme profanes de la saga. Treize minutes auront donc suffit à nous satisfaire, même si des questions restent en suspens et que certains détails nous ont tout de même fait tiquer.
Bienvenue à Silent Hill
Pour commencer cette « analyse », parlons de la ville de Silent Hill. Si l’on pouvait en avoir un très léger aperçu dans les différents trailers, la vidéo de gameplay diffusée par Konami nous a permis d’en voir un peu plus. Dans un premier temps, il nous faut tirer notre chapeau à Bloober Team qui semble avoir réussi à retranscrire de manière fidèle l’identité du lieu dans Silent Hill 2 précisément. Rappelons que si tous les héros des différents jeux se rendent dans la ville, elle n’est pas la même pour tous, notamment en termes d’atmosphère. Elle reflète les conflits intérieurs du protagoniste qui se retrouve alors piégé dans son propre cauchemar. Pour exemple, nous prendrons le sous-estimé Downpour qui nous plonge littéralement dans un Silent Hill brumeux, mais aussi très pluvieux, renvoyant alors à un épisode passé du personnage que l’on incarne.
Dans Silent Hill 2, la cité est toujours embrumée, mais il s’en dégage aussi une certaine douceur dont la quiétude est brisée de temps en temps par le son de notre radio se mettant à grésiller lorsqu’un drone traine dans les parages. Là encore, cela renvoie à la psyché du personnage de James qui, sans trop en dire, a atteint une certaine tranquillité d’esprit au prix d’un terrible événement, sur lequel il a choisi de faire l’impasse. Et cela, Bloober Team semble l’avoir compris et ce que l’on peut voir de la ville désolée est très convaincant, plutôt belle et détaillée, il semblerait que l’on puisse une nouvelle fois en visiter chaque recoin.
On a pu découvrir dans la vidéo une petite portion du quartier de South Vale, lieu de notre entrée dans Sillent Hill. Mais aussi l’hôpital dans sa version « normale » qui promet quelques jolis moments de tension et de frayeur, d’autant plus que les infirmières sont de retour et paraissent bien plus tenaces, mais nous reviendrons là-dessus par la suite. Le tout étant admirablement bien mis en scène, car si l’on perd les angles de caméra prédéfinis, la vue à l’épaule sied élégamment au jeu, et les développeurs ont su s’acclimater à cette nouvelle approche avec des éléments scriptés plaçant le joueur dans l’horreur absolue.
On remarque aussi que James peut annoter sa carte avec quelques indications après avoir trouvé un objet clé, ce qui facilitera la navigation dans les rues labyrinthiques de Silent Hill et qui là encore est en total adéquation avec l’œuvre d’origine. Nul doute que l’on pourra en faire de même dans les divers bâtiments que l’on visite, alors que l’on espère que les portes condamnées y apparaitront aussi, car c’était là un moyen pour le joueur de pouvoir s’y retrouver un peu plus facilement. Quant aux énigmes, elles sont une nouvelle fois de la partie et si l’on en croit un indice laissé sur le site officiel du jeu, il se pourrait que l’on retrouve même les différents niveaux de difficulté de ces dernières que l’ont définie avant de se lancer dans l’aventure.
James, Maria, Laura
On l’a dit, ce qui définit en grande partie Silent Hill 2, ce sont ses personnages. Hauts en couleur, ils ont tous un passé, une histoire et une raison d’être dans la ville, chacun vivant son expérience intimement. Si l’on prend Eddie et Angela par exemple, ils vivent leur propre cauchemar qui se heurte parfois à celui de James, et découvrir la raison de leur présence faisait partie des atouts majeurs de la narration du jeu original. Nous n’avons pas encore vu le premier à l’œuvre dans le remake, mais la seconde est apparue dans le dernier trailer, et si son character design s’éloigne malheureusement de celui que l’on connaissait et du message qu’il véhiculait, la jeune femme semble toujours aussi perturbée. On espère que ces personnages bénéficieront du même traitement qu’auparavant.
Dans la vidéo de Konami, on a pu découvrir deux figures plus centrales à la quête de James, Maria et Laura. Nous ne reviendrons pas ici sur la raison qui les rend si importantes, mais il est appréciable de voir que Bloober a fait le choix de garder quelques séquences connues de tous les joueurs et dans lesquelles elles interviennent. Attardons-nous sur Laura, qui parait comme originellement être un personnage ambivalent, guidant le joueur, mais n’hésitant pas à confronter James sur son passé et à le mettre en difficulté, à le punir. Malicieuse, elle est vectrice de réponses et entretient avec James une relation « je t’aime moi non plus » dont les causes sont étroitement liées aux enjeux narratifs de cet épisode. Il en va un peu de même pour Maria qui est le reflet coupable des désirs refoulés du héros, et ce sera à vous de découvrir pourquoi.
Alors voilà, nous ne pouvons juger de l’intégration de tout ceci au récit du remake, mais si Bloober entend le réussir, cela passera inévitablement par une assise narrative puissante. On espère que cette ré-imagination de Silent Hill 2 apportera aussi son lot de surprises de ce point de vue et quelques envolées narratives inédites, afin de surprendre les vieux de la vieille, sans pour autant que cela contredise le propos global. Mais de ce que l’on a pu voir, c’est bien parti pour.
Notons aussi le retour du maitre Akira Yamaoka à la bande-son et les quelques thèmes donnent toujours aussi corps au visuel. Mélodieux, expérimental, déstructuré, perturbant, le sound design parait toujours aussi marquant et l’ambiance, tout comme l’immersion, devrait s’en trouver renforcées.
Ready, fight !
Autre point à soulever, celui des combats. On a pu en voir quelques-uns au détour des différents trailers, et ils laissaient entrevoir quelque chose de lourd, bourrin et finalement à l’opposé de l’esprit de Silent Hill 2. Pour tout vous dire, ce que l’on a vu dans les treize minutes de gameplay nous a en partie rassuré, car quelques points d’interrogation subsistent. Déjà, oui, James a l’air assez lourd, mais en quoi cela jure-t-il avec le titre sorti en 2002 ? C’était même là un souhait de la Silent Team qui voulait que chaque affrontement soit pénible et punitif, à la fois pour montrer la fragilité émotionnelle de James, mais aussi pour le placer en tant qu’être vulnérable tentant de s’extirper des son propre enfer. En cela, nous ne voyons rien de choquant.
Néanmoins, les animations nous ont paru assez hachées, voire bâclées parfois. Si les différents drones vus (infirmière, mannequin, lying figure) sont bien modélisés, les quelques affrontements nous ont paru occasionnellement assez brouillons au niveau de la gestuelle, surtout au corps-à-corps. Les armes semblent par là même manquer un peu d’impact, et le fait qu’aucune blessure n’apparaisse sur notre opposant n’arrange pas la chose. Cependant, il se peut, si l’on en croit le premier combat contre l’infirmière, que les dégâts soient localisés, ce qui est un bon point.
D’ailleurs, à ce que l’on peut voir, les ennemis auraient la possibilité de parer et contrer nos coups si l’on abuse trop du même, ce qui obligerait à varier nos approches d’attaque pour ne pas se retrouver en mauvaise posture, alors que James aurait maintenant la faculté de pouvoir esquiver les offensives des créatures, sans que cela semble trop abusé. Globalement, nous avons trouvé cela plus dynamique que par le passé, aussi un poil stratégique puisqu’il nous faudra faire avec des munitions limitées et donc prioriser l’affaiblissement pour finir au corp-à-corps notre opposant, mais aussi suffisamment tendu pour que l’on évite au maximum de nous retrouver face à face avec une menace.
D’ailleurs, si l’interface est épurée, plus on est blessé et plus une sorte d’aura rouge recouvre les bordures de l’écran, ce qui est à notre sens anti-imersif. Quitte à proposer une interface minimaliste, autant y aller jusqu’au bout et ne pas alourdir inutilement notre champs de vision. D’autres méthodes, déjà usées dans d’autres survival-horror, auraient pu être utilisées ici pour retranscrire en jeu notre état de santé, comme la posture de notre personnage par exemple.
Un espoir de fou
Il est venu le temps de conclure en adressant un message d’espoir. Bloober Team semble finalement avoir compris de quoi retournait réellement Silent Hill 2, et si tout n’est pas parfait et que l’on s’interroge encore sur certains points précis, comme le rythme du jeu, sa durée de vie ou encore la place que prendront les combats, on ne peut qu’être rassuré après avoir vu le gameplay proposé par Konami. Ce remake parait ainsi maintenant plus posé et proche de l’original sur l’atmosphère qu’il dégage. La réinterprétation des différents lieux et de la ville semble à la hauteur des attentes, et si techniquement tout n’est pas parfait, le tout est bien plus propre que ne le laissait présager les différents trailers.
Reste maintenant à voir ce que donnera la réécriture surtout, car c’est là le pari le plus risqué que prend Bloober avec ce remake. Silent Hill 2 est une oeuvre jouissant d’un scénario exceptionnel qui fait encore aujourd’hui figure de référence pour un genre qui n’a jamais retrouvé d’équivalent depuis, alors il va falloir soigner tout cela au risque de se planter en beauté. Nous sommes aussi curieux de voir ce qu’apporteront les ajouts, car il y en aura, c’est confirmé, notamment ceux tournant autour de Pyramid Head, que l’on souhaite qu’il reste la chimère métaphorique qu’il était.
Ce remake de Silent Hill 2 rassure enfin et ce n’était pas gagné vu la désastreuse campagne marketing. Mais gardons espoir, car même si Bloober Team a toujours été un studio qui divise, il est aussi talentueux et n’a jamais pris les joueurs pour des abrutis. Puis il serait absurde de bouder notre plaisir de voir revenir une saga si culte dans son format le plus adapté et qui plus est avec son meilleur épisode, alors un peu d’enthousiasme nom de Dieu !
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Riku
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Al
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Nigma le Vagabond