Alors que le State of Play du 12 février dernier touchait à sa fin, une dernière annonce a embrasé nos écrans : plan large sur une étendue d’eau, un soleil se lève enveloppant tout d’une lueur orange, sombre et menaçante. Deux colonnes s’élèvent vers un ciel chargé d’un halo irréel. Et ce corps étendu face contre sol, frêle et puissant à la fois, ce soldat qui reprend connaissance, perdu dans l’immensité d’un monde dont il doit déchiffrer les secrets. « Ce monde. Cet instant. Ce choix. ».
Il fixe à présent l’horizon tout en reprenant sa marche, déterminé. Une éclipse immense dévore le ciel. « Chaque fois que le soleil meurt, la folie règne. Puis tout recommence ». Des mains puis des bras inhumains sortent de l’eau. « Mais à chaque mort, je reviens toujours plus fort ». Un mythe, une divinité en gestation s’élève hors de l’eau. Immense, elle aussi. Les nappes sonores sont lourdes. « Je sais que tu es là. Et je te trouverai. » Sur la surface humide d’une rétine se reflète une constellation de boules de shmup. Blackout !
SAROS. Les finlandais d’Housemarque, sous bannière Sony PlayStation depuis 2021, viennent de révéler ce sur quoi ils travaillaient depuis la fin du développement de Returnal. SAROS, un nom qui vibre comme une prophétie.
En astronomie, il désigne le cycle qui orchestre le retour des éclipses, un ballet céleste millénaire où lumière et ténèbres s’entrechoquent. Ce choix de titre ne doit rien au hasard. Housemarque semble vouloir nous plonger dans un monde régi par des forces inconnues, une odyssée (certainement intérieure) où le temps lui-même se courbe sous le poids d’un destin cyclique et inéluctable. SAROS semble jouer avec la fatalité, proposant un voyage où chaque défaite réécrit l’histoire, où chaque mort est une éclipse précédant une nouvelle aube. Gregory Louden, directeur créatif chez Housemarque :
« SAROS est un jeu d’action qui raconte l’histoire troublante d’une colonie oubliée sur Carcosa, baignée par la lumière d’une éclipse menaçante. Vous y incarnez Arjun Devraj, un soldat Soltari qui ne reculera devant rien pour retrouver ce qu’il recherche. Notre objectif est de créer des personnages à la personnalité marquée et avec une palette d’émotions complète, qui abordent le sujet des sacrifices nécessaires à la construction d’un nouveau futur. »
Difficile de ne pas voir en SAROS l’héritier spirituel de Returnal. En 2021, le studio avait posé sa marque avec ce roguelike enfiévré, audacieux, sans concession. Une première incursion dans le TPS 3D pour ce studio fondé en 1995. Un chef d’œuvre pour beaucoup mais un succès commercial relatif. À une époque où les consoles de nouvelle génération accueillent plus facilement les traditionnels blockbusters de lancement, Housemarque (et Sony) a choisi une autre voie : celle du risque, de l’expérimentation, du vertige, de l’exigence aussi.
Un jeu qui défiait les attentes, qui embrassait la douleur de l’échec pour mieux en faire un moteur d’apprentissage et de résilience. Un pari insensé, presque une anomalie pour un line-up de lancement PS5. Un choc électromagnétique qui fait vibrer encore aujourd’hui toutes les terminaisons nerveuses de ceux qui ont mis les mains dessus.
Le gameplay, contrairement à celui de Returnal, dispose d’un système de ressources et de progression permanente, ce qui rend chaque mort utile. Dans SAROS, le monde change au rythme de vos morts et vous pourrez choisir et améliorer de façon permanente votre équipement, constitué d’armes et de pièces d’armure évolutives, afin de venir à bout des obstacles qui se dresseront en travers de votre route sur Carcosa.
Carcosa peut être une clef pour éclairer ce que nous réserve SAROS. Carcosa, c’est cette cité imaginaire qui apparaît pour la première fois dans la nouvelle « Un habitant de Carcosa » (1886) d’Ambrose Bierce (connu pour être l’auteur du ‘Dictionnaire du Diable »). Une histoire d’homme perdu, à la recherche de ses souvenirs et d’une ville. Carcosa, qui fut ensuite citée à plusieurs reprises dans le recueil de nouvelles (1895) de Robert W. Chambers « Le Roi en Jaune », cet être surnaturel, cette entité obscure et maléfique que H.P. Lovecraft mentionnera dans une lettre écrite à Clark Ashton Smith en 1930 . Il y parle de Chambers et de l’influence de son œuvre sur la fiction surnaturelle.
Il est admis que l’influence de Chambers sur l’auteur du Monde de Cthulhu se ressent dans l’idée d’un livre interdit et maudit, qui a pu inspirer le concept du Necronomicon, une influence majeure de l’artiste suisse, H.R. Giger, peintre et sculpteur des cauchemars xénomorphe d’Alien. Une filiation se dessine : Bierce – Chambers – Lovecraft – Giger – Alien – Prometheus – Returnal – SAROS. La boucle est bouclée ?
Avec SAROS, Housemarque semble prêt à transcender son propre héritage, à plonger encore plus loin dans la spirale du temps et de la mort. L’éclipse s’annonce totale. Le jeu ne sortira qu’en 2026, et la prochaine véritable éclipse n’assombrira nos terres qu’en septembre 2081. Pourtant, ces derniers jours, des regards sombres se tournent déjà vers le soleil, comme envoûtés, sans protection, guettant l’arrivée du prochain cycle. Jusqu’à s’en brûler la rétine.
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