L’information est désormais officielle : Riot Games autorise les partenariats avec les marques de paris sportifs pour les équipes de League of Legends et Valorant de Tier 1, en Amérique du Nord, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Ce que l’éditeur présente comme une décision encadrée, pensée pour protéger l’écosystème et garantir de nouvelles sources de revenus, ne sera en réalité pas sans conséquence pour l’avenir de l’esport.
Derrière les éléments de langage soigneusement calibrés, difficile de ne pas y voir un aveu d’échec et une porte ouverte à des dérives bien connues du sport traditionnel : surfer sur la fragilité des foyers les plus précaires et des jeunes.
L’illusion du contrôle
Depuis des années, Riot Games s’était tenu à distance des partenariats avec les entreprises de paris, consciente des risques en termes d’image et d’intégrité compétitive. Mais aujourd’hui, confrontée à la fragilité financière des équipes et au tarissement des investissements, la firme a plié. Dans un long billet, John Needham, président de la division Publishing & Esports chez Riot, justifie ce changement de cap par un constat simple : les paris esportifs existent déjà, qu’on le veuille ou non.
En 2024, plus de 10 milliards de dollars ont été misés sur League of Legends et Valorant, dont 70 % sur des plateformes non régulées. Riot estime donc qu’il vaut mieux organiser cette pratique et en tirer des bénéfices plutôt que de la laisser se développer dans l’ombre.
L’entreprise s’empresse de rassurer : tout sera encadré. Les sponsors seront triés sur le volet, les équipes devront mettre en place des programmes d’intégrité, les joueurs seront protégés, et aucun pari ne sera promu sur les canaux officiels de Riot. Une gestion « responsable », assurent-ils. Pourtant, ces garde-fous paraissent bien dérisoires face à la puissance du secteur des paris et à ses conséquences sociales largement documentées.
Une survie qui passe par l’exploitation des plus vulnérables
L’esport traverse une crise structurelle. Après des années d’expansion artificielle, soutenue par des investisseurs avides et des sponsors généralistes aujourd’hui désengagés, les modèles économiques s’effondrent. Les équipes n’ont jamais réussi à construire des sources de revenus pérennes. Le merchandising reste marginal, les compétitions sont diffusées gratuitement, et les promesses d’une croissance sans fin ont volé en éclats. Riot le sait : sans injection massive d’argent frais, la scène s’écroulera.
Le problème, c’est que cette manne ne vient plus des acteurs traditionnels. Elle vient désormais des États autoritaires, via des événements financés par l’Arabie Saoudite, et des industries toxiques comme le secteur des paris sportifs. L’alternative semble cruelle : accepter l’argent du pétrole ou ouvrir la porte aux addictions, Riot a choisi d’exploiter les deux.
Cette logique reflète un système où les travailleureuses de l’esport, des joueurs jusqu’aux organisateurs, paient le prix d’un modèle défaillant, pendant que les grandes structures s’acoquinent avec des partenaires nuisibles sous prétexte de survie. On ne peut que souligner la violence de cette dynamique : face à la crise, on préfère mettre en péril la santé mentale des jeunes publics plutôt que de remettre en question la voracité des modèles de croissance imposés par le capitalisme.
L’esport, nouvelle cible des industries toxiques
L’esport devient peu à peu un terrain d’expérimentation pour des logiques déjà à l’œuvre dans le sport professionnel : marchandisation des publics, normalisation des paris, capture des espaces culturels par des puissances financières et étatiques.
Ce que Riot présente comme une décision encadrée n’est qu’un cheval de Troie. Les paris s’immisceront sans doute dans les flux des streamers, dans les contenus sponsorisés, dans les communautés périphériques que Riot ne contrôle pas. Les plus vulnérables, c’est-à-dire les foyers précaires et les jeunes, seront en première ligne.
L’entreprise prétend pouvoir maîtriser ce qu’aucune autre industrie n’a réussi à contenir. Mais l’histoire du sport nous l’a déjà appris : la prolifération des paris transforme les compétitions en marchés spéculatifs, alimente les scandales de match-fixing, et détruit la confiance des spectateurs.
Dans ses mots, Riot Games promet de réinvestir dans la scène Tier 2, d’aider les jeunes joueurs et de soutenir la pyramide compétitive. Mais qui croit encore à la redistribution sincère des revenus dans un secteur gouverné par la logique de rente ?
L’esport se transforme, peu à peu, en une version dégradée du sport traditionnel : mêmes sponsors douteux, mêmes compromissions, mais sans les protections institutionnelles ni les cadres syndicaux qui pourraient défendre ses travailleureuses.
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