Il est un fait assez courant qu’une œuvre culturelle avortée devienne instantanément culte. Telle une construction dont les bases et quelques murs sont érigés, mais dont le reste de la structure n’apparaît que dans l’esprit de celui ou celle qui l’observe. Ce reste est alors soumis à l’imagination de son observateur. Il en va de même pour une œuvre avortée dont les quelques traces existantes apparaissent comme les vestiges archéologiques de sa conception. Mais surtout, ces vestiges font office d’étincelles embrasant les fantasmes de ceux qui s’y intéresseraient.
Ainsi, il existe de très nombreuses œuvres correspondant à cette description. Dans le cinéma, l’on pourrait citer le film Dune d’Alejandro Jodorowsky dans le milieu des années 70. Ou bien dans le domaine de la télévision la série Star Wars Underground qui était censée prendre la relève de la Prélogie cinématographique.
Dans le jeu vidéo (car c’est ce qui va nous intéresser), et toujours dans l’univers créé par Georges Lucas, l’on peut citer Star Wars 1313, un jeu d’action-aventure à la troisième personne n’ayant jamais vu le jour suite à la suppression du studio LucasArt, entraîné par le rachat de la franchise par Disney. L’on avait eu le droit ici à de nombreux artworks et même une cinématique agrémentée de phases de gameplay. Et c’est là un point très important des projets annulés/fantasmés.
Il semble en effet nécessaire d’avoir cette base de matière pour se faire une idée de ce qu’aurait pu donner le produit fini. Une manière de guider notre imagination en somme. Et justement, le projet avorté qui va vous être présenté dans cet article possède une base de données suffisamment conséquente pour pouvoir nous permettre de visualiser ce qu’il aurait pu donner s’il avait vu le jour.
Bien que Star Wars ait été cité précédemment à plusieurs reprises, il ne s’agit pas ici d’un jeu appartenant à cet univers. Pourtant, il existe un lien avec Star Wars puisqu’il s’agit d’un projet annulé du studio canadien BioWare, qui nous aura donné les deux jeux Knight of the Old Republic (sûrement les meilleurs jeux tirés de la licence Star Wars).
Jamais annoncé officiellement, Revolver, c’est son nom, était un jeu prévu pour PC, PS3 et Xbox 360. Et si l’on est aujourd’hui mis au courant de l’existence de ce jeu mort dans l’œuf, c’est parce que l’artiste Matt Rhodes, ayant œuvré sur de nombreux projet au sein de BioWare, a partagé sur son compte Instagram une pléthore de concepts arts, accompagnés de quelques indications sur le jeu.
Débutant son développement en 2005, Revolver devait être une sorte de suite spirituelle de leur précédent RPG Jade Empire, avec la spécificité de se dérouler dans un futur proche de notre présent, au cœur d’un environnement urbain avec des émanations d’agence gouvernementale et de régime policier.
Pourtant, ce cadre contemporain n’exclut pas la présence d’une grande variété d’armes blanches, notamment d’épées en tous genres. Il semblerait également que cet univers intègre des créatures dimensionnelles qui n’auraient pas dénoté dans un titre tel que Dead Space ou encore Fall Out.
Créatures aux milles yeux et autres mimics auraient donc peuplé le titre, formant au fur et à mesure du développent un univers qui s’éloigne de l’idée d’un Jade Empire contemporain pour lorgner du côté du de la science-fiction et du cyberpunk.
Dans sa forme, Revolver aurait été un RPG à la troisième personne laissant une grande liberté au joueur, à l’image de la plupart des jeux actuels. Certains concepts arts laissent même penser que notre personnage aurait pu effectuer du parkour dans la jungle urbaine. Côté combat, outre les armes à feu et les armes au corps à corps, certains personnages auraient été dotés de pouvoirs assez similaires aux pouvoirs des biotiques dans Mass Effect (également développé par BioWare).
Avec tous ces éléments mis à plat, il est désormais possible de distinguer, ou du moins spéculer sur ce que Revolver nous aurait proposé.
Attention, cette partie de l’article est de l’ordre de la spéculation, aucune information n’est à prendre pour argent comptant. Ceci étant dit, place à l’imagination.
Le jeu aurait pris place dans une mégalopole sous l’égide d’une agence gouvernementale ou d’une corporation possédant sa milice personnelle. Une sombre organisation bureaucratique en somme, et dont les activités se seraient concentrées sur l’interaction avec d’autres plans dimensionnels. Des plans dimensionnels qu’ils auraient ouverts et de façon voulue ou non, et qui auraient laissé entrer les créatures citées plus tôt dans l’article.
D’ailleurs, les concepts arts de mimics éveillent même l’idée d’une prise de contrôle de l’organisation bureaucratique par ses « prédateurs dimensionnels » (comme les nomme Matt Rhodes). Notre personnage (ou nos personnages) customisable, armé d’une épée et d’armes à feu modernes, aurait fait partie d’une sorte de résistance qui souhaite mettre en lumière les activités de l’organisation afin de mettre un terme à sa dictature. L’on aurait au cours du jeu appris l’existence des prédateurs dimensionnels, voire révélé qu’ils avaient pris secrètement la direction de l’organisation.
En jeu, tout cela aurait été traduit pas une carte ouverte de la mégalopole, à l’image de la carte de Constantinople dans Assassin’s Creed Revelations. De plus, l’on aurait pu se déplacer à travers cette cité façon parkour, encore une fois à la manière de la franchise phare d’Ubisoft. L’on y aurait croisé un grand nombre de personnages secondaires avec une large possibilité de dialogues à choix complexes.
Un héritage ici des œuvres précédentes de BioWare (Kotor, Mass Effect). Concernant la baston, Revolver se serait sûrement basé sur les affrontements de Mass Effect, avec un mélange d’armes à distance et d’utilisation de pouvoirs dans un gameplay centré sur l’action en temps réel. Néanmoins, la présence importante d’épées parmi les concepts arts indique que l’accent aurait été sûrement mis sur les affrontements au corps à corps.
Qu’il est agréable, en naviguant parmi ces illustrations d’une grande qualité, de laisser notre imagination s’envoler autour du moindre détail. Hélas, Revolver ne dépassera pas cet état de bouillonnent créatif, car annulé en 2008 afin d’allouer plus de temps et de ressources aux développements de Mass Effect 2 et Dragon Age: Origins. Un plutôt bon calcul de la part de BioWare, il faut l’avouer.
Si néanmoins Revolver vous intéresse, nous ne serions que trop vous recommander dans un premier temps de consulter le compte Instagram ou la page ArtStation de Matt Rhodes afin d’admirer la totalité des concepts arts. Puis, pour plus de détails et si l’anglais ne vous fait pas peur, vous pouvez toujours vous procurer l’ouvrage BioWare: Stories and Secrets from 25 Years of Game Development, qui revient sur l’ensemble des travaux du studio.
Enfin, il ne nous reste plus qu’à vous demander – car on les sait nombreux –, quel jeu avorté vous fait rêver ? Et pourquoi pas, mettre en lumière cette œuvre reposant à jamais dans l’ombre.