Est-il possible d’allier rythme de sortie effréné et exigence de qualité ? Lorsqu’on se penche sur le modèle économique de certaines franchises vidéoludiques, la question semble légitime. Assassin’s Creed et Call of Duty pour ne citer qu’eux ont pu par le passé atteindre des rythmes de sorties trop élevés, au point de parfois proposer plusieurs jeux la même année. Si aujourd’hui, ces deux franchises ont changé de modèle économique, elles n’ont pas été épargnées par les critiques et ont été lâchées par certains joueurs. Depuis quelques années, la saga Pokémon a adopté un modèle économique similaire.
Et les petites créatures sont maintenant dans l’œil du cyclone. Épée, Bouclier, Diamant Etincelant, Perle Scintillante, Arceus, Écarlate et Violet… sept jeux sortis en moins de trois ans. C’est beaucoup, trop diront certains. Si chaque génération dure en moyenne trois ans, on ne compte plus les épisodes intermédiaires et les spin-offs. Remakes, épisodes spéciaux, rééditions, nouvelles aventures, la Pokémon Company est partout, et à vouloir trop en faire, elle commence à s’attirer quelques foudres méritées.
Si la corrélation entre un court temps de développement et un produit moyen n’est pas avérée, et pourrait être rapidement démontée à coup de contre-exemples, quelques voix commencent tout de même à s’élever contre les jeux vidéo Pokémon des dernières générations.
En cause ? La piètre qualité technique des derniers titres proposés. Lags, bugs, monde vide, pauvreté visuelle, tout a déjà été dit et surtout montré, et il devient difficile de défendre la Pokémon Company sur ces sujets tant ils deviennent récurrents. La quantité aurait-elle pris le pas sur la qualité ?
La firme a beau se défendre à coup de patchs et de mises à jour, le mal est déjà fait, et le verdict est sans appel : les jeux des dernières générations de Pokémon sont indignes de leur époque d’un point de vue technique. Loin de nous l’idée de remettre en cause un concept et un gameplay devenus légendaires, et les idées à foison dont regorge la majorité des jeux de la franchise. Mais quel dommage que ces idées ne soient pas mises en valeur dans un plus bel écrin, et ce dès leur lancement. En tant que joueur, payer plus d’une cinquantaine d’euros pour un produit non-fini, la pilule passe de moins en moins bien.
Malgré leurs qualités, chacun des derniers Pokémon a connu sa période de bad buzz. Si certains remettent en question le support vieillissant qu’est la Switch pour expliquer ces échecs techniques (mais certainement pas commerciaux), l’argument semble bien léger. Un simple coup d’œil à d’autres productions suffit pour voir l’évidence. Il est toujours possible de développer des jeux qui tournent sur Switch. De nombreux autres jeux développés par des studios bien moins dotés fonctionnent encore sans bug sur la console de Nintendo.
Bien entendu, la Switch est au crépuscule de son existence et n’a plus les capacités techniques pour parfaitement supporter les titres les plus récents, tel un The Legend of Zelda: Tears of The Kingdom, qui pousse la machine dans ses ultimes retranchements. Mais le problème semble être ailleurs. La Pokémon Company se donne-t-elle les moyens de ses ambitions ? Ou se satisferait-elle finalement de la situation ? Après tout, avec déjà plus de vingt millions d’exemplaires de Pokémon Écarlate et Violet vendus dans le monde en quelques mois, y aurait-il un interêt à remettre le modèle économique en question ?
À en croire les principaux intéressés, pas question de ralentir le rythme dans les prochaines années. Mais Takato Utsonomyia et ses équipes ont bien pris note des critiques. De là à faire évoluer leurs pratiques ? Le chef opérateur de la Pokémon Company s’est confié à Comicbook.
« Il y a de plus en plus de conversations en interne pour savoir comment continuer à garder notre cadence de production, tout en cherchant à proposer des produits de très bonne qualité. » Takato Utsonomyia
En bref, ne vous attendez pas à voir une baisse du rythme des sorties dans un futur proche. Mais attendez-vous, peut-être, à de meilleurs jeux. Derrière cette réponse simple, un constat ressort : la logique financière semble avoir pris le dessus, et la remise en question paraît faible pour la firme japonaise.
Attendons tout de même les prochains produits pour juger. Mais tant que les jeux se vendent comme des petits pains, pourquoi prendre le temps de faire mieux ? Une nouvelle fois, aucune offense à une franchise qui a marqué des millions de personnes et continue encore de le faire. Aucun irrespect non plus pour les développeurs derrière les jeux, qui font sans doute ce qu’ils peuvent avec le temps qu’on leur donne. Mais aujourd’hui, force est de constater que le modèle est basé sur la vitesse. Entre les séries animées, les cartes, les applications et gadgets en tout genre (coucou Pokémon Sleep) et les DLC, il ne faut surtout pas laisser le temps de ne pas parler de Pokémon. Et ce quitte à proposer des produits de moins bonne qualité.
Il sera intéressant de voir de quoi sera fait le futur de la franchise. Le potentiel de création est infini, et chaque nouvelle génération de Pokémon sera accompagnée d’une nouvelle génération d’enfants ou d’adolescents qui découvriront la licence. Bref, des millions de nouveaux joueurs potentiels qui remplaceront les millions de déçus de la génération précédente.
Attention toutefois au bouche-à-oreille négatif qui pourrait découler un jour de la perte de qualité des jeux. La transmission intergénérationnelle pourrait en pâtir. Mais il est tout de même difficile d’être inquiet pour la suite de la franchise, tant elle s’est maintenant installée dans la mémoire collective. La Pokémon Company restera sans doute longtemps un rouleau compresseur masqué derrière les plus mignonnes des créatures.