Detroit: Become Human – les gamers rêvent-ils de moutons numériques ?
Quantic Dream et David Cage. Deux noms qui suscitent les réactions les plus vives. Certains portent le créateur français aux nues en le qualifiant de génie visionnaire ou de Godard du jeu vidéo souhaitant utiliser le medium pour véhiculer diverses émotions, d’autres le conspuent et voient en lui un réalisateur raté se rabattant sur des films interactifs aux scénarii pas toujours maîtrisés. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, force est d’avouer que le sieur a su se faire une place de choix dans le microcosme du jeu vidéo. Après un Beyond Two Souls que nous avions testé, qui explorait la thématique de la mort, c’est d’humanité que Cage veut nous parler dans Detroit: Become Human. Nous nous sommes rendus dans le stand super design de Quantic Dream afin de savoir ce que le jeu voulait nous raconter. Impressions.
Blade Runner
Detroit, la ville de Robocop, le futur. Une ville plongée dans la nuit, un monde dans lequel les humains se reposent sur des androïdes pour accomplir toutes sortes de tâches. La démo nous a mis dans la peau synthétique de Connor, un androïde expert en négociation. Et nous avons été appelé parce qu’un androïde, peu au fait des lois de la robotique telles qu’édictées par Isaac Asimov, a jugé bon de prendre une arme, de buter son propriétaire et de prendre sa fille en otage. C’est la bérézina, la maman est en pleurs et les flics sont démunis, ne pouvant tirer sur le robot qui est sur le toit et retient la gamine. Leur stratégie consistant à se faire canarder à tour de bras ne semble pas être très efficace. Personne ne veut de nous sur le terrain. C’est le moment de prendre les choses en main.
Comme souvent chez Quantic Dream, le jeu est visuellement très beau. Un soin particulier a été apporté à la modélisation des personnages, que l’on pourrait presque qualifier d’acteurs numériques. Le jeu, comme presque tous les titres issus du studio, est un descendant du point ‘n click avec un scénario à embranchements multiples, et qui se modifie en fonction de vos choix. Certains, pouvant paraître anodins, servent à caractériser votre personnage. Vous êtes un être artificiel. Allez vous sauver un poisson tombé de son aquarium, démontrant une empathie et donc un début d’humanité ? Ou vous contenterez-vous de remplir froidement votre mission ? Le jeu promet de nombreux choix de ce type.
La démo nous invitait donc à sauver une otage. Bien entendu, l’issue dépend de nos choix et nous pouvions choisir notre approche. Un pourcentage indique nos chances de réussir notre négociation. Et pour faire grimper ce taux, nous devions mener l’enquête dans l’appartement afin d’en apprendre un peu plus sur le preneur d’otage et les raisons qui ont pu le pousser à commettre l’irréparable. Avouons-le, cette séquence était plutôt réussie, de même que la partie négociation. La tension de la scène était palpable et notre approche, couronnée de succès bien entendu, nous amenait à choisir soigneusement nos mots afin de gagner la confiance de l’adversaire.
I, robot
Detroit: Become Human, nous le disions, est un très beau jeu. L’ambiance est parfaitement retranscrite et la modélisation des personnages est bluffante. Par ailleurs, les doublages français sont de qualité. Comme souvent avec David Cage, le jeu dispose d’un écrin de velours. Cependant, le titre reprend le type de jouabilité de Heavy Rain et Beyond Two Souls, c’est à dire une succession de QTE et d’actions contextuelles. De fait, le jeu est, comme ses prédécesseurs, très dirigiste, vous prenant sans cesse par la main afin de vous expliquer quoi faire. Par ailleurs, la maniabilité manque de souplesse, à l’instar de ses ancêtres. La partie enquête, si elle est effectivement cool, reste enfantine, car vous disposez d’un « palais mental » qui, sur une pression de la touche R1, vous indique quels sont les points sur lesquels enquêter. On a donc plus l’impression de suivre une histoire que de la vivre.
Par ailleurs, si la démo était effectivement très sympa, quelques tics d’écriture nous ont un peu froissés. Il est bien entendu trop tôt pour parler du scénario de Detroit: Become Human en détail, mais en vingt minutes, nous avons tout de même rencontré de nombreux poncifs et autres facilités scénaristiques. Si l’utilisation de clichés n’est pas mauvaise en soi (les clichés existent car ils nous permettent de nous raccrocher à un univers en y injectant des éléments qui nous sont familiers. Cependant, ce n’est pas le lieu pour philosopher sur la narration), il reste que quiconque a déjà ouvert un bouquin de science-fiction peinera à être surpris tant les thématiques paraissent éculées. Là encore, nous le répétons, il ne s’agit pas nécessairement d’un défaut. Disons que cela dépendra de comment le scénario joue avec.
En conclusion
Detroit: Become Human a de quoi nous interpeller. Le titre, s’il parvient à bien gérer ses thématiques, pourrait bien devenir le Ghost in the Shell ou le Blade Runner du jeu vidéo. Si l’aspect visuel est maîtrisé, reste à espérer que le scénario saura tenir la distance et nous proposer une histoire intéressante. Il y a énormément à dire avec le thème de l’homme et la machine. La séquence, en tout cas, nous a suffisamment charmés pour éveiller notre attention. Androïdes, préparez-vous à vous émanciper ! Detroit: Become Human sortira exclusivement sur PlayStation 4 en 2018.