Persona 5 Tactica est la nouvelle itération de la licence ayant propulsé Atlus sous le feu des projecteurs. Jusque-là cantonné à une niche vidéoludique, c’est en 2017 (2016 au Japon) que le studio a sorti sa poule aux œufs d’or. Persona 5 fut une révélation pour des millions de joueurs, au point que le sixième opus de la saga fait aujourd’hui partie des RPG les plus attendus, alors que celui-ci n’a toujours pas été formellement annoncé.
En attendant ce saint moment, le studio profite à fond de cette aubaine populaire pour engranger un maximum de deniers en étendant l’univers des voleurs fantômes sur autant de machines que possible et au-delà même parfois de son genre historique. Persona 5 Royal, avec son extension massive, Persona 5 Strickers qui touche (avec succès) au mûso, des DLC à tire-larigot, manga, animations, goodies… rien n’est oublié.
Devenue une pompe à dollars, récompensant une maestria indéniable de l’opus de base, la licence Persona est à présent au plus fort de sa popularité. Pourtant, quelle ne fut pas notre surprise quand l’annonce d’un épisode tactique a été faite. La bande se reforme pour une nouvelle aventure où nos affrontements seront, semble-t-il, cette fois bien plus stratégiques. Reste à voir si l’essorage de la licence ne rendra pas ce Persona 5 Tactica insipide.
(Test de Persona 5 Tactica réalisée sur PS5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Les voleurs fantômes rempilent
Décidément, Joker, Mona et toute la bande des voleurs fantômes enchaînent les péripéties. Après avoir sauvé le monde de la destruction dans Persona 5 puis remis le couvert le temps de quelques vacances musclées dans Strickers, les voici de nouveaux confrontés aux métavers. Rassurez-vous, point de Mark Zuckerberg, mais plutôt une occasion supplémentaire d’éprouver les instincts révolutionnaires de nos adolescents préférés.
D’ailleurs, levons tout de suite un lièvre. Bien que ce ne soit pas indispensable pour comprendre les événements de Persona 5 Tactica, il reste tout de même recommandé d’avoir a minima terminé l’opus de base, de nombreuses références à ses événements étant présentes.
Alors que nos jeunes amis papotent au café Leblanc, le temps se fige et une mystérieuse porte apparaît. Un accès vers un autre monde dominé par une femme tyrannique, Marie, au charme envoûtant (littéralement). Après avoir été sauvés in extremis par la mystérieuse Erina, Joker et ses amis vont entreprendre de libérer le peuple de ce monde et stopper les velléités nuptiales de Marie.
Vous l’aurez compris, l’esprit de Persona 5 est toujours bien présent, avec le même humour qui a su rendre attachants nos différents compagnons. C’est cependant moins le cas pour les nouveaux protagonistes introduits. Erina, emplie de justice, et Toshiro, un jeune homme politique très en vue récemment disparu du monde réel et devenu amnésique (le poncif habituel pour lancer une histoire), peinent à nous convaincre pleinement alors que l’intrigue complète tourne autour de ces deux individus.
Rien d’étonnant néanmoins à ce qu’on s’attache moins facilement à de nouvelles têtes, surtout quand l’équipe principale nous a déjà accompagnés pendant plusieurs centaines d’heures. Malgré tout, l’intrigue qui nous est ici contée est plutôt intéressante et ne sombre pas (trop) dans la facilité scénaristique comme on a l’habitude de voir dans maints spin-off.
Le seul véritable point de frustration est la lenteur générale du rythme de la narration. Comme on pouvait s’y attendre, c’est extrêmement bavard et pas toujours intéressant. Comme un Persona, pourriez-vous rétorquer. Néanmoins, à la différence de la série principale, ici, les dialogues n’ont aucun autre intérêt que, au mieux, faire avancer l’histoire. Pas de liens sociaux à tisser, pas de décisions à prendre (les choix proposés étant inutiles), rien de plus qu’un scénario que l’on subit du début à la fin.
Le bon goût des choses simples
Là où on n’attendait pas Persona 5 Tactica à pareille fête, c’est lorsque l’on s’attarde sur les possibilités offertes durant les combats. Assez inspirés de ce qu’on a pu connaître dans Mario + Lapins Crétins, les affrontements parviennent à mêler les actions tactiques traditionnelles du genre aux spécificités uniques des Persona.
Les batailles deviennent rapidement passionnantes et on prend beaucoup de plaisir à préparer nos actions. Quelles solutions employer pour écarter l’ennemi de sa couverture (pour pouvoir lui infliger une attaque critique ensuite) ? Comment placer nos trois personnages pour encadrer un ennemi affaibli et pouvoir, à lui et à ses sbires proches, infliger l’emblématique « All-Out Attack » ? Comment utiliser la topographie des cartes et les caractéristiques des adversaires pour les occire le plus rapidement possible ?
Des questions basiques quand on parle de T-RPG, mais qui pour autant ne sont pas toujours bien répondues par les autres titres du genre. Alors effectivement, les environnements ne sont pas bien grands, et on pourrait pointer du doigt un bestiaire peu étendu. Cependant, on a retrouvé dans ce Persona 5 Tactica une fibre puzzle-game qui n’est pas pour nous déplaire.
Un sentiment encore plus présent lors des quêtes annexes, notamment, qui demandent de résoudre une situation précise en un tour unique (tuer tous les ennemis généralement) ou pour simplement terminer les défis secondaires de chaque joute. Et comment ne pas évoquer les fantastiques combats de boss ? Dans ces fins de chapitre, on n’a pas le temps de niaiser. Les boss nécessitent une approche particulière, dans une folie et une grandiloquence auxquelles Persona 5 nous a habitués, pour nous offrir ainsi des conclusions remarquables.
Il ne faut toutefois pas s’attendre à un T-RPG pouvant rivaliser avec les cadors du genre. En termes de possibilités, il n’arrive clairement pas à la cheville d’un Disgaea ou d’un Fire Emblem. Typiquement, et alors qu’elles jouent un rôle essentiel dans la série principale, les affinités élémentaires sont inexistantes dans Persona 5 Tactica.
On a globalement affaire à une expérience simple, y compris au niveau du challenge proposé, et bien plus courte que les épisodes classiques. Les personas prennent également moins de place dans le jeu et ne servent basiquement que de statistiques et de pourvoyeurs de capacités actives ou passives (chaque personnage ayant à présent sa persona, héritée de Persona 5, et une seconde à lui assigner à loisir). Le tout accompagné d’un rachitique arbre de compétences. Mais l’intérêt est ailleurs.
Car simple ne veut pas nécessairement dire simpliste et les possibilités restent suffisamment variées et plaisantes à utiliser, compte tenu des problématiques posées par les affrontements, pour que le titre s’en tire finalement avec les honneurs, sans forcément briller, mais sans jamais frustrer non plus.
Une simplicité que l’on retrouve d’ailleurs dans des considérations plus terre-à-terre. Vous vous en êtes forcément rendu compte en visionnant les images du jeu, mais Persona 5 Tactica a troqué le cel-shading de son aîné pour une approche plus cartoon de ses visuels. S’ils sont déroutants de prime abord, on finit pourtant par apprécier les rendus « chibi » des différents personnages.
Persona 5 Tactica a un charme ravageur. Que ce soit dans les musiques jazzistiques toujours aussi réussies (quoique moins mémorables), la mignonnerie des personnages chapeautés concurrençant Mona sur le terrain des mascottes, l’ambiance bon enfant de cette bande de copains ou les couleurs et effets visuels souvent exubérants, tout participe à offrir une ambiance feel-good presque festive à l’aventure.
« Si vis pacem te ipsum vince » (si tu veux la paix, conquiers-la), la maxime principale du titre. Mais au-delà de la paix, c’est notre cœur qui a été conquis. Et pourtant, ce n’était pas gagné. Persona 5 Tactica a beau être léger quand il s’agit de nous faire jouer, manquer de rythme et globalement bien plus pauvre que son grand frère, on a eu du mal à détacher notre regard du jeu.
Parfois, il n’y a pas besoin de faire des choses compliquées, d’imbriquer des systèmes dans d’autres systèmes pour être bon, surtout si c’est au final pour accoucher d’une usine à gaz. Persona 5 Tactica ne révolutionne en rien le genre, mais les développeurs ont réussi à offrir à leur jeu une âme, ce petit on-ne-sait-quoi qui fait qu’on arrive à lui pardonner ses errements.
Mais c’est aussi l’envie irrépressible de retrouver Mona, Ann, Futaba et toute notre bande d’amis aux côtés desquels nous avons vécu l’une des plus grandes aventures que le RPG nous ait offerte ces dernières années qui permet d’apprécier encore mieux tout ce que le titre a à nous offrir. Est-ce le jeu de trop pour la licence ? Certainement pas. Persona 5 Tactica est une bulle de fraîcheur dans ce monde de brute et le meilleur des palliatifs en attendant le remake de Persona 3 dans quelques semaines.