Allons droit au but : Overwatch 2 souffre de nombreux problèmes. Et ces nombreux problèmes découlent d’une décision spécifique qui devait marquer la différence avec le premier opus : passer de parties opposant deux équipes de six joueurs, à des parties opposant deux équipes de cinq joueurs.
On se souvient, en effet, que l’une des critiques récurrentes d’Overwatch portait, vers la fin de sa vie, sur l’omniprésence d’un duo de tanks avec des boucliers, ce qui donnait le sentiment que l’on devait tirer plus souvent sur les boucliers que sur les ennemis. Sans même parler de l’infâme composition « Bunker » ou « Pirate ship » où un Bastion boost par une Mercy se tenait derrière deux boucliers.
C’est donc une ère révolue, puisque Blizzard, dans sa grande sagesse, plutôt que de faire des reworks et autres rééquilibrages, a décidé de supprimer purement et simplement le deuxième tank. Alors, certes, les compositions nommées ci-dessus ont disparu, mais ce changement radical a apporté son lot de déséquilibres, qui, aujourd’hui, placent Overwatch 2 face à une crise d’identité et poussent le jeu à réintroduire des mécaniques qu’il se faisait fort de supprimer. C’est pourquoi votre humble serviteur estime que la décision de passer de six à cinq joueurs par équipe a été substantiellement destructrice pour la qualité des parties, et ce, en invoquant cinq raisons que chacun est libre de réfuter.
La disparition du off-tank chargé de peel
Pour faire simple, selon les compositions que l’on pouvait avoir dans Overwatch, la présence d’un second tank permettait à l’un des deux tanks de « peel », autrement dit de protéger les héros de support lorsqu’ils étaient attaqués par des DPS, ennemis très mobiles. Bien souvent, le tank chargé de peel n’est pas le « main tank », possédant un bouclier et assez lent, mais un « off-tank », plus autonome. Or, la disparition du second tank impose aux DPS de l’équipe de devoir peel à leur tour, le seul et unique tank devant faire face à celui de l’autre équipe sous peine de « feed » (prendre des dégâts gratuitement, augmentant la charge des capacités ultimes adverses) ou mourir.
De ce constat très simple, deux solutions ont été avancées par Blizzard : d’une part, les deux héros de support sortis sur Overwatch 2, Kiriko et Vital, possèdent tous les deux des capacités d’invulnérabilité, devant leur permettre d’avoir une chance pour fuir les menaces ; d’autre part, certains DPS ont reçu des capacités de CC (crowd control, c’est-à-dire retirer brièvement à un joueur le contrôle de son personnage).
Les fameux CC, ceux-là même qui étaient devenus une blague dans le premier jeu étant donné leur omniprésence, signent en effet leur retour en force. Nous avons ainsi Cassidy qui possède une grenade désactivant les capacités de mobilité des adversaires, très utile contre une Tracer ou un Genji, mais totalement déséquilibrée, surtout depuis la dernière mise à jour qui la transforme en munition rôdeuse, et Mei, qui peut diminuer de 75% la mobilité des ennemis glacés. Soit un virage à 180° et un retour à très grande vitesse vers le premier Overwatch.
La disparition des synergies
Le titre parle de lui-même : dans Overwatch, le duo de tank pouvait se compléter et jouer en synergie. On se souvient ainsi du duo Winston-Dva pour les stratégies de dive ; ou du duo Reinhardt-Zarya pour la composition de brawl, où Reinhardt pouvait avancer protégé par la bulle de Zarya. Ou d’Orisa-Roadhog, surtout en défense de chokepoint. Et, évidemment, l’infâme duo Reinhardt-Orisa, qui plaçaient leur bouclier à tour de rôle et rendaient toute progression extrêmement compliquée. Dans Overwatch 2, cette complémentarité a disparu faute de second tank, limitant donc les possibilités de gameplay, la variété des styles de jeu, et altérant le charme même du jeu qui devient, dès lors, excessivement centré sur les DPS. S’il fallait absolument changer quelque chose à la composition des équipes pour démarquer le second jeu du premier, alors ajouter un troisième DPS aurait été beaucoup plus intéressant plutôt que de supprimer un duo.
Le rework d’Orisa et de Bastion
Venons-en à l’un des personnages qui a le plus changé d’un jeu à l’autre : Orisa. Notre brave tank africain est passé d’un générateur de bouclier avec une capacité ultime oubliable, à un tank dépourvu de bouclier et extrêmement mobile. Si l’omniprésence des boucliers était le facteur ayant décidé à la suppression du second tank, pourquoi ne pas avoir fait d’autres reworks dans la même veine ? Pourquoi avoir supprimé le sixième joueur de l’équipe plutôt que de faire des rééquilibrages, peut-être fastidieux, mais tellement plus bénéfiques au jeu ? Parce que c’était plus simple ? D’autant que la disparition des compositions « bunker » et « pirate ship » est sans doute davantage la conséquence du rework de Bastion, qui ne peut désormais plus utiliser indéfiniment sa mitrailleuse, que de la disparition du second tank.
Si Blizzard n’était qu’un petit studio indépendant, situé dans un garage et survivant grâce aux dons, l’excuse pourrait s’entendre, mais l’on parle ici d’un groupe opulent, faisant des bénéfices incroyables avec ses jeux en live-service et préférant négliger une de ses licences majeures plutôt que d’y allouer ressources et talents, ce n’est pas sérieux.
Pression accrue = toxicité accrue
Fatalement, puisque le tank est désormais tout seul et que ses erreurs de jugement ne sont plus rattrapables par le second tank, la pression qui s’abat sur le joueur chargé de ce rôle est considérable. À la moindre erreur, c’est sa mort, et la mort du tank, et donc la défaite d’un combat important dans une partie. Défaite qui aura permis à l’autre équipe de charger plus rapidement ses capacités ultimes et de partir avec un meilleur score. Les décisions prises par le tank sont donc lourdes de conséquences. Et, malheureusement, Overwatch 2, comme son prédécesseur, est particulièrement propice à la toxicité dans les chats textuels et vocaux, autrement dit, jouer tank dans Overwatch 2, c’est jouer un rôle particulièrement propice aux critiques et insultes fréquentes.
Le tank, bouc émissaire opportun
S’additionnant au problème de la toxicité, le rôle de tank est particulièrement ingrat, car, comme dans le premier jeu, le choix de héros à jouer est particulièrement limité en comparaison avec le pool de héros disponibles pour les DPS. Pire, jouer certains héros tank, comme Hammond ou Roadhog, revient désormais à « throw » (saboter) une partie. De fait, le joueur tank est contraint de s’adapter en permanence à la composition de l’équipe adverse pendant que les autres rôles ressentent moins cet impératif. Une Widow décime l’équipe ? Il faut un Winston. Ils ont Rammattra en face ? Impossible de jouer Reinhardt. Ils ont Winston ? Exit Sigma. Ils ont une DVA ? Il faut prendre Zarya, etc. Et ça ne vous épargnera sans doute pas un « tank diff » dans le chat de fin de partie.
En bref, le rôle de tank dans Overwacth 2 est devenu ingrat, non fun, stressant et répétitif, la faute à une décision prônant l’extrême simplicité, qui devait permettre à Blizzard de s’épargner la peine de faire le rework d’autres héros. Sauf que ce qui ressemblait à un raccourci a conduit insidieusement le studio à revenir sur ses pas, se cassant une jambe au passage, tout en restant dans le déni. De fait, en perdant un joueur dans chaque équipe, Overwatch, en tant que franchise, s’est éloignée de ce qui faisait son charme et la singularité de son identité.
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