Ce n’est désormais plus un secret pour personne : depuis quelques décennies, le jeu vidéo est sorti de sa marginalité pour tendre vers la reconnaissance de sa propre forme artistique. Histoire de (faussement) contredire ce constat tout en enfonçant le clou avec malice, les studios Ankama et Spiders proposent une curieuse exposition, « l’Open Museum Jeu Vidéo », au Palais des Beaux-Arts de Lille, et ce dans le but d’harmoniser tableaux et sculptures avec les créations visuelles et numériques de ces créateurs français. Une initiative originale qui vise plusieurs publics : d’un côté, les habitués du musée pourront se confronter aux prodigieuses bizarreries qui ornent désormais les lieux tout en contemplant les œuvres extraordinaires (et nous pesons nos mots) déjà bien en place. De l’autre, les aficionados du JV allergiques à ces temples du savoir n’auront aucune excuse pour boycotter la place ! En admirateurs des deux propositions, nous y sommes allés dès les premiers jours d’ouverture et, sans surprise, nous avons beaucoup aimé.
Mais peut-être faut-il effectuer quelques rappels. Pour ceux qui l’ignorent, Ankama, installé à Roubaix depuis 2001, est un groupe initialement articulé autour de la création, l’édition et la distribution. Après le succès stratosphérique du JDR en ligne Dofus, l’entreprise s’est dotée de plusieurs cordes à son arc comme la création de séries, de films d’animation, de bandes dessinées, de mangas et de productions pour mobiles. On lui doit également la saga Wakfu, nouveau fer de lance de tout cet univers imaginé par un nombre imposant d’artistes, le « Krozmoz ». Mais ces spécialistes du numérique se sont aussi orientés vers l’élaboration de jeux de société avec un certain succès, comme le prouvent les diverses réussites lors de la mise en place de financements participatifs ! Bref, vous l’aurez compris : l’esprit d’Ankama est conçu pour durer, pour notre plus grand plaisir.
En ce qui concerne Spiders, il s’agit d’un studio qui, après avoir accompli ses faits d’armes pour des portages de productions tierces, a commencé à voler de ses propres ailes vers les sphères novatrices afin de lancer ses propres projets, à l’instar de Bound By Flame, The Technomancer ou encore l’ensorcelant GreedFall. Basée à Paris et après avoir longtemps été éditée par Focus Home Interactive, la boîte se fera racheter par Nacon (anciennement Big Ben) dès 2019. De cette collaboration est né le singulier Steelrising, un Souls-Like se déroulant dans un Paris dystopique. Pour l’avenir, nous attendons avec impatience GreedFall 2: The Dying World dont la sortie est calée pour 2024.
Les présentations sont désormais faites, place à l’Open Museum Jeu Vidéo !
Spiders Alert : Tout Ankama !
Le tour de force des deux firmes provient sans conteste de cette capacité à se « fondre » dans le décor sans dénaturer l’équilibre et l’homogénéité de chaque pièce du Palais des Beaux-Arts. Dès les prémices de cette aventure artistique, nous sentons que les pattes d’Ankama et Spiders seront omniprésentes sans être indigestes. D’ailleurs, après avoir traversé un tunnel destiné à nous transférer dans une autre réalité, nous voilà confrontés à diverses expériences, comme cet espace génial nous plongeant dans la diégèse de GreedFall ou encore une galerie de statues qui correspond à l’étape importante du choix de son personnage en début de partie, clin d’œil prononcé au travail d’Ankama. Une manière habile de sanctuariser la reconnaissance du JV en tant que dixième art sans virer dans le grandiloquent nauséabond. Préparée avec parcimonie, la rétrospective se veut universelle. Novice dans votre approche du média ? Pas de panique à l’horizon puisque les organisateurs, ayant obtenu une liberté totale pour l’aménagement de l’événement, ont judicieusement apposé des pancartes pour toutes les étapes de l’exploration, intelligemment renommées « levels ». Savamment dosée, la visite vous procure de belles sensations et c’est à votre rétine qu’il appartient de remarquer de sensationnels détails parfaitement intégrés aux thèmes des emplacements. Ah, ce coup de génie de la salle des plans-relief !
Trois étages pour rêver et s’étonner face à ce déferlement de culture qui n’hésite pas à mettre en exergue les similitudes entre les arts et les différentes phases de production inhérentes à l’aboutissement d’un ouvrage. Une visite particulièrement ludique, vous permettant même de vous frotter à quelques titres de Spiders et, par la même occasion, d’en découvrir davantage sur les deux architectes vidéoludiques. D’un prix relativement raisonnable, l’Open Museum Jeu vidéo se déroule du 13 avril jusqu’au 25 septembre 2023. Vous pourrez même rencontrer gratuitement Ankama et Spiders le 10 mai 2023 à 19h afin d’en savoir plus sur ces protagonistes du ludiciel, et uniquement la seconde entreprise le 26 mai lors du « Mini Regard Spiders », payant en revanche.
Quoi qu’il en soit, il serait extrêmement tentant de vous en dire plus. Cependant, ce serait vous gâcher cette plaisante expérience destinée à être partagée seul ou en famille, entre débutants ou vétérans. Une subtile manière de « toucher un peu à tout » sans superflu et, finalement, c’est aussi ce que nous souhaitons. L’art se partage et invite au voyage : le message est passé ! Si vous êtes amené à parcourir le coin, vous savez désormais quoi faire…