Les fans de Nintendo sont revenus pour la plupart enchantés du dernier Nintendo Direct, très satisfaits de la pluie d’annonces malgré l’absence notable de titres très attendus, comme bien évidemment Breath of the Wild 2. Et tant mieux si les annonces sont au goût des concernés. Après tout, c’est pour eux que Nintendo bosse en premier lieu. Cependant, on ne peut s’empêcher de trouver la proposition un peu fainéante, ou en tous cas manquant de créativité. Et les chiffres semblent nous donner raison. Pire, cet angle du Nintendo Direct serait en fait une tendance de fond du média.
Ainsi, ce ne sont pas moins de 24 jeux qui ont été présentés lors de ce direct. Certains pour la première fois, d’autres qu’on avait déjà pu apercevoir à d’autres occasions. Et c’est là que les chiffres sont cruels : seuls trois jeux parmi les vingt-quatre au programme sont des nouveautés. Ce Nintendo Direct était ainsi composé de 87,5% de suites, portages, et autres remakes. Et encore ! Les trois jeux en question ne transpirent pas l’inventivité : Disney Speedstorm, un clone Mario Kart, Triangle Strategy, qui se présente comme un héritier de Final Fantasy Tactics, et SD Gundam Battle Alliance, qui vient rejoindre la famille nombreuse des jeux mettant en scène les robots Gundam.
Alors bien sûr, on ne peut pas demander à Nintendo de faire sans Mario, Zelda, et Kirby. Le constructeur y perdrait son âme, et ses clients. Car c’est bien pour les licences maison qu’on achète des consoles Nintendo (il fut un temps, c’était aussi pour la fiabilité du matériel, mais ce temps est révolu !). Cependant, à pas loin de 90% de redites dans la liste des jeux à venir, on pense qu’il y a là un vrai problème d’équilibre.
D’autant que ce problème n’est pas propre à Nintendo. Si on regarde l’offre PlayStation 5, on retrouve exactement les mêmes travers. L’exclu qui a accompagné la sortie de la console ? Un remake, celui de Demon’s Souls. Les « gros » jeux qui ont fait l’actu de la machine pendant sa première année d’exploitation ? Des portages (Death Stranding, Spider-Man, Ghost of Tsushima…), parés de DLC pour faire illusion. Et quels sont les jeux les plus attendus de cette année ? Des suites : Horizon Forbidden West, Gran Turismo 7 ou God of War Ragnarok…
Certes, on a aussi vu sortir Kena, Deatloop ou Returnal. Des propositions trop peu nombreuses, mais avec une vraie identité. Hélas, sur ces trois titres, deux ne se sont pas vendus autant qu’attendu. Et c’est probablement tout le problème. Les enjeux financiers sont tellement colossaux que les studios ne se permettent plus la moindre prise de risque. Le jeu vidéo a attrapé cette maladie qui circule à Hollywood depuis de nombreuses années, et qui fait que tous les blockbusters se ressemblent : un Spider-Man tous les deux ans depuis vingt ans, dix films Fast & Furious sur la même période, des films de super-héros interchangeables, des Taken-like à ne plus savoir qu’en faire…
Comme au cinéma, le salut viendra probablement des indés. Non pas simplement parce qu’ils sont indépendants, mais aussi et surtout parce qu’avec des budgets mobilisés plus modestes, la marge de plantage est plus importante, et donc la prise de risque permise. Ou le public finira par se lasser, et les grands studios de changer leur fusil d’épaule, comme ce fut le cas avec le trop-plein de Star Wars au cinéma. Allez, on se met tous d’accord et on n’achète pas God of War ?