Il y a des succès monstres qu’on anticipe, d’autres qu’on espère, et puis il y a ceux plus inattendus. Le film Minecraft vient de franchir la barre vertigineuse des 900 millions de dollars au box office mondial, exploit aussi absurde qu’éloquent, tant le projet semblait condamné à sombrer dans les tréfonds du mauvais goût, rejoignant la longue cohorte des adaptations vidéoludiques ratées. Et pourtant. Contre toute attente, le métrage s’est imposé comme un véritable phénomène culturel, propulsé non par sa qualité (qu’on qualifiera pudiquement de discutable) mais par une force bien plus imprévisible : les enfants… et les réseaux sociaux.
Sauvé par TikTok
Pourtant, les bandes-annonces annonçaient un désastre ; les bad buzz s’accumulaient à un rythme inquiétant, semblant annoncer une immense parodie. Tout indiquait que ce Minecraft finirait, comme tant d’autres adaptations, dans la rubrique des curiosités ratées. Mais voilà : le nom seul du titre vidéoludique le plus vendu de la planète suffit à attiser la curiosité, de joueurs passionnés comme de parents accompagnant leurs enfants. En tant que jeu, il s’est imposé comme une institution culturelle mondiale. En tant que film ? Il suffisait, apparemment, d’en coller l’étiquette.
Mais Minecraft n’a pas seulement touché les jeunes enfants. TikTok, X ou encore Instagram ont embrasé la toile, allumant la mèche d’un bouche-à-oreille chez les 18-25 ans complètement délirant. Le tristement célèbre « Chicken Jockey », les répliques absurdes de Jack Black reprises en chœur dans les cinémas, les vidéos de popcorn jeté en rythme avec les scènes nanardesques : Tout cela a transformé le film en phénomène viral. Une œuvre moquée, parodiée, détournée… mais partagée.
Car on ne va plus voir Minecraft pour ce qu’il raconte. On y va pour l’ambiance et pour faire corps avec une salle hilare (évoquant le phénomène The Room, même si la comparaison s’arrête vite, Minecraft n’ayant rien du film fauché).
Jamais un nanar n’avait provoqué un tel déplacement de foule. Dès sa sortie, le métrage n’était plus un film mais un événement, telle une relique kitsch et délicieusement débile… bien qu’il n’ait même pas encore une semaine d’existence. Au final, ce Minecraft n’aurait pas pu rêver meilleure issue, parvenant à se réinventer en phénomène, là où on l’imaginait conspué.
Du pareil au mème
Et c’est là que les choses deviennent préoccupantes. Car le succès inattendu de Minecraft n’est pas juste une anecdote rigolote dans l’histoire du cinéma. Il pourrait bien redéfinir les ambitions d’Hollywood vis-à-vis des adaptations de jeux vidéo. Là où Super Mario Bros., Detective Pikachu ou la trilogie Sonic (et dans une moindre mesure Uncharted ou Five Nights At Freddy’s) cherchaient à respecter l’œuvre d’origine, Minecraft impose une approche radicalement différente : peu importe la fidélité, pourvu qu’on crée du buzz.
On l’a vu avec les super-héros : dès que Spider-Man et les X-Men ont rencontré le succès, une vague déferlante s’est abattue sur les écrans pendant deux décennies. Avec la mode des sagas exhumées également : Star Wars, Jurassic Park, Terminator, tous ont passé une décennie a être ressuscité à coups de nostalgie calibrée. Et encore récemment, avec Barbie : sitôt le film devenu phénomène, Mattel s’enflamme et aligne dix-neuf projets dans l’ombre, basés sur ses jouets. C’est ainsi que fonctionne Hollywood : Une machine qui copie ce qui marche, vite, et jusqu’à l’écœurement. Avec Minecraft, cet étrange phénomène à la croisée des chemins entre nanar, succès familial et mème viral, sans réel précédent, l’industrie tient peut-être sa nouvelle poule aux œufs d’or : des films inspirés de jeux vidéo, d’une débilité totalement assumée, conçus comme des générateurs de trends plus que comme de vraies adaptations.
Adieu aux (rares) adaptations réussies ?
Pour mieux saisir l’ampleur de ce succès et comprendre pourquoi il pose problème, imaginez un instant que des films comme ceux d’Uwe Boll ou des horreurs telles que Borderlands aient explosé en terme d’entrées. Une réalité alternative où ces films seraient devenus les références incontournables en matière d’adaptations de jeux vidéo, grâce au pouvoir de leur box office. Jusqu’ici, le public les avait systématiquement rejetés, poussant finalement les studios à se tourner vers des propositions plus respectueuses de l’œuvre originale, comme Super Mario Bros., ou Fallout et The Last of Us côté télévision.
Le véritable problème avec Minecraft, c’est qu’il incarne la première adaptation bâclée, irrespectueuse et mal conçue à cartonner à ce point au box-office. Un succès qui risque de donner le ton pour une nouvelle vague de films inspirés de jeux où, au lieu de viser la qualité ou la fidélité à l’œuvre originale, l’accent sera mis sur le buzz et les répliques à reprendre sur les réseaux, coûte que coûte.
Ceux qui relativisent cette problématique en se disant que les mauvais films de jeux vidéo ont toujours existé passent à côté de l’essentiel : cette fois-ci, un des ces horribles projets a marché… et pas, qu’un peu. Il est donc clairement possible que les studios, en voyant le phénomène, n’hésitent pas à s’inspirer de ce modèle, risquant de transformer ce type de film en une norme pour les adaptations à venir. Ce succès total remet donc en cause cette pensée en pleine construction à Hollywood, selon laquelle une adaptation d’une œuvre de jeu vidéo devait être un minimum bien faite pour finalement enfin marcher.
Minecraft marque un tournant, nous faisant peut-être dire adieu à cette quête de contrôle qualité, commençant à (presque) s’imposer pour les adaptations. Et l’avenir pourrait bien nous réserver une avalanche de Minecraft-like.
Et maintenant ?
C’est une certitude : un Minecraft 2 est désormais inévitable avec un tel score au box office. Il est d’ailleurs déjà en chantier, mais sera cette fois-ci pensé dès le départ pour amplifier tous les éléments qui ont fait le “succès” du premier. Mais pourra-t-il recréer cet alignement d’étoiles improbable ? Rien n’est moins sûr. Le naturel du nanar a cette magie qui ne se laisse pas capturer deux fois. Qui plus est, si Hollywood tente de répliquer la formule à d’autres franchises vidéoludiques, ce qui était jusque-là un phénomène amusant pour certains risque vite de devenir répétitif et épuisant.
Heureusement, tout n’est pas perdu. Cette fin d’année verra le retour de Silent Hill sous la houlette de Christophe Gans, avec Return To Silent Hill, portant l’ambition de renouer avec une adaptation fidèle et atmosphérique de la licence. Super Mario Bros. 2 est quant à lui également en route pour avril 2026, et l’on peut espérer qu’il s’inscrira dans la continuité du premier opus, en maintenant le même niveau d’exigence et de respect envers l’œuvre originale.
Mais il faudra rester vigilants. Car si Minecraft nous rappelle une chose, c’est que le succès ne se mesure pas forcément à la qualité du film… mais à la quantité de popcorn renversé dans les salles.
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