Petit scandale dans le monde de la #PhysicalResistance, selon la bannière que les collectionneurs de jeux en format physique aiment à afficher. Limited Run Games, qui s’est fait une spécialité de sortir en format physique et en tout petit tirage des jeux publiés jusqu’alors uniquement en édition numérique, s’est mis à ressortir des titres patrimoniaux, toujours en tirages très limités : Night Trap, Windjammers, Dragon’s Lair, ou plus récemment Plumbers Don’t Wear Ties, ou D, pour 3DO (l’obscur système qui voulait devenir le « PC de la console »).
C’est ce dernier qui fait scandale, puisque les acquéreurs se sont aperçus que les CD qui leur avaient été vendus n’étaient que de vulgaires CD-R en lieu et place de véritables CD pressés professionnellement (vocabulaire hérité de la fabrication des vinyles, pour lesquelles une boule de vinyle est littéralement pressée pour devenir une galette). La différence entre les deux supports est qu’un disque « pressé » implique un master, dont il sera la copie exacte. La duplication sur un CD-R est moins rigoureuse. Si vous avez eu l’occasion de dupliquer des VHS en connectant 2 magnétoscopes via péritel (les jeunes, on vous laisse Googler « magnétoscope »), vous vous souvenez des artefacts qui apparaissaient sur l’image de la copie… C’est un peu la même chose avec la gravure de CD, des petites imperfections peuvent survenir ça et là.
Résultat, beaucoup de 3DO, dont le lecteur n’était pas prévu pour accepter les CD-R, ne peuvent pas lire les copies de D vendues par Limited Run Games ! Un comble quand l’argument principal de ce genre d’édition est la conservation du patrimoine vidéoludique…
Les plaintes et critiques n’ont pas tardé à fleurir sur X, et Limited Run s’est exprimé dans un communiqué de presse, expliquant avoir conclu un partenariat avec « l’un des plus gros fournisseurs d’Amérique du Nord pour presser [leurs] disques physiques, mais en dépit de recherches poussées sur les hardware et software originaux de la 3DO, des soucis de qualités et de fiabilité sont apparus avec les méthodes de pressage traditionnelles ». C’est ce qui explique le recourt au CD-R.
Une autre théorie (un peu au doigt mouillé) est que le revendeur n’a pas forcément cherché à ce que le jeu soit parfaitement jouable. Une grande partie des acquéreurs de jeux Limited Run n’achètent pas ces copies collectors pour y jouer, mais soit pour le plaisir de l’accumulation (le propre du collectionneur), soit comme une sorte d’investissement, pariant sur le fait que parce que produit en quantité extrêmement limitée (souvent autour de 3000 exemplaires), l’objet va prendre de la valeur. Et pour maximiser cette potentielle future valeur, il ne faut surtout pas y toucher : l’étiquette « mint », synonyme de jackpot, ne sera apposée que sur les jeux encore sous cellophane.
C’est un peu le paradoxe qui règne chez certains collectionneurs de jeux vidéo : ils accumulent des jeux auxquels il ne faut pas jouer. Utiliser l’œuvre dans le sens où elle a été conçue lui ferait donc perdre toute valeur marchande ? Car pour ces personnes, ce n’est finalement pas le jeu qui est au cœur de leur collection, mais son emballage : boite, jaquette et même cellophane… Limited Run n’aurait-il pas tenté de se jouer de ces personnages cyniques (en se faisant un joli billet au passage) ?
On se souvient d’une intervention sur un forum quelconque, il y a déjà quelques années, où l’un des membres prétendait travailler dans une imprimerie, et reproduire des boites de jeux SNES qu’il lestait avec des craies avant de les remettre sous cellophane pour les revendre à prix d’or sur eBay, avec un commentaire, qui disait, en gros, « de toutes façons, ils ne l’ouvriront jamais et ne sauront pas que la boîte ne contient pas de jeu ». À cynique, cynique et demi… Est-ce qu’il n’y avait pas un peu de ça dans « l’arnaque » de Limited Run Games ?
La bonne nouvelle qui émerge de cette histoire, c’est néanmoins qu’il reste des joueurs pour déblister les jeux, et y jouer ! La conservation du patrimoine vidéoludique, c’est aussi des souvenirs de joueurs et des histoires de jeux à raconter. Limited Run Games a annoncé qu’il cherchait une solution pour remplacer les disques défectueux de D.
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