Leeroy Jenkins a 20 ans. Voilà un joli cap pour l’un des premiers mèmes d’Internet. Vingt ans, c’est l’âge auquel on a déjà passé le bac depuis un moment et où l’on s’apprête à pouvoir boire une bière aux États-Unis. Avouez-le, ça ne nous rajeunit pas. Pour ceux qui ont préféré le doux contact de l’herbe ou la fraîche odeur de l’air libre, Leeroy Jenkins est un personnage incarné par un joueur de World of Warcraft, mis en scène dans une vidéo devenue culte sur YouTube.
Parti loin de son clavier pendant que ses compagnons planchent sur la meilleure stratégie pour aborder le combat à venir (pourcentages de réussite, positionnement, sorts à utiliser, tout y passe) notre héros revient à son poste, hurle le désormais légendaire « LEEEEROOOOY JENKINS ! », et fonce tête baissée dans l’antre des dragonnets… qui ne feront qu’une bouchée de tout le groupe.
L’acte héroïque de notre fier paladin n’est pas passé inaperçu : il a droit à sa propre carte dans Hearthstone, à un PNJ en jeu, et à de multiples références dans des séries comme Family Guy, How I Met Your Mother, ou même dans une intervention de Jared Huffman à la Chambre des représentants des États-Unis. Seulement voilà (comme cela a été debunké il y a des années) la charge de Leeroy Jenkins n’est rien d’autre qu’une mise en scène, une vidéo parodique savamment orchestrée.
À l’époque des machinimas, ces vidéos narratives créées à partir de moteurs de jeux , qui ouvriront plus tard la voie à des mises en scène ambitieuses, culminant par exemple avec un film entièrement tourné sur Grand Theft Auto V, Leeroy Jenkins avait déjà une visée satirique.
La cible ? Ces groupes quasi-professionnels qui abordent le jeu vidéo avec la rigueur d’une entreprise, cherchant l’efficacité à tout prix. En creux, la vidéo critique une certaine manière de jouer, trop sérieuse, trop organisée, et oublieuse du plaisir brut. Si elle prend pour cadre un MMO, le message reste valable pour de nombreux autres genres.
Au milieu de cette discussion sérieuse et méticuleusement organisée surgit Leeroy, tonitruant et joyeux. Même la mort ne semble pas entamer son enthousiasme, comme en témoigne la punchline finale de la vidéo : « At least I have chicken. » Vingt ans plus tard, le message reste furieusement pertinent et soulève une question que tout joueur devrait se poser : où en est-on avec le fun ?
Ce qu’on appellerait aujourd’hui un ahuri, un joueur qui gâche le temps de ses coéquipiers, portait alors un message simple : s’amuser, et laisser le reste de côté. Vous, qui jouez pour battre l’équipe d’en face sur l’un ou l’autre des jeux de Riot (que vous soyez Bronze ou Platine), vous, qui optimisez chaque point de compétence dans un RPG « parce que c’est comme ça qu’on fait », ou encore vous, qui décidez qu’un jeu mérite 45 heures de plus que les autres simplement pour un trophée joliment doré… Êtes-vous vraiment satisfait ? Ou ressentez-vous ce vide latent, ce besoin insidieux, subtilement téléchargé dans votre cerveau par de brillants designers comportementaux ?
L’auteur de ces lignes ne cherche pas à jouer les moralisateurs. Cela fait maintenant vingt ans qu’il a lui aussi cédé à la pression sociale, cette pression qui pousse à se présenter en raid et à jouer ses personnages selon les choix dictés par d’autres, plus habiles en theorycrafting.
Chacun tire du jeu ce qu’il veut, ou plutôt, ce qu’il peut. On aimerait pouvoir dire que « chacun est libre de ses choix », mais force est d’admettre que nos choix sont aussi ceux de la hype, de l’optimisation… et surtout d’une compétitivité sans fin. Alors oui, on se sent un peu vieux. Mais si vieillir c’est réussir à avoir assez de jugeote pour se poser ces questions et continuer à rire de ça après 20 ans, c’est pas si mal.
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