Pour beaucoup d’entre nous, SEGA est surtout l’un des acteurs de la guerre des consoles, dans les 90s. SEGA, c’est en premier lieu la Mega Drive, Sonic, et le double échec de la Saturn puis de la DreamCast. Pour certains, plus versés dans l’actualité des acteurs du jeu vidéo contemporain, SEGA, c’est la série des Yakuza, mais aussi Atlus et sa licence phare, Persona. Mais au-delà de cet aspect très européen, SEGA, c’est d’abord et avant tout une légende du jeu vidéo. Avant la guéguerre avec Nintendo, SEGA est un empire du jeu d’arcade. C’est sur cet aspect de la société que se concentre l’ouvrage de Ken Horowitz, La Révolution Arcade de SEGA, de 1945 à nos Jours, publié chez Third Editions.
Le livre est une sorte de biographie de la société. Enfin, des sociétés. Car comme beaucoup de grands artistes, SEGA a eu plusieurs vies. La société, souvent associée aux néons d’Akihabara, est en effet née au États-Unis. Partie au Japon pour y faire de l’import, elle s’est durablement ancrée sur l’archipel, où elle s’est transformée, avant de repartir plusieurs années après à la conquête de l’Amérique et du monde.
Organisé de manière chronologique, le livre nous montre que SEGA a tout inventé ! Les cartouches de jeux sur les consoles ? Une évidence pour qui a connu le jeu vidéo d’avant l’avènement du CD… Les cartouches sont en vérité une idée de SEGA, qui cherchait à rendre ses bornes d’arcade évolutives, et à permettre de changer le jeu sans changer toute la machine ! Ils furent les premiers à le proposer, et même si le succès ne fut pas immédiatement au rendez-vous, l’innovation donnera naissance à un standard qui dominera plusieurs dizaines d’années.
Pac-Man ? Une invention de SEGA, copiée par Namco ! Le premier jeu du genre « dot eater » (mangeur de points) est en effet Head-On (1979), un jeu d’arcade SEGA. Namco s’en sera ensuite inspiré un an plus tard pour créer sa mascotte.
Alors non, SEGA n’a tout de même pas créé Mario, le plombier mascotte de l’ennemi de toujours… Enfin, « de toujours »… Le livre nous apprend aussi que c’est SEGA qui a mis le pied de Nintendo à l’étrier pour que ce dernier (Nintendo, pas l’étrier) puisse être présent sur le territoire américain. C’est en effet SEGA qui distribue en 1976 Wild Gunman, de Nintendo, une sorte de Duck Hunt où il faut shooter des cowboys à l’aide d’un pistolet optique (le tout premier jeu de l’histoire en FMV, au passage !). Un partenariat de distribution qui durera jusqu’au début des années 80.
Autre invention majeure que nous devons à SEGA : la 3D isométrique. Si l’effet d’une 3D illusoire qu’a su rendre Space Harrier est connu de tous, notamment grâce au succès des portages sur consoles de salon, on retient moins l’apport de Zaxxon (1982), shooter façon Space Invaders, qui proposait « une toute nouvelle perspective sur le genre », comme l’écrit K. Horowitz, puisque c’est en effet le tout premier jeu de l’histoire à s’afficher en 3D isométrique ; un affichage qu’on associe plus volontiers à Q*Bert, sorti six mois plus tard, ou à Gauntlet, sorti lui en 1985 !
Ce genre d’anecdotes, l’ouvrage La Révolution Arcade de SEGA en contient des dizaines. À travers les 62 jeux d’arcade dont il traite, c’est toute l’histoire des jeux vidéo qui est racontée. L’arrivée des premiers jeux vidéo, la naissance des consoles, le krach de 1983, la chute de l’arcade, l’époque contemporaine… Si le SEGA fabricant de consoles n’est pas abordé frontalement, on le croisera bien évidemment dans l’ouvrage, comme on croisera de nombreux grands noms de l’industrie, de Yu Suzuki, l’un des artisans principaux du succès de SEGA (Space Harrier, Out Run, Virtua Fighter, Shenmue, etc.) à Rieko Kodama (Alex Kidd in Miracle World, Phantasy Star, Skies of Arcadia, etc.) en passant par un certain Shigeru Miyamoto, qui illustrait les bornes d’arcade ou même Marc Cerny, futur architecte des PlayStation 4, PS Vita et PlayStation 5, qui a programmé bon nombre de titres pour SEGA (dont Marble Madness, Kid Chaméléon et même Sonic 2 !).
On regrettera cependant la décevante absence totale d’illustration. Des bornes historiques comme Periscope ou la R360 aux captures d’écran des innombrables succès de la marque, il y avait pourtant tant à montrer… Des histoires de droits compliquées à gérer expliquent sûrement ce défaut. On lira donc ce passionnant La Révolution Arcade de SEGA avec un œil sur la page mise en ligne pour les 60 ans de la société et sa frise historique comprenant des images d’époque…
La Révolution Arcade de SEGA de 1945 à nos Jours, de Ken Horowitz, édité par Third Éditions, 280 pages, 24,90€. Un extrait est téléchargeable sur le site de l’éditeur.
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