Il est désormais admis que les jeux-services suivent souvent des modèles contestables à bien des niveaux. Entre microtransactions, économie inspirée des casinos, embauche de spécialistes de la psychologie et favorisation de l’addiction, les joueurs ont été à la fois happés et scandalisés par ces formats bien particuliers. Ce n’est plus un mystère : les jeux-services ont pour unique fonction de fidéliser et de doucement amener à payer (sans parler des « baleines », jargon de casino qui se réfère à une minorité de joueurs prête à payer des fortunes). Tout cela favorise l’addiction et les dépenses incontrôlées.
Parmi ces pratiques assurément toxiques, deux d’entre elles sont actuellement dans le viseur de la législation chinoise, à savoir les récompenses pour les connexions quotidiennes et les bonus pour les premiers achats. En effet, loin de seulement dénoncer cette pratique économique, la Chine prend la décision plus ferme de totalement l’interdire.
Une décision qui ne doit évidemment pas faire la joie de Tencent et NetEase, les deux géants chinois qui possèdent des parts très importantes dans des entreprises comme Epic ou Riot, spécialistes des jeux-services. Précisons que ces deux entreprises ont aussi des rapports plus qu’étroits avec les jeux mobiles (en particulier les « gacha »), des jeux friands de ces fameux bonus de connexion.
En toute transparence, ces pratiques des jeux-service ne sont pas encouragées dans nos lignes. En soi, ce coup porté à ce modèle économique est une bonne nouvelle, d’autant plus que ce dernier a un impact important sur le game design des jeux concernés. Les bonus de connexion et récompenses d’achats peuvent aux yeux de nombreux joueurs marquer une certaine forme de progression, mais aussi un marqueur social censé différencier les joueurs. Toutefois, nous préférons garder une certaine distance et nous interroger.
Nous jugeons ces pratiques scandaleuses, et il est aujourd’hui plus que nécessaire de trouver une manière de les contrer. Quand bien même, nous nous demandons si c’est bel et bien au gouvernement de poser ces limites. La loi en question semble saine, mais n’entre-t-elle pas en contradiction avec la liberté individuelle des joueurs ? N’oublions pas que le pays concerné, la Chine, a il y a quelque temps forcé la mise en place d’une limite de temps de jeu pour les plus jeunes. Des jeux comme Fortnite y ont même été interdits.
Si cette nouvelle loi ne fait pas directement référence aux mineurs, nous ne sommes pas naïfs : la plupart des esprits affectés par ces modèles économiques sont bien jeunes… La Chine, après avoir régulé leur temps de jeu, continue d’appliquer cette même politique en s’attaquant directement au contenu des jeux. Nous touchons ici à un autre problème. Cette nouvelle législation va à terme amener des jeux à changer leur contenu. Il est évident que le pays protège avant tout ses propres intérêts et une certaine vision paternaliste de la jeunesse.
Il s’agit avant tout de changer les jeux vidéo pour mieux reprendre en main une partie de la population que l’on préfère loin des divertissements. Malgré tout, la menace de l’addiction reste réelle et si nous réfutons les accusations régulièrement portées contre l’ensemble des jeux vidéo, nous savons aujourd’hui que les jeux-services en particulier font tout pour la favoriser. Les arguments pour et contre nous forcent à participer à un match de tennis interminable entre le bien-fondé de cette loi et l’autorité excessive qu’elle représente.
Au fond, le problème n’est peut-être pas les conséquences de cette loi sur des pratiques que nous condamnons nous aussi, mais peut-être tout simplement le fait qu’elle existe et surtout qu’elle doit exister aux yeux de la Chine. Les politiques publiques, et cela devrait aussi concerner la France, ne seraient-elles pas mieux mises à contribution via une sensibilisation des joueurs et joueuses ? N’est-il pas plutôt envisageable de mieux encadrer les plus jeunes et d’aider les parents à comprendre ce média en perpétuelle évolution ? Le jeu vidéo nécessite face à ce type de pratique une presse attentive et des médiateurs à même de mieux éclairer le grand public face à des problèmes bien réels dont la Chine est aussi victime.
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