Après avoir accueilli Godzilla, Kong ou encore Squid Game, Call of Duty: Black Ops 6 s’apprête à ajouter une nouvelle franchise culte à son univers : les Tortues Ninja. Dans le premier Black Ops, nous avions déjà eu droit à George Romero, Sarah Michelle Gellar et d’autres figures du cinéma de genre dans un DLC. C’était, à l’époque, un contenu ayant du sens et totalement cohérent avec le mode Zombie, qui jouissait d’une grande popularité.
Licence phare du FPS militaire depuis vingt ans, ayant écrasé Medal of Honor et survécu à la chute de Battlefield, le bébé lucratif d’Activision prend la direction du jeu service incluant tout et n’importe quoi de la pop culture, que ce soit dans Warzone ou ses opus principaux.
Cette nouvelle actualité, peu intéressante en réalité, nous fait surtout définitivement arriver à un constat un brin effarant sur les jeux services occidentaux (laissons les gachas de côté) : la normalisation des collaborations sans aucun sens autre que l’argent, à la manière de Fortnite. En soi, il n’y a pas de mal au concept de jeu service ; ce qui est nocif, par contre, c’est de sombrer dans la logique des jeux publicitaires et de se transformer en un gigantesque panneau promotionnel.
Des jeux services aux jeux publicitaires
Fortnite est souvent présenté comme un modèle d’accessibilité et d’ergonomie, mais derrière cette façade se cache une machine à rétention bien huilée. Conçu pour maximiser l’engagement, le jeu d’Epic Games s’appuie sur des mécaniques psychologiques précises, allant de la gratification instantanée à la peur de manquer quelque chose (le fameux FOMO). Chaque détail de l’expérience utilisateur est conçu pour capter l’attention des joueurs. Motivation extrinsèque via les récompenses, motivation intrinsèque par la satisfaction de progression : tout est pensé pour inciter à toujours relancer une partie.
Mais ces stratégies ne sont pas sans controverse. Fortnite emprunte aux jeux d’argent certains de leurs ressorts psychologiques, avec ses lootboxes (depuis retirées dans certains pays), ses skins en rotation limitée et ses passes de combat chronométrés. En jouant sur la frustration et l’exclusivité, le jeu pousse à la consommation.
Comme beaucoup de jeux, nous direz-vous. Mais ce qui est alarmant ici, c’est que, premièrement, c’est un public très jeune qui est visé. Ensuite, Fortnite est aujourd’hui plus un immense panneau publicitaire aux proportions grotesques qu’un jeu à part entière, enchaînant collaborations et événements promotionnels qui dictent le rythme des mises à jour, reflet d’un impérialisme américain toujours plus écrasant et aliénant.
Un recours collectif a même accusé Epic Games de rendre son jeu volontairement addictif, exploitant la psychologie des joueurs pour maximiser les dépenses en microtransactions. L’éditeur s’en est défendu, mais a tout de même déboursé plusieurs millions de dollars en compensations aux joueurs affectés par ses lootboxes.
Derrière un spectacle permanent, rappelons-nous tout de même que le concert de Travis Scott en 2020 avait réuni 27 millions de joueurs. Ce succès illustre parfaitement la transformation progressive de certains jeux services en jeux publicitaires, où les mécaniques de rétention sont poussées à l’extrême pour maximiser l’engagement et les profits.
Vampire Survivors, une morsure passionnée
Mettons de côté le jeu service pour nous intéresser plutôt aux mécaniques addictives. Comme dirait l’autre, il y a la bonne et la mauvaise drogue : prenons Vampire Survivors, qui est l’exemple parfait d’un jeu utilisant des mécaniques inspirées du jeu d’argent, mais de manière saine et gratifiante.
Nous aurions pu prendre d’autres rogue-lite en exemple, mais le titre de Luca Galante a cette particularité d’emprunter aussi les codes esthétiques des casinos, ce qui est beaucoup plus rare. Là où d’autres titres exploitent la frustration et la rareté artificielle, Vampire Survivors mise sur un équilibre subtil entre progression et hasard, offrant une expérience captivante sans manipulation abusive.
Son gameplay repose sur une gratification constante : chaque partie, même perdante, permet d’engranger des ressources pour améliorer son personnage. Ce cycle de progression bien pensé incite à rejouer, non par frustration, mais par envie de maîtriser toujours plus le chaos ambiant.
Contrairement aux free-to-play classiques, le jeu évite les pratiques prédatrices : pas de microtransactions poussives ni de lootboxes imposées, mais aussi des collaborations sous forme de DLC avec d’autres licences ayant du sens. Cette approche respectueuse et transparente a sans aucun doute contribué à son immense succès commercial, mais surtout critique.
Vampire Survivors prouve (une fois de plus) qu’il est possible de créer un jeu addictif sans piéger le joueur dans des mécaniques toxiques, et en plus avec des collaborations cohérentes. Une bouffée d’air frais dans une industrie souvent obsédée par la rétention à tout prix.
Fortnite est, sur ce point, l’exemple le plus dangereux, usant de la culture populaire comme moyen de prédation pour le jeune public, tandis que plusieurs jeux services se transforment en véritables jeux publicitaires.
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