Rendez à César ce qui est à César ! C’est la demande que l’International Game Developers Association (ou IGDA) adresse à l’industrie du jeu vidéo, pointant du doigt des pratiques douteuses en ce domaine. En effet, il arrive régulièrement que des développeurs constatent, à la sortie d’une œuvre sur laquelle ils ont travaillé, que leurs noms n’apparaissent pas au générique. Une absence de régulation qui doit cesser selon l’association, qui vient de mettre à jour ses recommandations à ce sujet.
Ainsi, il y a à peine quelques mois, d’anciens employés de Striking Distance Studios avaient protesté en constatant qu’une vingtaine de personnes impliquées dans le développement de The Callisto Protocol n’avaient pas été créditées. Ce tollé est cependant loin d’être une première, et les exemples de sociétés mises en cause à ce sujet ne manquent pas : Capcom concernant le portage Wii d’Okami, Mythic Entertainment à propos de Warhammer Online, Rockstar Games sur Red Dead Redemption 2 ou Grand Theft Auto V… Bref, l’IGDA a du pain sur la planche.
Bien sûr, on peut imaginer que sur un jeu ayant demandé plusieurs années de développement avec une équipe massive, parfois répartie sur plusieurs sites, avec des sous-traitants et des collaborateurs qui vont et qui viennent, on puisse accidentellement omettre certains rôles mineurs : cela ne devrait pas arriver, mais n’est pas nécessairement le fruit de la malhonnêteté. Cependant, dans les faits, ces crédits de fin sont parfois utilisés comme moyens de pression pour décourager les équipes de démissionner en cours de développement, notamment lorsque la livraison d’un jeu est repoussée à répétition (Rockstar Games ne s’en cache d’ailleurs pas). Dans certains cas, les représailles en cas de départ anticipé sont plus subtiles : retirer le titre de « lead » à un ancien manager ou indiquer un employé comme collaborateur « additionnel » ou simplement dans les remerciements même s’il a passé plusieurs années à un poste à responsabilités.
Il y a aussi des cas un peu moins évidents, comme ceux des remasters de Metroid Prime ou de Crash Bandicoot, qui ne faisaient pas mention au générique des équipes des jeux originaux, bien qu’ayant réutilisé une bonne partie de leur travail. Un oubli aussi extensif semble davantage relever de la négligence ou de la maladresse que de la mesquinerie (du moins l’espère-t-on !), mais donne tout son sens à l’adage de l’IGDA : « When in doubt, give credit » (« Dans le doute, créditez »).
Il faut dire que, bien qu’étant la première industrie créative en termes financiers (on parle d’un marché de plus de 180 milliards de dollars en 2022), le jeu vidéo n’est pas la plus encadrée du point de vue de la création. Peu syndiqué, peu régulé par les éditeurs, peu dépendant des institutions publiques, le secteur manque de directives claires en la matière. En France, il s’est d’ailleurs plusieurs fois cassé les dents sur le code de la propriété intellectuelle, et la jurisprudence a fini par attribuer aux jeux un régime juridique complexe dans lequel les studios ont parfois du mal à naviguer. Ici ou ailleurs, la constante est celle d’un cadre légal flou dont certains n’hésitent pas à profiter.
L’IDGA ne leur laisse donc plus d’excuses, puisqu’elle vient de mettre en ligne une nouvelle version de son guide sur les « bonnes pratiques » en termes de générique. Leur application reste malheureusement au bon vouloir des studios, faute de véritables répercussions en cas de non-respect, si ce n’est la mauvaise publicité. Notons surtout qu’il est triste d’avoir besoin d’une association professionnelle pour rappeler que le fait de créditer quelqu’un pour son travail ne devrait jamais servir de carotte ou de bâton.
Bayonetta 3 – Droit de réponse pour Platinum Games
DracoSH
Disco Elysium – Les développeurs du jeu dans la controverse
DracoSH
Dark and Darker – Sur fond d’accusations, le jeu disparaît dans les limbes
EcureuilRouge