Le studio français Don’t Nod, célèbre pour sa ligne éditoriale engagé et progressiste, traverse toujours une crise interne sans précédent, marquée par un conflit social intense. Le vendredi 8 novembre, environ cinquante employés se sont rassemblés devant le siège parisien de la société pour protester contre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) menaçant jusqu’à 69 postes en CDI, soit environ 29 % des effectifs.
Soutenus par le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo (STJV), les grévistes réclament l’annulation du PSE qu’ils jugent injustifié et mal documenté, attribuant les difficultés actuelles aux erreurs de la direction plutôt qu’à des causes internes. Sacrée dissonance entre les messages véhiculés par les jeux du studio et leur manière de traiter les employés.
Le plan de licenciement est une réponse, selon la direction, aux faibles résultats financiers des derniers jeux de l’entreprise. Parmi ces titres figurent Jusant et Banishers: Ghost of New Eden, qui n’ont pas généré les revenus espérés dans un marché de plus en plus saturé. Toutefois, les employés et le STJV remettent en question la légitimité de ces licenciements, soulignant un manque de transparence quant aux critères économiques et stratégiques justifiant le PSE.
Selon l’un des membres du comité social de l’entreprise, les documents fournis sont « soit obsolètes, soit insuffisants » pour légitimer la suppression de ces postes. La mobilisation de novembre fait suite à une première grève le 28 octobre, où un tiers des employés avaient déjà exprimé leur mécontentement.
Les tensions internes sont exacerbées par une série de réorganisations ayant fragilisé les effectifs et dégradé la confiance envers la direction, le studio ayant connu quatre restructurations en deux ans, d’après l’un de ses salariés. Ces derniers estiment que le modèle de gestion actuel met en péril les projets en cours, accentuant les difficultés de production. Selon un autre employé de Don’t Nod, la situation du marché de l’emploi dans le secteur rend la perspective de licenciements particulièrement anxiogène, d’autant plus que la direction souhaite achever les projets en cours malgré un sous-effectif.
Cette situation soulève également des questions sur l’identité du studio, qui se positionne comme un créateur de « divertissement engagé », tout en adoptant des mesures qui trahissent cet engagement. La réputation progressiste du studio a été ébranlée, et certains salariés reprochent à la direction actuelle d’avoir des positions politiques et des stratégies, comme la possible utilisation de l’intelligence artificielle pour remplacer certains postes créatifs, en contradiction totale avec les valeurs fondatrices de l’entreprise.
De plus en plus de salariés adhèrent ainsi au STJV, témoignant d’un besoin de représentation syndicale face à une direction jugée opaque et éloignée des préoccupations des employés.
Photos du 8 novembre, publiées sur X par Antoine Léaument, député LFI de l’Essonne
Nous sommes bien loin du Don’t Nod fondé par les artistes et auteurs Aleksi Briclot et Alain Damasio, à l’origine de Remember Me. Quittons-nous sur un extrait de la lettre ouverte des travailleurs et travailleuses du studio à sa direction, qui résume parfaitement la situation. Elle a été publiée par le STJV le 6 novembre dernier et signée par environ 150 employés (la moitié des effectifs) :
« Réorganisations constantes et contradictoires, annulation de projets en cascade. Depuis deux ans, nous avons assisté à de nombreux départs : directeur général adjoint, directeur de la production, directeur financier, directeur technique studio, business developer, directeur narratif, producteur exécutif, plusieurs game directors, et même dernièrement notre DRH, qui démissionne quelques semaines avant l’annonce de ce PSE après l’avoir nié pendant des mois. En 2018, la direction de Don’t Nod décide d’entrer en bourse. En 2020 elle crée un nouveau studio à Montréal, en 2021 elle se lance dans l’autoédition, puis dans l’édition de studios tiers. En mai 2022 Don’t Nod annonce 6 lignes de productions simultanées en interne. Comment s’en sortir avec une telle folie des grandeurs ?
Ce chaos stratégique aboutit aujourd’hui à des suppressions d’emplois, dans une période où trouver du travail dans le jeu vidéo est particulièrement difficile. Pourtant, Don’t Nod profite de financements publics conséquents : CIJV (six millions d’euros par an), CNC, et France 2030 auquel notre PDG a candidaté sans consulter les équipes concernées, pour un projet flou et vide de sens, promouvant notamment l’usage de l’IA générative. Comment peut-on espérer faire fonctionner l’entreprise avec une direction du studio inconséquente, qui n’apprend pas de ses erreurs, bien qu’ayant déjà vécu un redressement judiciaire en 2014 ? »
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