Discord est un outil de communication bien pratique pour nombre de joueurs et jeunes adultes, particulièrement quand il s’agit de s’affranchir des chats chaotiques et toxiques de nombreux jeux multijoueurs ou, plus simplement, pour garder le contact. L’application a parcouru du chemin depuis son origine, et est désormais utilisée comme réseau social à part entière par les catégories les plus jeunes de la population. Qu’il s’agisse de trouver un Discord (entendre, un serveur dédié) dévoué à tel jeu, à tel genre musical, pour y trouver des joueurs ou discuter philosophie, politique et théologie, il y en a pour tous les goûts. D’autant que de nombreux Discords sont privés et opèrent un certain filtrage : c’est là une garantie d’intégrer des réseaux pacifiés et peu toxiques, au risque parfois de s’enfermer dans des chambres d’échos.
Mais voilà que l’application est désormais sous le feu des projecteurs du monde entier. Quel mal a donc été commis ? Quel crime ? Eh bien, rien de moins que de mettre en péril la sécurité intérieure et extérieure de la superpuissance de notre temps : les États-Unis.
Dans un contexte de guerre en Europe et de coalition internationale pour assister l’Ukraine, il est évident que le rôle des États-Unis dans cette aide, son organisation, et, surtout, dans les actions de renseignement et d’espionnage est essentiel et bien au-dessus de ce dont sont capables tous les autres pays réunis. Aussi, lorsqu’un jeune officier orgueilleux et vaniteux tente d’impressionner ses amis en divulguant des documents secrets auquel il a accès sur Discord, l’innocente petite graine de la tempête devient rapidement une tornade qui ennuie beaucoup de monde, et place en difficulté les États-Unis vis-à-vis de leur alliés, mais aussi l’Ukraine dans son effort de guerre.
Ainsi, pas moins d’une centaine de documents classifiés « Secret » et « Top Secret » ont été partagés sur un Discord, puis copiés sur un autre, puis encore un autre, pour se retrouver diffusés par des comptes militants sur Twitter et Telegram. Sur ces documents, l’on retrouve des analyses militaires sur la progression du conflit, des informations sur le matériel envoyé et actuellement présents au sein de différentes brigades, les programmes d’entraînement, de la prospective, des notes sur le double-jeu de l’Égypte et de la Serbie, et moult documents qui ennuient beaucoup, beaucoup, vraiment beaucoup de monde.
Cette situation aurait-elle pu être évitée ? L’honnêteté impose de reconnaître que ces fuites auraient pu être partagées sur d’autres plateformes, telles que Reddit, 4chan, voire un groupe Facebook. Mais la singularité de la situation est que l’homme à l’origine de la chose était alors le modérateur du serveur sur lequel la fuite des documents a eu lieu. Le même modérateur qui y proférait des insultes racistes et tenait des propos peu déontologiques vis-à-vis de son statut de militaire et de modérateur sur le serveur Discord. Et c’est là une convergence de problèmes.
Le Financial Time raille une plateforme « adorée par les joueurs, les hackers et les militaires » quand le Bureau de Contre-Terrorisme des Nations Unies pointe du doigt un espace où les modérateurs sont souvent des adolescents, peu au fait de ce qu’implique réellement une responsabilité de modération, alors même que Discord apparaît comme l’un des espaces les plus enclins à générer des comportements haineux, extrémistes et illégaux. Il est évident que les récentes fuites ne vont qu’alimenter davantage la réputation sulfureuse du réseau social.
En réponse à cette situation, Clint Smith, le juriste en chef de la société Discord, est revenu sur l’aspect illégal du partage de documents dont la diffusion n’a pas été autorisée, mais a également tenu à rassurer quant aux réponses apportées par la compagnie concernant les problèmes de modération :
« Nos conditions d’utilisation et nos guides communautaires fournissent les règles universelles de ce qui est une activité et un contenu acceptables sur Discord. Lorsque nous prenons connaissance de violations de nos politiques, nous prenons des mesures. Nous pensons qu’à terme, le machine learning sera un élément essentiel des solutions de sécurité. En 2021, nous avons acquis Sentropy, un leader des systèmes de modération alimentés par l’IA, pour faire avancer nos travaux dans ce domaine. Nous continuerons à équilibrer la technologie avec le jugement et l’évaluation contextuelle d’employés hautement qualifiés, tout en continuant à maintenir notre position ferme sur la confidentialité des données des utilisateurs.«
Le combat s’annonce compliqué pour la compagnie dont la marque est bâtie précisément sur cette possibilité offerte aux utilisateurs de créer leurs propres serveurs communautaires, publics ou bien privés. Si la compagnie utilise des bots qui scannent les photos d’enfants publiés sur les discords pour déterminer s’il s’agit d’enfants disparus ou de contenus pornographiques, scanner du texte et en déduire des intentions, à partir de mot-clefs pouvant être contournés, s’avère bien plus délicat. En attendant une meilleure responsabilisation des modérateurs (une proposition récurrente est de les professionnaliser et les salarier), Discord continuera d’être un terreau fertile pour la zizanie et les comportements dangereux.
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