Fortnite, depuis son explosion lors de la sortie du mode Battle Royale, a orienté la manière dont les éditeurs perçoivent les créations de leurs studios de développement. Si le jeu-service n’était pas une nouveauté, notamment avec tous les MMO, Fortnite l’a propulsé en accélérant son rythme de sortie de contenu et en créant le modèle du Battle Pass, repris à tort et à travers depuis. Au-delà de la popularisation et la modernisation du Battle Royale, qui amènera là aussi à une mode, Fortnite a surtout été le vecteur de nouveaux modèles économiques, pour le meilleur et pour le pire.
Et depuis décembre 2018, un mode « Créatif » est venu agrandir le champ des possibles. Il permet de créer des cartes en réutilisant les textures et modèles déjà intégrés dans Fortnite. Puis est arrivé l’UEFN, un outil basé sur Unreal Engine 5 permettant de créer des îles de manière beaucoup plus libre, en jouant avec la physique, et en important des modèles, textures et autres fichiers extérieurs à Fortnite. En même temps que le lancement d’UEFN, Epic Games déployait un programme de rémunération des créateurs de cartes basé sur l’engagement généré par celles-ci. Et ce 18 septembre, Epic Games a annoncé qu’à partir de décembre 2025, les créateurs de ces îles virtuelles pourront vendre des objets en jeu, dont ils toucheront 100% des revenus jusqu’en décembre 2026.
Garry’s Mod, le business en plus
Difficile de ne pas voir le parallèle avec le sandbox de Valve, qui a permis à des créateurs d’imaginer leurs propres jeux dans un éditeur tout public facile à prendre en main et laissant la créativité de tout un chacun s’exprimer. Les premières cartes créées sur le mode Créatif reprenaient d’ailleurs des concepts de jeu apparus sur Garry’s Mod, tels que Prop Hunt ou Deathrun. Pourtant, la monétisation des cartes amène l’UEFN et le mode « Créatif » de Fortnite vers des chemins bien différents que celui emprunté par Garry’s Mod.
Si on pouvait penser de prime abord que faire miroiter une récompense monétaire aux créateurs amènerait la création de cartes vers un lissage qualitatif, le système de monétisation rapproche les créations du fonctionnement des réseaux sociaux. La part récoltée par les créateurs dépendant de l’engagement des joueurs, attirer devient tout aussi important, si ce n’est plus, que de proposer un concept intéressant. C’est pour cela qu’ont émergé de nombreuses cartes reprenant des trends des réseaux sociaux, comme les mèmes ou le récent « IA brainrot », et des jeux ou licences populaires, afin d’amener les jeunes joueurs dans un environnement semblant familier, pour générer facilement de l’engagement et vendre des costumes.
Cap vers Roblox, capitaine Epic !
Fortnite étant un gloubi-boulga infini de licences pop culture, y voir proliférer des créations médiocres reprenant tous ces modèles n’est pas particulièrement étonnant. Mais le but d’Epic Games semble être de concurrencer le mastodonte Roblox. Lui aussi propose à ses utilisateurs une quantité astronomique de cartes reprenant des concepts de jeux, avec une monétisation liée à l’engagement, et permet déjà aux créateurs de vendre des objets en jeu. Bref, Fortnite veut faire du Roblox, car Roblox, c’est gigantesque. Le jeu battait en août le record de joueurs simultanés, avec plus de 45 millions de joueurs, affichait un revenu d’un milliard de dollars au premier trimestre 2025, et permettait aux créateurs de se partager plus d’un milliard de dollars en un an.
Au final, c’est le mode Battle Royale qui est délaissé. Récemment, une carte créative nommée « Steal A Brainrot » et reprise de sa version Roblox, recensait plus de 500 000 joueurs, alors que le Battle Royale en enregistrait 100 000. La tendance est en faveur de ces créations de la communauté, au détriment du mode principal, et Epic suit son cap, malgré les réserves d’une partie des joueurs, attachée à ce que fut Fortnite avant cette déferlante.
Le risque de cette tendance est de voir proliférer des cartes sans concept, vendant aux jeunes joueurs des costumes hors de prix sans originalité, eux qui ont du mal à déterminer ce qui mérite leur argent (ou celui de leurs parents). Chaque créateur veut sa part du gigantesque gâteau qu’Epic leur fait miroiter, et tant pis si Fortnite y perd ce qui reste de son identité.
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