Saga débutée en 2001, développée par Spellbound Software et éditée par Infogrames, Desperados continue de faire de la résistance au sein d’un paysage vidéoludique en perpétuelle évolution. Il s’affirme dans un genre quasiment disparu : le jeu de stratégie tactique en temps réel. Ce genre particulier a pourtant connu ses heures de gloire à la toute fin des années 1990 avec celui qui continue aujourd’hui de faire figure de modèle : la trilogie Commandos.
Variant du jeu d’infiltration, il est ici question de contrôler un petit groupe hétéroclite aux capacités distinctes et de réaliser missions et objectifs divers dans un environnement particulièrement hostile, le tout en vue isométrique. Réapparu en 2019, Desperados III vient dépoussiérer le genre.
À la différence de son illustre aîné, Desperados introduit de nouvelles mécaniques telles que la présence de civils pouvant fuir et alerter les ennemis, et le quick-action qui consiste à faire mémoriser un certain nombre d’actions à un personnage pour les déclencher au moment voulu. C’est aussi ce qui peut expliquer son étonnante longévité, car en 2006, Desperados revenait avec Western Commandos : La revanche de Cooper qui introduira une vue à la troisième personne et une caméra rotative et zoomable. Seulement un an plus tard sort Helldorado, un add-on qui ne fera pas date de par une faible durée de vie.
Commence alors pour la licence une traversée du désert, témoin du désamour croissant des joueurs pour le genre qui peine à se renouveler. À la différence de Commandos, la série des Desperados a néanmoins conservé son ADN au fil du temps et cela va plutôt bien lui réussir. La licence va être rachetée par Nordic et va connaître une version remasterisée de son premier volet en 2018 et relancer l’intérêt pour la franchise.
Pour ce Desperados III que plus personne n’attendait, près de treize ans après le second volet, Spellbound confie les rênes au studio munichois Mimimi Games qui s’est illustré notamment avec Shadow Tactics: Blades of the Shogun, un autre titre d’infiltration tactique qui a su se faire remarquer. Au cours des trente heures de jeu proposées, rien ne change sous le soleil de plomb du Far-West et c’est certainement là que réside la clé de la réussite de ce troisième opus !
Côté scénario, retour aux origines de notre John Cooper et de la formation de son équipe de choc. Les aficionados de la saga ne seront nullement dépaysés par la formule qui a conservé tout son sel et sa structure : un premier chapitre en guise de didacticiel et une arrivée progressive au fil de l’aventure de nouveaux coéquipiers de John afin d’en maîtriser le gameplay particulier.
Le jeu sait se montrer rassurant envers les nouveaux venus en amorçant une courbe de difficulté bien dosée. Les vétérans du genre apprécieront pouvoir laisser rapidement cours à leur imagination grâce à une vaste liberté d’action. Il demeure, dans la tradition de ce style de jeu, un vrai die and retry à l’ancienne, obligeant le joueur à faire preuve de patience et d’abnégation.
Parfois rebutant pour les nouveaux venus, il reste ici peu punitif, incitant à davantage de réflexion. Une jolie réussite et un remarquable tour de force de la part de Mimimi Games qui remet sur le devant de la scène un genre vidéoludique promis à une mort certaine par indifférence.
Mais alors, comment expliquer le regain d’intérêt du public pour ce genre ? Une seule réponse paraît plausible et cohérente : la nostalgie. En effet, Nordic a eu le nez creux en 2018 en proposant une version remasterisée de Desperados. Cela lui a permis de prendre la température à moindres frais. Ensuite, la société a confié le retour de la licence à un jeune studio allemand qui s’est précisément illustré, peu de temps avant, dans ce genre de jeu.
Bien que Shadows Tactics ait été remarqué à sa sortie en 2016, il n’a pas bénéficié de l’aura de son aîné qui peut compter sur une base de fans plus grande et plus âgée et les développeurs l’ont bien compris : la nostalgie a force de vente. Cette stratégie s’est avérée payante pour Desperados qui, pour son grand come-back, signe un retour fracassant et fait mouche dans le cœur des joueurs.
Il ressuscite au passage le Commandos-like. Son grand aîné a d’ailleurs lui aussi connu il y a peu une version remasterisée de son second volet. Connaîtra-t-il lui aussi un retour gagnant dans les prochaines années ? Rien n’est moins sûr, car à la différence de Desperados, Commandos a été victime en 2006 d’un dernier opus désastreux, tournant le dos à ses origines et son style pour céder aux sirènes du FPS.
À défaut d’un improbable retour de Commandos, c’est désormais sur les épaules de la saga Desperados que repose l’avenir d’un style de jeu exigeant, palpitant, plus si ancré dans son époque qui ne demande qu’à être redécouvert.