Décembre 2020 : sortie de Cyberpunk 2077. Tant d’espoir placé dans le titre de CD Projekt Red : une hype construite sur plusieurs années, une communication aux petits oignons qui vendait monts et merveilles à tous les fans de Cyberpunk, de GTA et de RPG. Un marketing millimétré devenu fou qui nous promettait d’avoir le jeu de la décennie (et on pèse nos mots). Mais l’histoire, tout le monde la connaît, et on ne la refera pas ici.
Cyberpunk 2077 n’a pas réussi à convaincre à sa sortie, et pourtant, il est devenu l’un des jeux les plus joués sur Steam, et avec la série Cyberpunk: Edgerunners, sortie en septembre 2022, l’univers initialement créé par Mike Pondsmith a réussi à s’attirer toute une communauté prête à mettre de côté les nombreux défauts (et autres bugs) du jeu.
Malgré cet état de fait, le DLC Phantom Liberty, récemment sorti, et la mise à jour 2.0, ayant pour but de corriger et d’ajouter un bon nombre d’éléments de gameplay, suscitent autant d’attente que lors de la sortie du jeu, mais avec une pression supplémentaire. Alors, qu’en est-il ? La rédemption est-elle atteinte ?
(Critique de Cyberpunk 2077: Phantom Liberty sur PC réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Walk on the Wild Side
Le retour à Night City est particulièrement difficile. Si vous avez joué et terminé Cyberpunk plus ou moins à sa sortie, comme nous, vous avez aussi dû ressentir ce goût amer en bouche, quelle que soit la fin empruntée. Sans trop en dévoiler davantage, toutes les fins du scénario de base ne transpirent pas le bonheur, loin de là.
Alors oui, ce premier voyage nous avait emmenés sur le chemin de la dépression, mais à l’arrivée de Phantom Liberty et en recevant ce fameux appel de Song Bird (ou So Mi pour les intimes) nous promettant enfin un véritable remède à notre mal, une lueur d’espoir est enfin apparue.
Une lueur d’espoir ayant plusieurs niveaux de lecture, car cela l’est tout autant pour nous que pour notre personnage. Cet espoir est d’ailleurs retranscrit à travers le traitement des personnages et de l’histoire.
En effet, Johnny Silverhand, incarné par Keanu Reeves, prend beaucoup moins de place dans ce DLC (malgré ses apparitions qui crèvent toujours l’écran) pour laisser place à Solomon Reed, incarné par Idris Elba. Les dialogues et les enjeux sonnent toujours aussi réels, et l’on est tout de suite happé par la proposition de Phantom Liberty. On a envie d’y croire, et d’aller au bout de ce dernier rollercoaster avant de raccrocher enfin nos chromes.
Beaucoup de reproches peuvent être faits à Cyberpunk 2077, par exemple sur le gameplay qui tente beaucoup de choses sans aller au bout, mais les émotions qu’il arrive à transmettre sont bien réelles, et Phantom Liberty n’a rien à envier au jeu de base, bien au contraire. On s’attache aussi facilement et rapidement aux personnages, mais à quel prix ?
Si vrai, si faux
Comme le jeu de base, Phantom Liberty déçoit autant qu’il séduit. Les mots sont durs, tant on a apprécié ce DLC et l’histoire alternative qu’il propose. Mais il faut se rendre à l’évidence, il ne révolutionne rien du tout. Accompagné de la mise à jour 2.0 qui influe énormément sur le gameplay, Cyberpunk 2077 n’est toujours pas le jeu que l’on attendait en 2020, mais qu’est-ce qu’on attendait exactement ? Un jeu ultime qui serait enfin la définition du jeu parfait sur tous les aspects qui constituent un objet vidéoludique ?
Non, Cyberpunk 2077, ce n’est toujours pas ça. Mais, à vrai dire, ce n’est pas la question ici. Les possibilités de gameplay sont certes beaucoup plus nombreuses (on a d’ailleurs fait un Edgerunner de notre côté), ce qui nous permet enfin d’adopter un style de gameplay beaucoup plus unique et personnalisable.
Mais c’est d’autant plus déstabilisant si vous relanciez votre partie après avoir fini une première fois le jeu. Il faut alors tout se réapproprier et passer presque une heure dans les menus pour tout comprendre. Mais de ce côté-là, c’est une réussite.
En revanche, ce qui nous a un peu plus refroidis dans ce DLC, c’est la rapidité avec laquelle les interactions et les relations se construisent entre les différents personnages, que ce soit entre Reed, Alex, Rosalind Myers ou encore – et surtout – Songbird. Un personnage présenté comme souffrant des mêmes maux et ayant la même perception de la vie que V, c’est-à-dire éphémère.
Après tout ce que l’on a vécu à Night City, on devient presque meilleurs amis avec des personnages que l’on vient à peine de rencontrer, une dissonance difficile à occulter, là où avec Johnny, il nous a fallu presque 50 heures pour comprendre réellement sa nature profonde et les démons qui le tourmentaient.
Une dichotomie flagrante par rapport à ce que l’on disait précédemment. D’une part, ces mêmes personnages réussissent à nous toucher de manière si facile (en majeure partie grâce au doublage français d’une qualité supérieure), mais d’autre part, tout va beaucoup trop vite, et cela nous saute malheureusement trop vite aux yeux.
Et pour couronner le tout, on passera sur les détails quant à la nouvelle zone. Dogtown ne propose rien de neuf, que ce soit en quête secondaire fade ou en décor tout aussi inintéressant.
Une page se tourne
Comme nous le disions, Cyberpunk 2077: Phantom Liberty et sa mise à jour 2.0 arrivent à convaincre et à enfin faire office de rédemption face aux scandales (mérités). Le jeu a acquis une fanbase assez importante pour pouvoir l’apprécier, le défendre, et en demander plus. Et oui, une suite est d’ores et déjà en préparation, donc nous ne sommes pas encore prêts à abandonner Night City pour de bon.
Phantom Liberty est une réussite, un vrai jeu vidéo optimisé, fini, et appréciable, et permet enfin de refermer la page. Mais cela ne veut dire qu’une chose sur l’industrie : c’est possible.
Le jeu pourrait encore être mieux, parfait et ultime. C’est possible, et Cyberpunk 2077 fut un marqueur incontestable dans le paysage vidéoludique comme un véritable problème, comme ce qui se fait de pire dans l’industrie, que ce soit le crunch incessant et perpétuel imposé aux équipes, une vision entre le marketing et la communication, les développeurs, etc. Nous le voyons avec des titres qui sont sortis cette année (on pense notamment à Baldur’s Gate 3) : il est possible de créer des titres ambitieux tout en respectant le personnel et les joueurs.
Cyberpunk 2077 sort enfin la tête de l’eau. Phantom Liberty est la consécration stable et optimisée qui respecte enfin les joueurs ayant vraiment envie de découvrir l’univers de Pondsmith. Si vous avez toujours été réticent, c’est le bon moment pour enfin se lancer dans l’aventure.
Le pari est réussi. Un pari de grande envergure, tant Phantom Liberty devait prouver que le travail des développeurs n’a pas été vain. Ce DLC est une franche réussite et une belle revanche. Il nous a procuré plus d’émotions que bon nombre de titres édulcorés et sans âme. Et Cyberpunk 2077 en a, de l’âme (on n’en demande pas plus d’un jeu vidéo).
Notre regard se tourne aujourd’hui vers le futur, vers la suite, mais aussi vers The Witcher, l’une des plus grosses productions à venir du studio. Est-ce qu’ils ont enfin appris de leurs erreurs ? Est-ce que nous aurons enfin un projet digne de nos attentes ? Dans tous les cas, il faudra se montrer patient, et nous avons un rôle à jouer dans cette attente pour qu’elle soit des plus agréables, du côté des joueurs comme de celui des développeurs.