Nous avions rencontré les éditions Ynnis par hasard, en librairie, avec l’ouvrage « Hommage à Leiji Matsumoto, Par-Delà la Boucle du Temps », de Julien Pirou (que les spectateurs de feu la chaîne TV NoLife connaissent bien). Aujourd’hui, la maison d’édition participe à l’actualité chargée autour du robot géant préféré des Français, Goldorak, qui a (enfin) droit à son jeu vidéo, à une réédition de la B.D. événement de 2021, à une nouvelle série animée…
« Et Si Goldorak Existait ? », c’est le titre et le postulat de départ de ce beau livre signé Émilie Rauscher qui, plutôt que se pencher sur l’histoire de la création de l’œuvre de Go Nagai (déjà fait mille fois), ou son impact dans la pop culture (déjà fait mille fois), regarde les aventures d’Actarus avec un œil pluridisciplinaire et scientifique. « Science et Geek », c’est d’ailleurs le nom de la collection dans laquelle s’inscrit l’œuvre.
What if… ?
Le livre s’amuse à se présenter comme un ouvrage presque historique, qui reviendrait sur la guerre qui opposa Goldorak et l’humanité aux forces de Véga. Une guerre qui aurait duré trois ans, comme les trois saisons de la série animée.
Bien entendu, la série est d’abord remise en contexte : dans l’œuvre de son créateur Go Nagai, qui n’en était pas à son premier robot géant, mais aussi dans l’histoire du manga et de l’anime, aux côtés d’autres œuvres traitant plus ou moins des mêmes sujets, comme Astro le Petit Robot, Gundam, Macross (Robotech) ou même Evangelion…
On rappellera sa réception en France, en 1978, avec l’accueil dithyrambique que lui réservera le public, diamétralement opposé aux critiques de certains « intellectuels » qui accusèrent le dessin animé de tous les maux. On découvrira par exemple un photomontage assez extrême, publié dans le magazine Lui, comparant Goldorak et… Hitler !
On retrouvera aussi la folie qui suivit l’arrivée de la série, avec notamment les nombreux produits dérivés, des jouets (dont le fameux Shogun Warrior) aux célèbres pots de moutarde… Produits dérivés qui continuent de paraître aujourd’hui, tandis que les plus anciens font l’objet de précieuses collections, et s’échangent dans les salles de ventes les plus prestigieuses.
Et évidemment, on aborde aussi la question aussi vieille que Goldorak qui continue d’agiter les sphères de fans dans le monde entier : mais pourquoi donc le siège du pilote fait-il un tour sur lui-même quand Actarus passe du pilotage du Spazer à celui du robot ??
Mais rapidement, l’ouvrage va s’affranchir de ces facettes de l’œuvre que l’on connaît déjà plutôt bien (même si on a toujours du plaisir à s’y replonger), pour aller voir plus loin, et parler de thématiques portées par l’œuvre, mais plus rarement abordées.
Culture G (comme Goldorak)
« Alors, oui, basiquement, Goldorak, le robot de l’espace est une série qui oppose, à chaque épisode, un robot géant à des monstres. Mais se limiter à ce niveau du récit serait tout de même un peu réducteur ! » (p. 24)
Et donc, la guerre entre l’humanité (essentiellement représentée par le Japon) et les forces de Véga a bien eu lieu. Le livre met alors sur la table des sujets très divers, tous portés de façon plus ou moins consciente par la série.
On apprend ainsi par exemple que l’idée d’un Prince venu de l’Espace était bien avant l’arrivée du Prince d’Euphor au Ranch du Bouleau Blanc un motif récurrent des mythes japonais ; on se penche sur le « Mega-Mach » du robot (son mode « turbo »), et les dégâts qu’une telle accélération peut entraîner, ou encore l’énergie qu’il faudrait pouvoir fournir à Goldorak si ce dernier était issu d’une technologie humaine ; on apprend que le labo d’optique appliquée de la très sérieuse École Polytechnique en France a réussi en 2023 à « domestiquer » la foudre à l’aide d’un rayon laser, reproduisant ainsi le comportement du fameux Cornofulgure.
On verra que le design du robot, imposant le respect, mais aussi la crainte chez ses ennemis, s’inscrit dans une longue tradition de costumes dessinés pour instiguer la peur, comme les « kuwagata », ces cornes présentes sur les casques des samouraïs qui rappelleront forcément celles de Goldorak.
À travers Le Centre du professeur Procyon, mais aussi l’OVT d’Alcor et un peu plus tard dans la série, la création de la Patrouilles des Aigles – ces véhicules pilotés par Alcor, Phénicia et Vénusia et qui peuvent s’assembler avec Goldorak pour en faire un robot encore plus puissant –, les liens étroits entre guerre et progrès scientifiques sont aussi l’objet de plusieurs articles du livre.
Et tout cela n’est qu’un mince aperçu de ce que l’ouvrage a à proposer. Goldorak, bien que central dans le livre, n’y est finalement presque qu’un prétexte pour s’arrêter sur une pluralité de sujets qui sauront satisfaire les curiosités et surprendre les fans de l’œuvre de Go Nagai. Le volume, dont les pages en papier épais (mais hélas, à la couverture souple, probablement pour conserver un prix contenu) sont richement illustrées, se lit aussi bien d’une façon classique, page après page, qu’en le picorant, l’ouvrant presque au hasard en étant à chaque fois certain d’apprendre quelque chose !
Vu son succès, les livres sur Goldorak sont légion. Grand public ou universitaires, d’analyse ou surfant sur la nostalgie, en 45 ans, tout aurait été dit. « Et Si Goldorak Existait ? » nous montre que non, et qu’on peut encore trouver un angle original pour parler de ce dessin animé qui aura marqué le public probablement comme aucune autre œuvre télévisuelle.
La preuve de la richesse de la série ? Ou peut-être de la démesure de la passion qu’inspirent Actarus, Alcor, le Grand Strateguerre et la galaxie de personnages qui composent cet univers…
« Et Si Goldorak Existait » ? , d’Émilie Rauscher
160 pages couleurs, très nombreuses illustrations
Couverture souple
Editions Ynnis, collection Science et Geek
30 €