Arrivant le 6 septembre prochain dans nos salles obscures, Le Château Solitaire dans le Miroir est une adaptation d’un livre à succès de Mizuki Tsujimura, du moins est-ce le cas dans son pays d’origine, le Japon. Un livre qui profite justement de cette transposition prochaine sur grand-écran et de sa visibilité dans le reste du monde pour enfin être mis à la disposition d’un plus large public, celui-ci étant justement paru le 23 août dernier.
Réutilisant les codes des contes de fée, le film aborde des sujets qui parleront probablement à un certain public tout particulièrement et sensibilise, par là même, à un fait de société universel : le fléau qu’est le harcèlement scolaire, lequel n’épargne apparemment pas le pays du Soleil-Levant. En fait, pour la petite information, les chiffres de ce genre de cas n’ont fait que grimper depuis plusieurs années. En 2020, par exemple, c’était quelque 610 000 affaires de la sorte. C’était environ « trois fois plus qu’il y a une dizaine d’années », comme le signale notamment France 24. Donc autant dire que le sujet est plutôt une préoccupation majeure pour la population japonaise. Maintenant, reste à voir si Keiichi Hara (réalisateur connu pour des œuvres comme Wonderland, Miss Hokusai ou encore Colorful) arrivera à traiter le sujet sans tomber dans la redite ?
Dur, dur d’être adolescent…
Globalement, l’histoire narrée par le film se centre donc, comme vu en préambule, sur une thématique maintes fois explorée par l’animation japonaise : le mal-être adolescent. Un thème qui, plus généralement, est un leitmotiv très souvent usité par les productions nippones réservées à la tranche d’âge qu’elles se proposent d’explorer. Pour illustrer ceci avec un exemple, nous pourrions sans mal prendre une réalisation tout droit issue de notre média favori : la tant célèbre série d’Atlus, Persona. Les adolescents en proie à certains problèmes d’ordre sociétal, moral… n’étant pas ce qui manque là-dedans. Ainsi, le film se retrouve face à un défi de taille, qui est d’essayer de sortir de la banalité par un traitement original.
Et Le Château Solitaire dans le Miroir n’y parvient pas totalement. Il y a certes des idées intéressantes dans la réalisation de Hara. Cependant, elles restent bien trop discrètes. Le film passe par des situations, des plans qui ne sauraient se démarquer par leur singularité. En fait, la plupart du temps, on reste en terrain plus ou moins connu, à commencer par les personnalités qui ne dépassent pas le stade des archétypes.
Le casting obéit alors à une seule règle : permettre aux spectateurs de s’identifier au monde qu’on lui peint. Ainsi, logiquement, on s’attend à ce que le public attendu dans les salles soit particulièrement jeune, la fonction première étant didactique. Mais, à mesure que l’on progresse dans le récit, on se rend compte que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce dernier est loin d’être nimbé de légèreté ; les sujets traités sont on ne peut plus délicats et durs. Ce qui mériterait sans aucun doute un avertissement, afin d’éviter toute mauvaise surprise. Car oui, par moments, le résultat est vraiment sombre, vraiment déstabilisant. Ceci dit, pas sûr que le jeune enfant, pas ou peu accoutumé aux sujets abordés, puisse en saisir complètement le sens. L’adolescent, lui, ne pourra qu’y être sensible.
Un « conte » d’une esthétique sombre
Cette noirceur est tout ce qui fait le sel de l’œuvre. Elle la rend cohérente. C’est que la joie n’est vraiment pas de sortie dans ce Château Solitaire dans le Miroir. On y traite de vulnérabilité, de rejet, de harcèlement ou encore de la négligence, voire de la « connivence inconsciente » des adultes, même si, bien entendu, on tend peu à peu à apporter une solution à ces maux qui rongent nos jeunes. De fait, ces problèmes font partie de l’esthétique même de l’œuvre. Dans la mise en scène, les couleurs utilisées, les jeux de lumière ou encore la gestion du silence, rendent le malaise de Kokoro notamment (l’héroïne principale) et la tension palpable.
Par là, on a peu de difficultés à ressentir ce que l’on nous peint. Et certains passages, optant pour un style particulier (proche de l’expressionnisme), sont révélateurs. C’est, par exemple, l’annihilation de toute humanité chez le persécuteur en brouillant, déformant les visages, le laissant ainsi sans expression. Ce qui, bien que la méthode soit assez simple, est plutôt bien pensé et efficace. Car ce n’est pas tant pour signifier cette méchanceté que pour plonger le spectateur dans les yeux du personnage qui la subit. Cela favorise l’empathie et, par là même, permet davantage l’immersion.
Mais, il ne faut pas se tromper, la tonalité s’en retrouve totalement diminuée par le traitement narratif, prenant le parti de l’espoir. Il y a une progression, une sorte d’initiation digne d’un conte. Ce qui n’est pas étonnant, les références sont là pour nous le rappeler, à commencer par le titre. Ce dernier ne nous rappelle-t-il pas De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, et qui n’est autre que la suite d’Alice au Pays des Merveilles ? Néanmoins, on le concevra sans mal, ce qui est plus frappant, c’est la référence constante au petit chaperon rouge, qui nous invite donc à faire le parallèle avec le conte traditionnel. Le métrage y utilise les symboles pour entre autres rappeler la vulnérabilité de nos adolescents. Ça, c’est ce qui est pour la figure de la petite fille au capuchon. Pour le loup, on vous laissera vous faire votre propre idée sur la chose… En tout cas, il est à savoir qu’il puisse revêtir plusieurs sens (peur, responsabilité, désir de mort…). Une polysémie qui est l’essence même du conte.
Seulement, petit problème, c’est qu’il semble y avoir beaucoup d’éléments, d’informations, que l’on vous dévoilera pas, pour que l’on suive tout d’un trait. Certes, ils sont prévisibles, cependant ils posent question. Et les réponses ne sont aucunement apportées. Soit elles existent, cachées entre les lignes, soit elles sont le signe de quelques lacunes dans le récit…
Un trop-plein d’émotions ?
Bien qu’il existe un désir didactique assez louable, on est forcé de constater des inégalités. Car, la majorité du temps, on fait face à des situations, événements qui ne se distinguent que par leur platitude et le plein de bons sentiments. Des bons sentiments que la petite communauté que forment les sept adolescents en souffrance partagent sans mal. Et c’est là, le petit souci, puisque s’il y a une forme de sincérité dans la douleur et les émotions exprimées, il y a aussi une espèce de superficialité dans les liens qui se créent. Le film ne prend pas le temps de nous montrer cette solidarité qui se forme mois après mois.
Néanmoins, même s’ils semblent factices, ces liens sont nécessaires. Ils sont synonymes de progression. C’est de cette manière que nos personnages évoluent. Et c’est là un des principaux messages du film : la solidarité. Nul ne sert de sombrer dans le désespoir et de se murer dans le silence, il faut savoir faire confiance aux autres et s’entraider, surtout entre personnes partageant le même problème. C’est, en substance, le message qu’il faut retenir. Il y a cependant dans ce discours une certaine naïveté qui confine à la maladresse, car n’est-il pas supposé que, finalement, le persécuté est lui aussi en quelque sorte responsable de sa situation par son inactivité ?
Le Château Solitaire dans le Miroir est un bon film. Il traite d’un sujet intéressant et propose de bonnes choses, que ce soit sur le plan des idées ou de la mise en scène. Cependant, il reste bien trop proche de productions similaires et se retrouve par là même coincé dans une sorte de schéma banal. La profusion des sentiments est intense et le caractère larmoyant est évidemment présent. Ce qui aura tendance à lasser quelque peu.
Toutefois, peut-on réellement reprocher cela ? Le film n’est-il pas censé rester accessible ? Et quoi de mieux que les émotions pour se faire clairement comprendre ? Enfin, comprendre est un bien grand mot. N’oublions pas ses lacunes. L’œuvre ouvre des questions sans y apporter de réponses. À moins qu’elles ne soient bien cachées…
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