Entre Horizon Forbidden West et Elden Ring, incontestablement les deux jeux les plus attendus de cette année, ce mois de février nous aura bien gâtés. Mais, en dehors de leur date de sortie, un des rares points communs de ces deux jeux réside dans leur statut d’open-world, et dans la taille imposante des univers qu’ils proposent.
La communication étouffante de PlayStation autour de Forbidden West, et notamment sur sa durée de vie conséquente, a le mérite de nous questionner sur l’intérêt de la taille d’un univers, et sur la nécessité de cohérence qui va de pair. Alors, la grandeur de cette suite est elle le signe de sa maturité ?
(Test du jeu Horizon Forbidden West sur PS5 réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Un voyage époustouflant
Le ton est donné dès les premières minutes du jeu : des couleurs chatoyantes, des effets de lumière et de textures bluffants, une animation détaillée et une musique parfaitement accordée à l’action qui se déroule devant nous. C’est simple, dès le générique d’introduction, Horizon Forbidden West s’impose comme le nouveau maître étalon, au niveau esthétique, pour un open-world.
Mais son level design a lui aussi été amélioré par rapport à l’opus précédent, par l’ajout subtil de différents accessoires, l’ailegide (parapente rappelant le paravoile de The Legend of Zelda: Breath of the Wild) en tête, qui lui donnent une dimension verticale plus qu’appréciable. Malgré sa taille imposante, la carte se traverse facilement, à pied ou à dos de monture, et le dosage des quêtes et des découvertes, aidé par la beauté et la variété des décors, s’avère parfaitement adapté pour maintenir l’intérêt et la curiosité du joueur même après plusieurs dizaines d’heures de jeu.
Les montures et l’ailegide rendent la taille de la carte cohérente, et les déplacements plus aisés.
Horizon Forbidden West pourra être apprécié de façons très différentes, dans sa durée comme dans sa difficulté, s’adaptant aux préférences de chacun. Le jeu mise sur l’accessibilité, avec notamment des options configurables dans le détail, mais n’en est pas pour autant dénué de challenge. Au milieu des diverses activités, de simples combats pourront s’avérer compliqués si vous ne vous y êtes pas préparé correctement, et vous mourrez, souvent (mais moins que dans Elden Ring). Soyez prévenu.
Dans la continuité de Zero Dawn, ce voyage raconte l’odyssée d’Aloy, paria désormais devenue une héroïne aux allures de prophète, à qui incombe la lourde tâche de sauver la vie sur la planète, menacée par des machines hors de contrôle. Il lui faudra pour cela se rendre sur les terres interdites de l’ouest, régies par différentes tribus connues pour leur violence, afin de tenter de recréer Gaïa, une IA conçue pour assurer et maintenir l’équilibre environnemental nécessaire à la faune et la flore.
C’est dans l’écriture de ses dialogues et dans la tangibilité de sa galerie de personnages qu’Horizon Forbidden West brille véritablement. La consistance des protagonistes et les révélations amenées par les quêtes (principales et annexes) permettent d’appuyer un scénario bien senti qui ne cherche pas à exploiter le filon, mais à faire grandir l’univers du jeu, dont le lore SF se démarque tant.
Le réalisme dans les détails, la richesse d’Horizon Forbidden West
La qualité graphique d’un jeu est souvent mise en avant pour en faire sa publicité, et c’est on ne peut plus vrai pour Horizon Forbidden West, cette suite étant une véritable vitrine technologique à même de toucher le public au premier regard.
Le visuel du jeu dépasse néanmoins le simple côté esthétique pour venir étayer ses qualités scénaristiques : les réactions des visages rendent les personnages plus sensibles et touchants, les paysages variés, et les événements météorologiques sont à couper le souffle et vous donneront l’impression de vivre ce voyage. Quant aux jeux de lumière, ils nous projettent dans un futur qui a quelque chose de palpable tant il paraît vrai.
Ce travail d’orfèvre est notable dans tous les aspects techniques du jeu, que nous vous invitons à essayer avec un bon casque sur les oreilles. Les musiques d’ambiance parfaitement adaptées donnent la mesure, et une véritable recherche sur les sons et les instruments utilisés a été réalisée par les compositeurs.
Les percussions de la taverne sont enivrantes. Vous prendrez bien une petite pinte, non ?
Lorsque l’on s’attarde sur l’architecture des bâtiments que l’on traverse, la structure des villes et leur place sur la carte, ou encore les matériaux utilisés par les différentes tribus, les discussions entre les PNJ, on ne peut qu’être impressionné par les détails des créateurs du jeu, et les efforts mis dans la conception de ce monde pour en faire un univers parfaitement cohérent. Le réalisme du jeu ne se limite ainsi nullement à son côté graphique, mais se veut global pour rendre l’expérience plus immersive, et c’est là une des grandes qualités du titre.
Certes, ce côté réaliste n’est nullement présent dans son gameplay (une chute de 50 m sans entorse, c’est possible), mais ce n’est pas là qu’on l’attendait. Cette suite réussit plutôt à enrichir le monde du premier opus, sans être redondante, et en amenant des nouveautés bienvenues dans le gameplay et dans la gestion du personnage, intrinsèque au genre du RPG à l’occidental. À ce sujet, l’apprentissage des compétences et la gestion des tenues et de l’inventaire s’avèrent encore particulièrement lourds, notamment lorsqu’on le compare à celui de Ghost of Tsushima. Il aurait été appréciable de simplifier celui-ci, pour faciliter le changement d’un setup à un autre, et ainsi rendre l’expérience plus fluide et se focaliser sur le plaisir véritable du jeu : l’exploration.
L’aventure est par ailleurs parsemée de quelques dialogues à choix multiples, durant lesquels vos choix pourront avoir un impact modéré sur le déroulement des événements. Et, encore plus que dans le premier opus de par le nouveau statut de sauveuse d’Aloy, ces discours ont un côté politique assumé.
Une odyssée à l’allure de discours social
Horizon, c’est l’histoire d’une planète ravagée par l’égoïsme de certains humains, puis sauvée par l’abnégation d’un groupe de bénévoles de génie, pour que finalement toute vie soit vouée à disparaître pour satisfaire la volonté d’autres humains. Sauf si Aloy, qui n’a rien demandé à personne, parvient à sauver ce monde en perdition. Mais l’humanité en vaut-elle la peine ?
Dans son synopsis déjà, Horizon Forbidden West interroge la responsabilité des êtres humains sur leur environnement. Son lore est construit autour de questions de société, dont toutes ne tiennent pas de la science-fiction, et le jeu s’amuse à les mettre en perspective au travers des aventures et évolutions des différents protagonistes.
L’opposition entre la croyance et la science est centrale dans ce monde de tribus, et les fortes convictions développées par chacune d’entre elles permettent aux créateurs du jeu de mettre le doigt sur des comportements humains parfois aberrants, mais surtout d’aborder des sujets d’actualité par le prisme des ces peuples « primitifs ».
Quel sens peut-on donner à la violence et à la guerre, et comment gérer ses conséquences, lorsque l’on fait face à l’extinction ? Les disparités entre les peuples sont-elles sources de richesses, ou de conflits ? Le comportement des hommes tient-il de la folie dans un monde de machines exemptes d’erreurs ? L’abondance des thèmes traités par le jeu, soutenue par la qualité d’écriture des dialogues, rend sa durée bien plus digeste.
Les quêtes annexes sont autant de portes ouvertes vers des questionnements personnels, et le jeu sait intelligemment masquer la répétitivité des tâches à accomplir (l’habituelle trinité : objets à récupérer, machines à chasser, personnes à sauver) derrière des enjeux pertinents et des histoires touchantes qui viennent enrichir son univers.
Quelques rares éléments de narration jouant la carte de la facilité, dont une ellipse abusive et l’éternel jeu du chat et de la souris avec Sylens, l’angoniste principal, viennent parfois ternir ce tableau, à l’inverse de certaines surprises scénaristiques bienvenues.
Aussi, et même s’il est difficile de comparer la sauveuse de Meridian au boucher de Blaviken, nous aurions aimé que le récit d’Aloy soit parfois un peu plus sombre, avec des conséquences plus graves, comme celles du sorceleur. La facilité avec laquelle Aloy accepte son rôle messianique, et l’aisance avec laquelle elle parvient à convaincre son auditoire, sont notamment très perturbantes, quand bien même elles servent le récit. Mais il s’agit là d’infimes broutilles au regard de ce somptueux tableau, suite digne de ce nom dont la contemplation aura su nous emporter par-delà les cieux.
Horizon Forbidden West représente tout ce que l’on peut attendre d’une suite réussie. Sans être révolutionnaire dans son gameplay, il récupère et améliore des idées diverses et variées pour mieux se les approprier.
Son esthétique à couper le souffle, son rythme maîtrisé, et la richesse de son univers démontrent le talent de ses créateurs, et prouvent qu’ils savaient parfaitement la direction qu’ils souhaitaient prendre dès le premier opus. Ce jeu est la célébration de la chance qu’ils ont eue : pouvoir obtenir les moyens nécessaires pour faire aboutir leur vision de cet univers. Un joyau, dont la beauté ne saurait masquer les multiples qualités.