35 ans. Cela fait maintenant 35 ans que The Legend of Zelda, pierre angulaire du jeu d’action/aventure, a vu le jour au Japon. Créée par Shigeru Miyamoto, mais aussi par un autre monsieur parfois injustement oublié et qui n’est autre que Takashi Tezuka, cette saga a traversé les âges et les générations, marquant de son empreinte non seulement le jeu vidéo, mais aussi la culture populaire depuis la fin des années 80.
Comme Stars Wars, Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, Mario ou encore Sonic, The Legend of Zelda est un monument historique et culturel connu bien au-delà des frontières mêmes de son média d’origine. Déclinée en série animée, en manga, et en d’innombrables autres produits dérivés comme des jouets ou encore des vêtements, la licence compte des millions de fans à travers le monde.
Les différents jeux que comprend la franchise, révolutionnaire à plusieurs reprises, sont tous uniques et toujours réalisés avec la volonté de surprendre, quitte à bouleverser totalement ses propres codes, Breath of the Wild en est d’ailleurs le parfait exemple. Nous-mêmes à la rédaction sommes pour la plupart de véritables passionnés de l’univers de The Legend of Zelda et attendons chaque nouveau jeu avec l’impatience d’un enfant prêt à ouvrir ses cadeaux un matin de noël.
Alors, à la rédaction, on s’est posé la question de savoir comment rendre hommage avec respect à une telle œuvre et au lieu de choisir l’article « top » ou encore « historique », on a opté pour le témoignage, celui de votre serviteur en l’occurrence, aussi parce qu’il a, comme la licence de Nintendo, 35 ans. Un papier que vous pourrez retrouver ci-dessous et que nous vous encourageons à lire.
Et pour compléter notre hommage maison, on a souhaité vous parler d’un ouvrage édité par Omaké Books et écrit par un certain Florent Gorges, cofondateur de Pix’n Love et fondateur de Omaké. Un auteur notamment connu pour la série de bouquins super intéressante qu’est « L’Histoire de Nintendo », et nous ne pouvons que vous conseiller de jeter un œil sur sa bibliographie.
L’ouvrage dont nous souhaitons vous parler ici n’est autre que Génération Zelda – 35 ans de légendes paru il y a quelques semaines.
Il est toujours compliqué d’émettre une critique sur un livre autre qu’un roman, et encore même ainsi, l’exercice est souvent périlleux, mais Génération Zelda – 35 ans de légendes nous a vraiment plu. Il s’agit là d’un ouvrage qui témoigne non seulement des habitudes et du rapport qu’entretiennent des joueurs de toutes générations avec la saga, mais aussi qui réunit différents articles écrits par l’auteur depuis bien des années.
Alors, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas un best-of des articles en question, la plupart ayant été réécrits et remodelés, notamment pour les rendre plus complets et pertinents. Mais attention, il ne s’agit pas là d’un ouvrage consacré à tous les jeux de la licence, mais bien à certains et surtout trois d’entre eux. Pourquoi ? Parce que ce livre est avant tout destiné aux fans de la première heure, à ceux qui connaissent la licence presque sur le bout des ongles et souhaitent parfaire encore un peu plus leurs connaissances. Comme le déclare d’ailleurs l’auteur dans sa préface :
« Avec un tel nom, Génération Zelda, j’ai surtout voulu m’adresser aux fans ayant découvert la série avec ses trois premiers épisodes. En effet, vous allez rapidement constater que les chapitres qui composent ce bouquin sont quasi exclusivement et délibérément dédiés à The Legend of Zelda (NES), The Adventure of Link (NES) et A Link to the Past (Super Nintendo). Si vous vous attendiez à lire un making-of d’Ocarina of Time ou Breath of the Wild, je suis désolé de vous décevoir… »
Voilà qui contextualise l’ouvrage, et qui gagne à notre sens en profondeur et en pertinence. Car en se concentrant sur trois jeux iconiques de la licence, dont un controversé auprès des fans, Florent Gorges se donne de l’air pour pouvoir creuser son propos et nous offrir un maximum d’informations sans avoir à nous pondre un bouquin de 500 pages indigestes, car trop imposantes.
Le livre contient en tout et pour tout 176 pages illustrées, agréables et colorées, imprimées sur du papier glacé du plus bel effet. Le style d’écriture se veut proche du lecteur, car l’auteur s’adresse souvent directement à ce dernier, ce qui crée alors une proximité et un partage entre celui qui écrit et celui qui lit. Même si on y trouve de l’information à profusion, Gorges ne s’oublie pas pour autant, et sa plume reste fidèle à ses principes.
Très agréable à la lecture, jamais bourratif, un exploit vu la quantité de choses qu’il nous demande d’enregistrer, Génération Zelda est sans conteste l’un des meilleurs ouvrages à ce jour jamais sortis en France sur la saga. Même s’il ne la brasse pas de long en large, il en transpire une passion communicative qui suinte de chaque mot qui compose chaque phrase du livre.
Très sincèrement, on s’attendait à un énième ouvrage traitant sagement de la licence, respectant les codes de la biographie normée que l’on a l’habitude de lire, avec les trop vus portraits de personnalités et autres anecdotes de développement tout aussi connues et classiques. Mais il n’en est rien, car Génération Zelda s’émancipe dès ses premières pages de ce classicisme pour nous offrir une relecture originale de l’œuvre au travers de quelques questions auxquelles l’auteur tente de trouver des réponses.
Ça commence par un sondage…
Génération Zelda s’ouvre donc sur une préface et enchaîne directement sur quelque chose d’assez inattendu dans un tel ouvrage et qui pourtant est d’une pertinence rare. Car Florent Gorges, sûrement pleinement conscient de s’attaquer à l’un des monuments du jeu vidéo, a aussi voulu mettre en avant les joueurs et leurs expériences diverses avec la licence.
L’auteur nous propose alors à la lecture les résultats détaillés d’un sondage auquel 3 530 personnes ont participé et qui fut lancé entre les 1er et 31 décembre 2020 sur Twitter. Il avait pour but d’interroger les joueurs sur leurs rapports avec The Legend of Zelda. Ce sondage comprenait des questions qui portaient sur divers sujets, allant de leur âge, à l’épisode qu’ils préfèrent, en passant par celui qu’ils ont pratiqué en premier pour finir sur la typologie de joueurs qu’ils pensent être concernés par une telle saga.
En recoupant ensuite toutes les informations récoltées, il a pu établir un profil type du gamer français jouant à The Legend of Zelda. On précise la provenance des participants, parce que forcément un joueur japonais aura un regard différent sur la licence qu’un américain par exemple, essentiellement pour des raisons culturelles. Aussi, voici en partie ce qui ressort de ce sondage :
« Bien que majoritairement appréciée par un public masculin, The Legend of Zelda a depuis longtemps dépassé le stade du phénomène générationnel et prouve que chaque épisode fédère un public renouvelé, sans se limiter aux plus anciens ayant découvert la série sur NES ou Super Nintendo. L’autre preuve flagrante de la vitalité de la série étant la moyenne d’âge des joueurs de Zelda : 26/27 ans ! »
Cette partie du livre est franchement très intéressante, car de tels sondages sont rares et prouvent encore une fois que le jeu vidéo n’est pas qu’un divertissement enfantin, mais bien un média culturel, transgénérationnel et qui propose des produits intemporels qui ont marqué les joueurs, les personnes, qui ont encore aujourd’hui un rapport étroit avec certaines licences qui les ont fait rêver enfants ou adolescents.
… ça finit par une mine d’or pour les fans
Ce qu’a voulu accomplir Florent Gorges avant toute chose avec Génération Zelda, c’est mettre en avant l’influence de la licence sur les joueurs et le jeu vidéo. Il n’est donc pas question de retrouver ici des making-of des trois jeux à l’honneur dans le livre, mais plutôt de nous livrer des informations, anecdotes et surtout des analyses de certains faits historiques et choix effectués par Nintendo.
Par exemple, on nous parle du mystère de la date de sortie française de The Legend of Zelda sur NES ; du pourquoi Nintendo a décidé de changer totalement d’orientation avec The Adventure of Link ; des origines et de la signification de la Triforce ; de l’incroyable publicité japonaise de A Link to the Past ; ou encore de l’influence qu’a eu The Legend of Zelda sur les joueurs français et de l’image qu’ils ont eue par la suite de Nintendo.
On est face à un recueil d’études de faits qui sont tout autant significatifs de ce que représente la saga dans l’histoire que ce qui a mené à la création des différents jeux. Le travail de recherche est d’ailleurs assez impressionnant, sourcé et surtout les différentes analyses (et conclusions parfois) que tire l’auteur de tout cela sont souvent éclairées et justes. Voici par exemple ce qu’il dit de l’échec de Zelda II :
« Mais ce que découvre Nintendo avec les critiques qui s’abattent finalement sur eux après la sortie de Zelda II, c’est que les joueurs sont parfois contradictoires. En effet, ces derniers avaient reproché à Nintendo d’avoir joué la carte de la facilité avec Super Mario Bros. 2, tandis qu’avec Zelda 2, ils expliquent désormais qu’ils auraient voulu que Nintendo conserve Zelda pratiquement tel quel, avec la même vue et le même gameplay ! Quand on vous dit que les gamers ne savent jamais vraiment ce qu’ils veulent, vous en avez une preuve âgée de 35 ans… »
Et ce n’est là qu’un échantillon qui trouve pertinence une fois les pages précédant ce constat dévorées. Mais ce n’est pas tout, car en plus de nous instruire, de nous pousser à la réflexion – d’ailleurs nous ne tirons pas forcément les mêmes conclusions que Florent Gorges sur tout – il s’attaque ensuite au « phénomène » du culte qui entoure la licence en France. Alors comment The Legend of Zelda a-t-il réussi à devenir un mythe du jeu vidéo par chez nous ?
Si on est tous d’accord pour dire qu’il s’agit là d’une saga comprenant des jeux fantastiques, exceptionnels pour la plupart, et surtout avant-gardistes, ce n’est pour l’auteur pas la seule explication. Il explore alors d’autres pistes et s’interroge par exemple sur la trilogie sortie sur CD-i qui fait quoi qu’on en pense partie du mythe entourant la licence, mais présente aussi un portrait peu commun et savoureux d’un certain Miyamoto, faisant alors un parallèle entre ce génie du jeu vidéo et le monstre sacré du cinéma qu’est Charlie Chaplin.
Pour conclure sur l’héritage Zelda, l’auteur, termine sur une mis en lumière de Luis Melo, un artiste portugais qui « revisite Zelda en mode psychédélique », ou encore en nous présente trois collectionneurs et fans français de la licence. Ces trois portraits sont réalisés par le biais d’interviews savoureuses et intéressantes, tant là encore il n’en ressort que passion et amour pour une légende qui n’est pas près de s’essouffler.
On pourrait vous parler des heures durant de notre lecture de Génération Zelda – 35 ans de légendes, mais nous n’en ferons rien, car il est important, si vous êtes fan de la licence, que vous mettiez les mains sur cet ouvrage écrit par un Florent Gorges inspiré. Nous l’avons dit, ce n’est pas un recueil making-of et il ne brasse pas l’intégralité de la saga, mais est tout aussi pertinent, car il répond à des questions paraissant de base secondaires, mais qui deviennent au fil des mots d’une importance capitale.
Original, le bouquin, comme le présente l’auteur, entreprend une dure mission, celle de nous expliquer pourquoi The Legend of Zelda est une saga culte pour de très nombreux joueurs français, et ce que cela a apporté au monde du jeu vidéo, notamment dans notre pays. La mission est amplement réussie et ce travail, qui compile des années de recherches accouchant finalement d’un ouvrage attendu, témoigne d’une vraie passion de l’auteur pour son sujet.
Alors oui, cela s’adresse essentiellement aux fans, et c’est là le seul réel bémol que l’on soulèvera, car le reste est tout simplement admirable, et il n’y a rien de plus à ajouter.
Fiche Technique
- Maison d’édition : Omaké Books
- Auteur : Florent Gorges
- Sortie Officielle : 25/03/2021
- Prix : collector 24,90 € / standard 16,90 €
- Pagination : 176 Pages
- Format : 16.2 X 22.9 Cm
- Couverture : souple ou cartonnée
- Impression : couleur
Liens d’achat : édition standard / édition collector