Death Stranding. Ce nom à lui seul suffit à susciter du débat dans le microcosme du jeu vidéo. Pourquoi ? Parce qu’il est un jeu génialement clivant et si certains ont su apprécier son univers et son gameplay, d’autres n’ont pas pu tout simplement réussir à pénétrer ce monde post-apocalyptique original et atypique. À leur décharge, le dernier jeu d’Hideo Kojima n’est pas des plus abordables et demande un grand investissement de la part du joueur, surtout durant les dix à quinze premières heures qui ne se résument qu’à porter des colis d’un point A à un point B.
Certes, Death Stranding est atypique, unique et inaccessible pour une bonne partie des joueurs, mais n’en reste pas moins une œuvre forte et pertinente de notre média, réalisée par un homme qui parle, qui fait passer des messages et qui a surtout une vision de ce qu’est le jeu vidéo et de ce qu’il peut offrir au monde. Il s’en sert pour instaurer un dialogue avec nous au travers de ses personnages, des thématiques abordées et essaie de créer un lien, une connexion forte entre les joueurs sans que ces derniers n’aient à échanger directement.
À l’heure où une version Director’s Cut, que certains jugeront surfaite, va voir le jour, penchons-nous l’espace d’un instant sur Entre les Mondes de Death Stranding, un livre écrit par l’auteur Antony Fournier et édité par Third Editions.
On ne va pas ici chercher à reprendre ce qui est dit dans le livre, ni même exposer le point de vue de l’auteur sur Death Stranding, mais on va plutôt mettre en avant la qualité de la réflexion autour du chef-d’œuvre du créatif Hideo Kojima. Car oui, pour nous, ou plutôt pour votre plume du jour qui se permet là de parler au nom de sa propre personne, le dernier-né (ou premier, c’est selon) de Kojima Productions est pour l’auteur de ces lignes un chef-d’œuvre. Un jeu à part, qui ne s’embête pas avec les considérations modernes du jeu vidéo et qui ne tente même pas d’être abordable par le plus grand nombre.
Sa seule ambition est finalement de nous faire ressentir de nombreuses émotions et de partager avec nous une vision du monde qui fait étrangement écho au nôtre, car à l’heure où nous sommes tous connectés les uns aux autres grâce à Internet et aux réseaux sociaux (entre autres choses), nous n’avons paradoxalement jamais été aussi seuls. La solitude et l’importance de l’autre, de lui parler, de le toucher et de vivre une expérience avec lui est le cœur même du message de Death Stranding.
On ne va pas non plus émettre une critique élaborée ici de l’analyse de l’auteur Antony Fournier sur le jeu de Kojima, car c’est à la lecture de ses mots que nous avons compris que l’expérience proposée est finalement plus personnelle qu’il n’y paraît. Si des vérités générales peuvent être dites et affirmées, l’œuvre touche à l’intime de chacun. Ainsi, il n’y a pas qu’un ressenti ou une lecture possible de Death Stranding, mais bien plusieurs qui dépendent entièrement du joueur, de son vécu personnel et culturel.
Antony Founier propose ici alors sa propre vision du récit, tout en mettant en lumière les souhaits, les désirs de Kojima vis-à-vis de sa propre production. Il brasse les différentes thématiques avec la précision d’un chirurgien et tente alors d’apporter des réponses aux questions que l’on peut se poser sur le titre et son élaboration, de sa conception à sa sortie. Il invite à voyager dans la psyché de son créateur et retrace une partie de son parcours pour faire le lien avec le ou les messages distillés par Death Stranding.
On ne peut pas dire que nous ayons acquiescé avec tout ce que nous avons lu, ce serait mentir et plutôt être malhonnête. En revanche, c’est ce qui a rendu la lecture bien plus intéressante que ce à quoi l’on s’attendait, puisque le rapport au jeu est différent et que deux visions des choses se sont entrechoquées au fil des pages. L’analyse est incroyable d’arguments et de fond, elle a su nous convaincre parfois, nous faire réfléchir et on s’est même pris à relire certaines pages, voire chapitres entiers pour bien comprendre ce qui y était dit.
Forcément, on ne peut que vous recommander la lecture de Entre les Mondes de Death Stranding, surtout d’ailleurs si vous n’avez pas pu entrer dans l’univers incroyable du jeu pour toutes sortes de raisons, comme le gameplay ou la construction même du jeu, car cela vous permettra de comprendre ce que Kojima a essayé de faire et surtout pourquoi il a essayé de le faire. Si certaines réponses à certaines questions sont intimes, le livre ouvre la voie pour se faire sa propre interprétation du jeu. Jamais Antony Fournier n’essaie de fermer la porte à des analyses autres que la sienne. Au contraire, il appelle à la diversité d’opinion et s’il affirme, il ne se place nullement en maître du savoir.
C’est aussi l’un des aspects qui nous a plu dans ce livre. Déjà, il faut mettre en avant son exhaustivité, car il regorge d’informations et d’anecdotes sur de très nombreux aspects de la production du jeu, du gameplay et de ses mécaniques, aux thématiques fortes abordées, en passant par son univers et sa création. On en apprend des choses, et pas des moins intéressantes en plus. Il est franchement grisant d’avoir l’impression d’être dans le processus de création même de Death Stranding.
Le décryptage qui s’ensuit, et qui soulève aussi certaines problématiques liées au média jeu vidéo lui-même, de ce que l’on en attend, de l’image qu’il renvoie, est pertinente. Il parvient à expliquer pourquoi le jeu est singulier dans l’écosystème du AAA et pourquoi il divise. On parle là de la problématique du monde ouvert non violent, du gameplay très atypique qui tranche avec les habitudes traditionnelles du joueur monsieur-tout-le-monde par exemple.
On nous parle de l’importance de la musique dans l’expérience même proposée, de la place de la culture américaine, des maux de notre société contemporaine qui font écho à ceux de cette réalité anticipée qui fait froid dans le dos, jusqu’aux choix des décors, de l’environnement et de la place de l’individu dans le monde. Tout ceci pour déboucher sur une conclusion courte, concise et pertinente. On vous l’affirme sans trembler, Entre les Mondes de Death Stranding est l’une de nos meilleures lectures Third Editions à ce jour.
Il n’y a rien de plus à ajouter à ce que l’on a déjà dit ci-dessus. Entre les Mondes de Death Stranding est un livre riche, généreux et dans lequel l’auteur Antony Fournier se livre à une analyse précise et intelligente de l’œuvre d’Hideo Kojima. Encore une fois, il ne ferme aucune porte et n’impose à aucun moment sa vision des choses. Il pense ce qu’il écrit et nous invite à penser ce que nous lisons en retour. Tout comme le jeu lui-même, l’ouvrage touche à l’intime de chacun et en cela, il n’est aucunement question d’une pensée unique.
La richesse du bouquin est aussi l’un de ses plus grands atouts, car si l’analyse est d’un intérêt certain, tout ce qui se place en amont de cette dernière, tout ce qui a trait à la conception de Death Stranding est tout aussi captivant. Bravo.
Fiche Technique
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- Maison d’édition : Third Editions
- Auteur : Antony Fournier
- Sortie officielle : 25/03/2021
- Prix : collector 29,90 € / standard 24,90 €
- Pagination : 272 Pages
- Format : 160 x 240 mm
- Couverture : cartonnée
- Impression : couleur
- Extrait
Liens d’achat : édition standard / édition collector / édition EBOOK