La semaine dernière, nous étions conviés au Grand Rex pour découvrir en avant-première (et en compagnie de l’équipe du film) la dernière adaptation de D&D : Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs. Après l’oubliable trilogie du début des années 2000, malgré la présence de l’éternel Jeremy Irons dans le premier opus, autant vous dire que nous sommes allés voir ce reboot de la franchise sans aucune attente.
Les disputes légales autour des droits du film entre Hasbro, Universal Pictures et Warner Bros, et le retard de sortie de presque deux ans (le tournage s’est terminé en août 2021), les signes n’étaient clairement pas de bon augure. Mais qui serions-nous pour refuser une invitation au Grand Rex, qui plus est avec un casting incroyable nous gratifiant de leur présence : Hugh Grant, Chris Pine et Michelle Rodriguez étaient en effet présents, accompagnés d’acteurs plus jeunes, mais tout aussi convaincants à l’écran, à savoir l’extravagant Justice Smith, l’ultra-charismatique René-Jean Page, et la timide Sophis Lilis.
Après une démonstration technique de 3D impressionnante (mais bien trop longue), et le visionnage sur grand écran du clip de Mylène Farmer, qui signe la chanson des crédits en français, nos esprits étaient enfin prêts. Ne restait alors au film qu’à venir profiter de nos cerveaux aux capacités fortement altérées, en espérant que le sort lancé par l’équipe de Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs ait bien fonctionné.
La quête
Le film embrasse dès ses premières images son penchant pour le cliché assumé, avec un humour qui aurait été lourd s’il n’avait pas pu s’appuyer sur son casting, impeccable, et son dosage subtil. Car la première des choses qui saute aux yeux, c’est l’aisance avec laquelle les différents acteurs et actrices auront su donner vie à leur personnage, des stéréotypes parfaitement adéquats à l’image que l’on peut se faire des héros d’une aventure du jeu de plateau. Plutôt que de chercher à donner de la profondeur aux personnages, le film fait le choix inverse, à raison et avec justesse. À quoi bon s’encombrer de plus de détails qu’il n’en faut pour simplement s’attacher à eux, à leurs défauts exacerbés et à leurs qualités touchantes.
Le parti pris scénaristique est dans la même veine : une quête simpliste, mais sans temps mort, s’appuyant sur des mécaniques classiques vues et revues, mais là aussi tellement exagérées qu’elles en deviennent absurdes et appréciables. Sans en dévoiler sur l’intrigue, notre troupe d’aventuriers partira en quête d’artefacts légendaires pour sauver une demoiselle en détresse, et le film n’est qu’une suite de détours improbables. Mais ici, le voyage est clairement plus important que la destination, et c’est dans les rencontres et aléas de cette épopée que Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs fonctionne le mieux.
Les bonbons
Durant ce périple, le spectateur aura le droit à quelques bonnes surprises, dont la présence d’un acteur petit par la taille (à l’écran), mais grand par l’effet produit, soulignant là encore la qualité du casting. Vous saurez indubitablement de qui nous parlons si vous allez voir le film, et son personnage devrait vous surprendre autant que nous.
Par ailleurs, la rumeur aura longtemps circulé sur les réseaux quant à la présence des membres de Critical Role dans Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs, avant d’être finalement démenti (même si un certain sort fait référence à l’équipe). Ce jeu avec les fans et la communauté du RPG aura toutefois confirmé l’amour des cocréateurs pour la licence, qui se ressent durant tout le film. Ils auront d’ailleurs convié la troupe des doubleurs de la série animée des années 80 à se joindre au tournage, et celle-ci a le droit à un caméo appréciable dans la dernière partie du film.
Le folklore de l’univers est de son côté plutôt bien introduit (de façon toujours exagérée), que ce soit sa géographie et les différentes ethnies qui se partagent le royaume, la caste des bardes, l’importance des mages rouges, le bestiaire… Autrement dit, néophytes comme adeptes du jeu devraient être comblés. Mais quid des dragons, nous direz-vous ? Eh bien, malgré leur très bref temps de présence à l’écran (ce qui n’est pas du tout un écueil), le film nous aura proposé une représentation unique de dragons, complètement hilarante et improbable, dans une scène qui sera probablement la plus mémorable du film. Ils sont à l’image du film : dans la démesure tout en restant léger, et c’est là la grande réussite de Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs.
Light Fantasy
Au sortir de cette séance, un sentiment s’imposait à nous : Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs nous aura fait du bien. Au même titre que les Annales du Disque Monde de Terry Pratchett, Shrek, ou encore les Donjons de Naheulbeuk, le film se joue des mécaniques habituelles de l’Heroic Fantasy pour les tourner en ridicule et finalement devenir une œuvre particulièrement appréciable de Light Fantasy.
Pour être honnête, le CV (oubliable) des co-réalisateurs Jonathan Goldstein et John Francis Daley était l’une des raisons pour lesquelles nous n’attendions rien de Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs, dans une période où les adaptations fleurissent. Mais, misant tout sur un humour et une dérision exacerbés, les créateurs se seront clairement appuyés sur leurs expériences passées pour tourner leur ridicule habituel en une véritable force du film, porté par des acteurs très loin de surjouer et ayant parfaitement compris l’essence de la Light Fantasy.
À l’opposé des grands succès fantastiques actuels aux sujets lourds et sérieux, comme Stranger Things, Game of Thrones ou The Rings of Power, Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs joue avec brio dans ce genre délaissé des grands et petits écrans, si ce n’est dans le milieu de l’animation. Ces deux heures de film sont un vent de fraîcheur qui sent bon les années 90, sans en utiliser les codes usagés, et on espère que l’équipe du film nous proposera une suite qui saura se montrer aussi digne que le fut Shrek 2 en son temps.
Soyons honnête, nous sommes d’abord allés voir ce Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs pour le cadre du Grand Rex, et pour pouvoir profiter de la présence de son incroyable casting. Comme c’est le cas pour la plupart du temps désormais, la bande-annonce n’est en rien représentative du contenu proposé, et la matière essentielle du film – sa légèreté – est mille fois plus appréciable durant ses deux heures que durant les deux minutes de cuts vomitifs de « teasing ».
Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs s’impose comme un incontournable de Light Fantasy, et nous rappelle à bien des moments le plaisir qu’avaient pu nous procurer des séries comme Shrek ou Le Donjon de Naheulbeuk. Porté par des acteurs personnifiant à la perfection le cliché de leurs rôles, le film sait surprendre et faire (sou)rire, et c’est tout ce qu’on pouvait lui demander. Si vous vous attendez à une photographie et à une mise en scène dignes du Seigneur des Anneaux, vous risquez certes d’être déçus. Mais si vous avez envie de quitter un instant la noirceur habituelle de la Fantasy actuelle, Donjons & Dragons : L’honneur des voleurs est sans aucun doute ce qu’il vous faut.
Mercutio
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