Ce 21 septembre, c’est un peu partout dans le monde le Batman Day. Un événement annuel au cours duquel les libraires et les fans de l’homme chauve-souris célèbrent ce dernier. Cette année, le Batman Day est un peu plus important que d’habitude, puisque qu’on fête aussi un anniversaire : voilà déjà 80 ans que le Caped Crusader veille sur Gotham. Et en 80 ans, l’alter ego de Bruce Wayne est passé de plus grand détective du monde à plus grand super-héros du monde, ayant vaincu la mort, le temps, et même Superman !
Cet anniversaire coïncide avec la parution du numéro 1000 de Detective Comics, le périodique qui a le premier publié les aventures de Batman, dans son numéro 27, en mai 1939. À cette double occasion – triple même, avec le Batman Day – Urban Comics, éditeur des publication DC en France, fait paraître un album spécial réunissant l’ouvrage anniversaire des 80 ans de Batman et le numéro spécial 1000 de Detective Comics.
Du lourd
Un beau bébé de 544 pages aux allures d’encyclopédie ! Et il est vrai que l’ouvrage a l’ambition de retracer de façon historique le parcours du Chevalier Noir. Organisé selon la chronologie des publications, l’ouvrage Batman 80 ans s’attarde d’abord sur l’Age d’Or des comics (la période s’étalant de la fin des années 30 à la première moitié des années 50).
On aura ainsi l’occasion de découvrir quelques histoires datant d’avant Batman (dont un récit policier signé Joe Shuster et Jerry Siegel, essentiellement connus pour avoir créé… Superman !), mais qui remettent en contexte la naissance du Justicier Masqué. Bien entendu, les pages du fameux Detective Comics numéro 27 sont reproduites, nous offrant la possibilité de redécouvrir la toute première apparition du Batman, bien différent à l’époque de celui qu’on connait aujourd’hui !
Puis les histoires avancent au fil des années, balayant chaque décennie, les Silver Age (de la fin de l’Age d’Or au début des années 70) et Bronze Age (des années 70 au milieu des années 80), jusqu’à l’époque contemporaine. On saute bizarrement les années 90, pourtant période de publication du monumental arc Knightfall (monumental au sens premier : plus de 1500 pages !), autour de Bane et de Jean-Paul Valley, indigne successeur de Bruce Wayne. Les trois récits les plus contemporains viendront faire la liaison avec les pages du Detective Comics #1000.
Dessine-moi un mouton méchant
Pendant ce voyage à travers l’histoire du Batman, on aura l’occasion de revivre les débuts de certains antagonistes cultes, tels que Gueule d’Argile (Clayface en v.o.), dont on découvre une origine story bien différente de celle qu’on connaissait (via la série animée écrite par Paul Dini, par exemple, où Clayface est une sorte de Narcisse de Gotham), Edward Nygma, a.k.a. Le Sphynx ou L’Homme Mystère (The Riddler en v.o.), ou encore Double-Face, qu’on rencontre alors sous le nom de Harvey Kent ! L’homonymie avec un certain journaliste kryptonien aura sans doute poussé les auteurs à le rebaptiser “Dent” par la suite !
Batwoman, Man-Bat ou encore Batmite sont également de la partie. On retiendra notamment une histoire de Batmite complètement surréaliste, où le 4ème mur est brisé en morceaux puisque Batmite vient tourmenter les auteurs de Detective Comics (qui se représentent ainsi eux-mêmes au travail) pour les forcer à l’intégrer à leur scénario ! Un exercice auquel nous sommes surement habitués aujourd’hui, mais qui avait dû passablement détonner à l’époque !
On s’étonnera tout de même de l’absence de personnages pourtant centraux comme le Joker, Catwoman, ou même Le Pingouin, au profit d’autres tombés dans l’oubli, comme Manhunter (à ne pas confondre avec Martian Manhunter, par ailleurs présent dans le recueil).
Les différentes bandes-dessinées sont entrecoupées de témoignages de personnalités qui ont, d’une manière ou d’une autre influencé le mythe, tels que Paul Levitz, éditeur de l’ouvrage, et déjà éditeur du volume anniversaire pour les 75 ans de DC, Dennis O’Neil, auteur majeur de Batman dans les années 70, éditeur tout aussi important ensuite, ou encore Neil Gaiman, qu’on ne présente plus.
Ces textes sont, outre des témoignages importants, une mine d’anecdotes ! On y découvrira par exemple que contrairement à la croyance populaire, DC ne signifie pas (en tout cas, pas à l’origine) Detective Comics, mais Donenfeld’s Comics, du nom du propriétaire de la maison d’édition !
Plutôt mille fois qu’une
La deuxième partie de l’ouvrage (conceptuellement, pas en nombre de pages) reprend le numéro 1000 du périodique Detective Comics. Publié de façon autonome aux Etats-Unis, Urban Comics a décidé pour l’édition française de le rattacher à cet album historique.
Une décision bienvenue, les comics distribués chez les marchands de journaux étant parfois un peu compliqués à obtenir, pour des raisons de stocks, par exemple ; mais une décision qui est aussi cohérente en termes éditoriaux. En effet, les histoires du DC #1000 suivent naturellement la progression de l’album Batman 80 ans organisé, on le rappelle, de façon chronologique.
C’est donc près de cent pages d’histoires inédites avec un casting qui fait tourner la tête que nous offre ce deuxième morceau du volume. La liste des participants à ce numéro 1000 ressemble à un Walk of Fame du comic contemporain. Voyez plutôt : Scott Snyder, Greg Capullo, Kevin Smith, Paul Dini, Dustin Nguyen, Warren Ellis, Brian Michael Bendis, Tom King, Jim Lee…
Et ce n’est pas tout, puisque certaines légendes ayant œuvré à la construction du mythe Batman reviennent pour l’occasion, comme Dennis O’Neil ou Neal Adams (ici, chacun dans une histoire différente) qui ont ensemble créé par exemple Ra’s Al Ghul ou Man-Bat !
Portrait-robot
D’ailleurs, l’une des histoire, “Return to Crime Alley”, par Dennis O’Neil et Steve Epting, est une adaptation d’une histoire du même Dennis O’Neil publiée en 1976 et justement présente dans le recueil Batman 80 ans: “There is no hope in Crime Alley”. On évoquait dans un article sur City Hunter Rebirth la rareté de l’exercice de réécriture, ou remake, dans la production actuelle. Dennis O’Neil nous en donne ici un très bel exemple, revoyant son propre travail avec un œil contemporain, insistant sur la psychologie d’un Batman sur le fil. Un trait que les différents auteurs ayant travaillé sur le personnage auront développé au fur et à mesure des années.
De manière générale, les histoires présentées dans ce DC #1000 forment une espèce de profil psychologique d’un héros complexe et torturé. Meilleur Detective du Monde, héros malheureux, croisé, croquemitaine, parfois aussi (si ce n’est plus) freak que les Pingouins et Joker qu’il traque. On notera notamment cette histoire mémorable (I Know, de Brian Michael Bendis) où un Bruce Wayne impotent et Le Pingouin devenu vieillard luttent encore en souvenir, au propre comme au figuré…
Ce numéro très spécial de Detective Comics se termine, en bon périodique, sur les premières pages d’un nouveau run à paraître : Batman Medieval (qui pourrait rappeler par certains aspect la période Jean-Paul Valley). Passé, présent, futur, l’histoire du Caped Crusader est balayée dans toute sa longueur.
On ne va pas vous cacher que les pages du DC #1000 sont celles que nous avons préférées dans le recueil, et constituent une vraie valeur ajoutée pour cet album anniversaire. À elles seules, elles pourraient presque justifier l’achat du volume. Pour le reste de l’album, la partie ”80ème anniversaire” n’est peut-être pas indispensable à un lecteur qui aurait une bibliothèque Batman déjà bien garnie. C’est par contre un bon résumé de ce qu’à pu être le Dark Knight avant d’être… le Dark Knight, celui de Frank Miller, qui aura initié le personnage que Batman est aujourd’hui. Si ce dernier vous intéresse, et que vous n’avez pas encore commencé votre collection, ou que vous souhaitez plutôt vous concentrer sur des albums plus récents, Batman 80 ans trouvera alors parfaitement sa place, remplissant son rôle de reader’s digest des premiers âges du Justicier Masqué.
Profitons-en pour rappeler que pour le Batman Day, ce 21 Septembre, Urban Comics offre un album de Batman collector et uniquement disponible à cette date pour tout achat de 2 volumes du Batverse dans les librairies célébrant l’événement. Cette année, il s’agit de L’Homme Qui Rit, une histoire d’Ed Brubacker mettant en scène le Clown Prince du Crime, dans une version en noir et blanc inédite !
Batman 80 ans
Edité par Urban Comics, Collection DC Essentiels
Sortie le 20/09/2019
544 pages, 35€.
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