Sur ces dernières années, la course au tout dématérialisé du jeu vidéo s’est accélérée et il est aujourd’hui plus si étonnant d’entendre certains acteurs de l’industrie annoncer en grande pompe s’affranchir de version disque, comme on l’a vu ces derniers mois avec Alan Wake II ou Black Myth: Wukong. On le sait, certains constructeurs et éditeurs rêvent de supprimer le physique du marché afin de juguler le marché de l’occasion et espèrent ainsi pouvoir récupérer quelques ventes supplémentaires auprès de joueurs n’ayant plus d’autres alternatives pour accéder à ce loisir.
Une pratique censée leur permettre d’engranger encore plus de millions qu’ils n’en génèrent jusqu’à présent mais qui, paradoxalement, a aussi pour conséquence de se fermer d’une partie non négligeable du média. Un rapport de force qui, malgré certains discours trompeur, n’est pas autant en défaveur du physique qu’on pourrait le croire et qui conduit finalement les éditeurs, malgré leurs discours initiaux parfois mensongers, à les proposer en boite quelques mois plus tard.
On se souvient notamment du discours de Kyle Rowley, réalisateur d’Alan Wake II, au sujet de la sortie uniquement en dématérialisé du dernier titre de Remedy :
« En tant que créatifs, le fait de passer au numérique uniquement nous donne plus de temps pour peaufiner le jeu. En fait, nous disposons d’un nombre important de semaines. Parce que sinon, le jeu qui se trouve sur le disque doit évidemment être jouable sans patch. Nous ne voulions pas sortir quelque chose dont nous n’étions pas fiers et auquel nous ne voulions pas que les joueurs jouent. Nous espérons ainsi pouvoir vous offrir une meilleure version du jeu. »
La bonne blague ! Une décision probablement poussée par Epic Games, éditeur du jeu, qui peut aujourd’hui la regretter au regard du faible nombre de vente, pour un titre de ce calibre alors qu’il n’est à ce jour toujours pas rentré dans ses frais. On apprenait en effet en février dernier qu’Alan Wake II n’avait atteint « que » 1,3 millions d’exemplaires écoulés, et en août dernier que Remedy, alors même qu’il s’agissait pour le studio d’un record de vente, n’avait toujours pas rentabilisé son projet.
Bien sûr, avec des « si », on peut refaire le monde, mais il parait tout de même naturel de penser qu’avec des copies physiques disponibles au moment de la sortie, le titre aurait bien mieux fonctionné commercialement parlant.
Concernant Black Myth: Wukong, le cas est légèrement différent, mais la logique reste fondamentalement la même. Initialement pourtant, le titre de Game Science était bien prévu pour sortir en version boite (enfin, une « version boite » avec un code à l’intérieur, ce qui est peut-être pire) mais il n’en fut finalement rien, sans que le studio ne communique ouvertement sur ce point.
Il s’agissait peut-être là plus de maladresse que de malhonnêteté, le studio étant novice sur le marché mais de plus en plus de voix s’interrogent sur quelques bizarreries dans sa communication et notamment sur sa gestion du cas de la Xbox Series qui ne l’a toujours pas accueilli sur sa plate-forme, sans raison officielle (difficulté d’adaptation sur Series S ? Deal secret avec PlayStation ?).
Toujours est-il que ces polémiques n’ont pas empêché le titre de particulièrement bien se vendre avec plus de vingt millions de copies numériques ayant trouvé preneur. Une réussite indéniable, certes, mais ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace et il nous paraissait inconcevable qu’il ne passe pas tôt ou tard par la case physique, ne serait-ce que pour s’arroger quelques millions supplémentaires des joueurs ayant refusés de l’acheter en dématérialisé.
Une attente finalement pas si longue puisque le studio, par l’intermédiaire de son compte X, a confirmé qu’une version disque de Black Myth: Wukong, une vraie cette fois, arrivera prochainement sur PS5. Une arrivée bien plus rapide qu’on l’aurait cru, du moins pour les États-Unis, puisqu’il y sera disponible dès le 21 octobre 2024, soit le lendemain de l’annonce. L’Europe devra quant à elle patienter un peu plus mais on devrait logiquement le voir débarquer sur les étals d’ici la fin d’année.
Deux exemples et deux destinées bien différentes qui pourtant atteste de la même évidence : le jeu vidéo ne peut se passer de son pendant physique. Une règle qui s’applique évidemment plutôt aux titres AAA dont les éditeurs pensent avoir tout à gagner à uniquement proposer en numérique leurs jeux (moins d’intermédiaires donc plus de marge, des prix contrôlés, pas de marché d’occasion…) alors même qu’ils oublient qu’une vente perdue en magasin n’équivaut pas à une vente réussie en numérique. Une versatilité des acheteurs difficile à anticiper, de nombreux facteurs entrant en ligne de compte, et qui peut aussi bien conduire à une franche réussite, comme pour Black Myth: Wukong, qu’à un bilan plus mitigé.
On ne le dira jamais assez, il ne s’agit pas d’opposer physique et dématérialisé, le jeu vidéo a besoin de ces deux jambes pour s’épanouir pleinement et la propension de certains éditeurs et constructeurs à vouloir marginaliser le premier ne peut conduire qu’à une chute du média tel qu’on le connait et l’apprécie aujourd’hui. Reste à voir jusqu’à quand cette logique tiendra et si notre loisirs préféré résistera aux coups de boutoir incessants de ses acteurs principaux…
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