Son deuxième opus a fait sensation à l’E3 2017 et son aura ne s’est pas estompée, faisant grand bruit à l’E3 2018. Beyond Good & Evil (sorti en 2003 sur PS2, Xbox, Gamecube et PC) est un titre culte, légendaire, et sa suite est attendue comme le loup blanc. Pourtant, Beyond Good & Evil 2 était loin d’être une évidence. N’oublions pas que Beyond Good & Evil a été un cuisant échec commercial à sa sortie. Oui, Beyond Good & Evil, en dépit de ses innombrables qualités, était passé inaperçu de presque tous, à l’exception de quelques curieux qui ont su faire vivre le mythe et affirmer sa présence dans le paysage vidéoludique. Oh oui, Beyond Good & Evil 2 aurait tout aussi bien pu ne pas exister. Et il pourrait également connaître le même destin tragique que la licence Mirror’s Edge, injustement boudée du grand public au point que même sa suite, Mirror’s Edge Catalyst, pourtant sortie miraculeusement à la demande désespérée des fans, se soit viandée en termes de ventes. Nous allons, avec ce dossier, vous parler plus en détails de Beyond Good & Evil, présenter Michel Ancel son créateur, évoquer le scénario du premier pour rafraîchir la mémoire des anciens et présenter l’univers aux nouveaux. Grimpez dans notre hover-board et ne nous lâchez pas, car on ne casse pas le binôme. On vous emmène par-delà les étoiles, au-delà du bien et du mal…
Beyond Good & Evil, pourquoi c’est si bien que ça ?
Un esprit sain dans un porcin
Beyond Good & Evil est un jeu de Michel Ancel, figure incontournable d’Ubisoft, qui a créé Rayman et les Lapins Crétins. Le sieur est un grand nom du jeu vidéo à qui tout semblait réussir déjà, lorsqu’il lance le développement de ce qui était alors connu sous le nom de code Projet BGE. Auréolé du succès de Rayman 2: The Great Escape, il a tout le soutien de Yves Guillemot lorsqu’il se lance dans son entreprise. BGE sera un jeu à la tonalité plus mature que ses productions passées. La genèse du projet : un bug constaté au cours du développement de Rayman 2. Il permettait de sauter sur un bateau volant et de survoler le niveau, tout en le surplombant. Le sentiment de liberté prodigué par ce bug a posé les bases de Between Good & Evil, titre que le jeu arborait alors. Michel Ancel se met à rêver d’un jeu dans lequel on évoluerait librement dans un univers vaste. Et pourquoi se limiter à une seule planète ? BGE pourrait même permettre d’aller dans l’espace et de visiter toutes les planètes du système solaire du jeu !
Beyond Good & Evil est un pot-pourri multipliant les genres. En effet, on trouve dans le jeu des phases d’action-aventure à la manière d’un Zelda Ocarina of Time, des phases d’infiltration, des séquences en véhicule, des courses, un peu de plateforme… Difficile de mettre le titre dans une case. Le jeu vous met dans la peau de Jade, une jeune reporter vivant à Hillys, une planète minière en proie à des attaques d’aliens belliqueux, les DomZ. Ces créatures capturent les hillyens et disparaissent avec eux dans le cosmos. La populace peut compter sur les Sections Alpha pour la protéger, mais le réseau renégat Iris n’est pas de cet avis. En tant que reporter, Jade doit prendre des photos compromettantes incriminant les Sections Alpha, afin d’amener la population à se soulever.
En substance, cela signifie que vous devrez vous infiltrer dans divers lieux afin de prendre des photos, sans vous faire pincer par les Sections Alpha. En cas de combat, vous ne serez pas seul et pourrez compter sur un comparse : Pey’J le cochon humanoïde qui a élevé Jade et Double H, un soldat courageux mais pas très fin. Pour donner vie au monde d’Hillys, une planète principalement recouverte d’eau sur laquelle sont posés quelques îlots, les développeurs ont créé un nouveau moteur : le Jade Engine. Ce moteur permet au joueur d’enchaîner les séquences avec fluidité. Ainsi, Jade peut, en une séquence, grimper ou surgir de son hoverboard pour explorer un endroit. La souplesse du moteur a même permis à Michel Ancel de bidouiller le design de certains personnages au cours du développement. Jade par exemple, a changé de look afin de lui donner un air plus adulte. Pour l’anecdote, le rendu de l’eau, bluffant pour l’époque (et encore aujourd’hui) a été repris à l’identique pour un autre jeu Ubisoft : Splinter Cell Pandora Tomorrow.
Carlson et Peeters !
Avec ses graphismes de toute beauté et son moteur performant, son ambiance mêlant onirisme et science-fiction, conte et considérations réalistes (Jade n’est pas une super combattante, mais une simple journaliste qui a du mal à joindre les deux bouts et travaille en free-lance pour subvenir aux besoins des orphelins qu’elle a recueillis), tout semble réussir à Beyond Good & Evil. D’autant que la presse spécialisée (ou non) est unanime et chante les louages du titre de Michel Ancel. Mais si le succès critique est au rendez-vous, le titre essuie un sévère échec commercial. Hélas, les joueurs ne semblent pas réceptifs à l’univers d’Hillys et le boudent. En pleine période des fêtes, le titre ne s’écoule qu’à 271 000 exemplaires aux Etats-Unis. Et la tendance est la même en France.
En se penchant sur les raisons de cet échec, on se rend compte que Beyond Good & Evil est simplement sorti au mauvais moment. Hélas pour le titre, 2003 était une année faste pour le jeu vidéo, et Beyond Good & Evil a dû faire face à de sérieux concurrents. Parmi eux, Jak II: Hors-la-loi de Naughty Dog, Ratchet and Clank 2 d’Insomniac Games, Le Seigneur des Anneaux : le Retour du Roi… soit des suites de qualité ou des jeux tirés de licences populaires. Par ailleurs, Ubisoft s’est lui-même concurrencé avec la sortie du hit Prince of Persia: Les Sables du Temps, sorti au même moment. Dans l’émission Devs Play (de Double Fine, le studio de Tim Schafer, qui est responsable de Psychonauts) à laquelle il participait, Michel Ancel pointe d’autres raisons pour l’échec de Beyond Good & Evil. Selon lui, le jeu, à l’époque aurait eu du mal à se vendre car il n’entrait pas dans le cadre de ce qui sortait à l’époque. Ainsi, Jade n’était pas une bimbo sur-armée (une Lara Croft, quoi).
Pour les anglophones, cette émission est une mine d’informations
Si le jeu s’est mal vendu au moment de sa sortie, il a remporté au fil des ans un succès d’estime. Beyond Good & Evil s’est fait un nom, ceux qui y ont joué n’ont pas tari d’éloges dessus, et le titre se vendra un peu plus suite à une baisse de prix. Enfin, une version HD sortie sur PlayStation 3 et Xbox 360 en 2011 a permis aux néophytes de découvrir le monde d’Hyllis.
On n’casse pas l’binôme Mam’zelle Jade !
Avec un tel succès d’estime, il n’est pas étonnant que des fans partout dans le monde réclament à cor et à cri une suite. En 2008, Ubisoft dévoile un trailer. On y voit un porc anthropomorphe réparer un véhicule tandis qu’une forme féminine médite sous un parasol. Quelques notes de musique, et les fans s’enflamment. Beyond Good & Evil 2 existe et les fans s’emballent. D’autant que peu de temps après sort une vidéo de gameplay dans laquelle on peut voir Jade fuir les forces de l’ordre dans une ville aride. Avec sa mise en scène fluide et nerveuse, cette courte séquence fit grand bruit. Puis… rien. Silence radio.
Il faudra attendre 2017 pour que Beyond Good & Evil 2 fasse son entrée fracassante sur le devant de la scène avec un trailer incroyable, sous les applaudissement d’un public en hyperventilation face à un Michel Ancel ému aux larmes. Beyond Good & Evil 2, qui commençait à devenir une arlésienne, prend forme. Le jeu sera une prequel et devrait avoir une dimension titanesque. Beyond Good & Evil 2 nous mettra dans la peau d’un pirate de l’espace et nous proposera d’aller de planète en planète à l’image de No Man’s Sky. Tout dans ce titre promet d’être pharaonique. A n’en pas douter, Beyond Good & Evil 2 sera l’un des projets les plus ambitieux du jeu vidéo.
Ubisoft sent le filon, et si en 2017 on pouvait avoir des doutes (après tout, ce n’était pas la première fois que Beyond Good & Evil 2 avait été présenté en grande pompe) sur la possibilité de voir arriver le jeu, le géant du jeu vidéo a décidé de réaffirmer sa confiance dans le potentiel du bébé d’Ancel en le présentant de nouveau à l’E3 2018, avec en plus du gameplay en pré-alpha et un trailer présentant des visages connus (Jade et Pey’J font leur entrée dans le monde de Beyond Good & Evil 2). Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ignorons tout de la date de sortie ou du scénario de Beyond Good & Evil 2. Nous savons pourtant que le titre sortira, qu’Ubisoft est prêt à donner à Michel Ancel les moyens de ses ambitions.
A l’abri dans sa coquille, la perle est l’esclave des courants
Pour cette dernière partie, nous allons nous laisser aller à quelques conjectures concernant Beyond Good & Evil 2. Aussi cette partie contiendra-t-elle quelques spoils concernant le premier jeu. Si vous ne souhaitez pas connaître tous les tenants et les aboutissants de Beyond Good & Evil car vous envisagez d’y jouer, passez directement à la conclusion.
Il est certain, à présent, que Beyond Good & Evil 2 ne se situera pas bien longtemps avant le premier épisode. Ce que l’on sait des trailers est que nous suivrons les tribulations de pirates de l’espace qui traînent leur carcasse dans le système 3 (rappelons qu’Hillys se trouve dans le système 4). Parmi ces pirates se trouvent des personnages que nous commençons déjà à connaître, comme Knox le singe au langage fleuri ou la très charmante Shani. Le trailer de 2017 présentait une femme aux yeux verts et aux cheveux courts, Dakini, que l’on peut imaginer liée à Jade. Elle semble être le capitaine du vaisseau pirate, le Gada et est à la recherche de Roksha, un lieu dans lequel se trouverait la vraie liberté.
La présence de Pey’J et Jade dans le trailer de 2018, si elle a pu en surprendre certains, n’est pas si étonnante que cela. Tout d’abord, il faut savoir que prequel ne signifie pas que l’intrigue de Beyond Good & Evil 2 se situera des décennies avant le premier volet. Ensuite, Pey’J n’a jamais été présenté comme étant un petit jeunot. Il dit lui-même dans Beyond Good & Evil, dans le MDisk laissé à Jade (lorsqu’il se fait kidnapper) qu’il est venu avec la jeune femme d’une autre planète à bord du Beluga, le vaisseau qu’il a conçu avec les parents de notre héroïne. Il raconte qu’il avait des ennemis là d’où il venait et qu’il s’est réfugié sur la planète minière d’Hillys afin de protéger la jeune fille. On peut imaginer que l’intrigue de Beyond Good & Evil 2 racontera cet épisode.
Quant à la présence d’une Jade qui parait belliqueuse, entourée de soldats qui font penser aux Sections Alpha, elle reste cohérente avec la principale révélation de Beyond Good & Evil. Jade, de son vrai nom Shauni, est elle-même une DomZ. Elle n’est pas humaine. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle a déjà l’air adulte, lorsqu’on la voit dans le trailer. Par ailleurs, l’équipage semble la connaître. On peut supposer que les pirates l’ont recueillie et il est probable qu’elle ait calé son apparence et sa personnalité sur la mystérieuse Dakini.
Nous le répétons, tout ceci n’est que théories et conjectures, nous ne disposons d’aucune information de plus sur l’intrigue du jeu.
Michel, en selle !
Michel Ancel a raconté, dans l’émission de Double Fine mentionnée plus haut, une anecdote intéressante. Lorsqu’il a vu pour la première fois Beyond Good & Evil, Shigeru Miyamoto, monstre sacré du jeu vidéo qui nous a offert Mario et The Legend of Zelda, a détesté le jeu, ce qui avait pas mal touché le créateur de Rayman. Et pour tout génie qu’il soit, il faut bien admettre que Miyamoto s’est complètement planté sur le potentiel du jeu (oui c’est rare d’écrire que Miyamoto avait tort, alors on en profite). Beyond Good & Evil est un jeu génial et légendaire car même sans le succès commercial qu’il méritait, il a réussi à laisser une trace sur le milieu du jeu vidéo. Beyond Good & Evil est une excellente série de jeux parce qu’elle est ambitieuse, qu’elle fait rêver et qu’elle porte le medium vers d’autres horizons. Il nous tarde de voir si Beyond Good & Evil 2 sera à la hauteur de ses ambitions. En attendant, on pourra toujours regarder en boucle les divers trailers du jeu, ou visiter Hillys une énième fois…