Alan Wake 2 a connu, lors de sa sortie en octobre dernier, un joli succès critique lui permettant même d’être en lice pour être élu jeu de l’année à la dernière cérémonie des Game Awards. Il a d’ailleurs remporté quelques prix (Meilleure Réalisation, Meilleure Narration, et Meilleure Direction Artistique) et a même eu droit à un show musical reprenant en partie l’étonnant chapitre We Sing du jeu pour l’occasion. Néanmoins, sa sortie ne fut pas un long fleuve tranquille puisqu’avec elle est intervenue une polémique liée au fait que le titre de Remedy ne connaîtrait pas (pour le moment) de sortie physique, Epic Games, l’éditeur, préférant opter pour le dématérialisé. Chose qui a peut-être empêché Alan Wake 2 de connaître la réussite qu’il aurait méritée.
Si vous suivez New Game Plus, vous savez tout l’amour que l’on porte au dernier-né de Remedy qui s’est tout de même fait attendre pendant treize longues années. Cependant, nous ne sommes pas dupes, Alan Wake 2 reste en l’état un jeu de niche, car il s’agit là avant tout d’un thriller psychologique narratif qui peut ne pas plaire à tout le monde, d’autant plus que Remedy reste un studio assez clivant pour les joueurs, Max Payne mis à part. Mais est-ce suffisant pour expliquer ce qui va suivre ? Pas si sûr.
Le premier trimestre 2024 s’est clôturé le 30 avril dernier et l’heure est donc au bilan financier. Commençons par une bonne nouvelle, puisque Alan Wake 2 affichait des chiffres de ventes s’élevant à 1,3 million d’unités écoulées en mars, il est de ce fait le jeu du studio qui a atteint ce chiffre le plus rapidement de son histoire. Un joli score qui reste néanmoins à relativiser au vu de la suite, et ce, même si le premier trimestre 2024 enregistre un bon de 56,2 % des revenus pour Remedy (10,8 millions d’euros) par rapport à cette même période l’année précédente.
En effet, Alan Wake 2 ne serait toujours pas rentable si l’on en croit ce rapport qui indique que les ventes ont permis de rembourser une partie des frais de développement et de commercialisation. Ce qui veut tout et rien dire à la fois, puisque l’on ne sait combien a réellement coûté le jeu, même si le budget semble s’établir autour de 60 millions d’euros pour quatre ans de dur labeur, même si Epic Games a assumé la plupart des coûts liés au projet.
À titre d’information, sachez que Remedy accuse une perte de revenus s’élevant à 22,2 % sur l’entièreté de l’année 2023 (33,9 millions d’euros) par rapport à 2022 (43,6 millions d’euros). De même, et malgré des pertes qui se chiffrent en millions d’euros, le studio a vu ses coûts de développements ostensiblement augmenter avec l’accélération de projets tels que les remakes de Max Payne, ainsi que Control 2, et surtout Condor (le spin-off multijoueur de Control) qui est entré en phase de production. Pour Max Payne d’ailleurs, Rockstar a annoncé vouloir augmenter son soutien à l’entreprise finlandaise en injectant plus d’argent dans la production, afin d’alléger les finances de cette dernière.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce succès nuancé ?
Cela fait beaucoup de chiffres à enregistrer, mais pour en revenir à quelque chose de plus terre-à-terre, parlons de ce qui pourrait être les causes de ce succès en demi-teinte pour Alan Wake 2. On l’a dit, le titre n’a pas connu de sortie physique sous l’impulsion principale d’Epic Games, probablement pour amoindrir les coûts de distribution, sachant que le premier épisode de la licence avait peiné à dépasser le million de ventes. Certes, il s’est au total vendu près de 4,5 millions d’exemplaires, mais il aura fallu attendre 2015 et la sortie PC du jeu pour en arriver là.
Aussi, il faut rappeler que la licence a toujours eu du mal à trouver son public, tout comme la plupart des autres jeux du studio, alors que seule la saga Max Payne semble faire consensus au sein de la communauté de joueurs. C’est un fait, malgré de beaux résultats critiques, Control et Alan Wake 2 en tête, les titres expérimentaux sur bien des points de Remedy ne parlent pas au plus grand nombre. Quantum Break est aussi un bel exemple, car exclusivité Xbox One, fer de lance de la console même à un moment donné, il a eu beaucoup de mal à voir ses chiffres de ventes décoller.
Le genre horrifique souffre aussi de la publicité de AAA qui se sont bien plantés dernièrement, le remake de Dead Space ayant connu des ventes décevantes, alors que The Calisto Protocol s’est avéré très moyen et n’a pas connu une belle réussite commerciale. Seule la saga Resident Evil tire encore et toujours son épingle du jeu, mais on parle là de LA franchise qui a donné ses lettres de noblesse moderne au genre du survival-horror et arbore donc une aura tout autre que les titres susnommés. Cela nous rend d’autant plus curieux de voir comment sera accueilli le prochain remake de Silent Hill 2.
Par ailleurs, Alan Wake 2 souffre d’un manque de lisibilité par rapport à son positionnement. Jeu d’action horrifique narratif qui s’affiche comme un thriller psychologique non dénué d’un certain humour et de relents fantastiques, son principe reste encore aujourd’hui abscons pour le grand public. Et ceci est à mettre en parallèle avec une autre donnée qui nous paraît ô combien importante pour expliquer ce succès en demi-teinte, dont se félicite tout de même le studio finlandais, preuve que le jeu a enregistré les ventes (minimales ?) espérées.
On parle là des treize ans qui séparent les deux épisodes de cette saga. Si cette attente a été intégrée adroitement dans le lore du jeu, autant dire que des trombes d’eau ont coulé sous les ponts entre les deux sorties. Le remaster du premier opus sorti en 2021 a mis près de deux ans avant de rembourser ses différents frais et se montrer rentable, ce qui est un bon indicateur du niveau d’attente global autour de la franchise. Elle n’est et n’a jamais été porteuse, plus culte grâce à ses résultats critiques que financiers en d’autres termes.
Enfin, il faut aussi revenir sur l’aspect « tout dématérialisé » que nous avons déjà évoqué et son statut d’exclusivité. Il est clair que cela n’a pas joué en la faveur d’Alan Wake 2, car de nombreuses levées de boucliers et d’appels au boycott ont été lancés sur les forums et réseaux sociaux lors de la sortie. Si l’on parle en termes d’image, cela a desservi le jeu, Remedy et Epic Games ayant dû justifier ce parti pris à maintes reprises, et cela a clairement eu un impact sur les ventes de cette séquelle. Nombre de joueurs pensent aussi qu’une édition complète sortira en boîte lorsque les deux DLCs prévus seront disponibles, ce qui n’encourage pas à l’achat d’une version numérique sur laquelle il faudra en plus débourser quelques deniers supplémentaires pour jouir du contenu supplémentaire.
Sur PC, l’exclusivité liée à l’Epic Games Store n’a certainement pas aidé non plus, beaucoup de joueurs attendant au moins une sortie (probable) sur Steam des jeux avant de se laisser tenter, la faute à leur aversion pour le launcher et la politique « d’exclusivité » d’Epic. Certains restent d’ailleurs fidèles à Steam de ce fait, ne préférant pas non plus multiplier les lanceurs sur leur machine, préférant centraliser leur bibliothèque de jeux.
Voilà quelques pistes de réflexions qui peuvent expliquer pourquoi Alan Wake 2 peine à décoller au niveau de ses ventes, même si c’est très loin d’être catastrophique. Pourtant, de notre côté, nous ne pouvons que déplorer cela tant on a affaire à une véritable œuvre d’auteur comme on en voit peu à ce niveau de production, un titre intelligent et généreux qui mérite bien mieux. On espère malgré tout que plus de productions de ce genre verront le jour, même si on ne se fait pas trop de soucis du côté de Remedy en tout cas, puisque le studio ne semble pas vouloir mettre de côté ses principes et compte bien continuer d’étoffer son « Extended Universe ».
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