Le scandale Ubisoft commençait à peine à s’éteindre, avec la démission récente de Tommy François (enfin !) qui suit celles de Serge Hascoet et d’autres dirigeants il y a quelques jours, mais quand il s’agit de nous raconter des histoires cauchemardesques sur de mauvaises conditions de travail, l’industrie du jeu vidéo a plus d’un crunch dans son sac… Derniers acteurs en date à faire la triste actualité du secteur, l’équipe derrière Aeon Must Die!, l’un des titres présentés lors du State of Play de jeudi. On a ainsi découvert à l’occasion de cette présentation des accusations très graves portées par l’équipe de développement contre sa direction.
Salariés exploités, sous-payés, forcés au crunch sans se voir rémunérés pour leurs heures supplémentaires, locaux insalubres, dialogue impossible avec la direction, voire menaces… Des conditions de travail qui auraient poussé les équipes à purement et simplement quitter Limestone Games, le studio où est développé Aeon Must Die!.
Un départ massif qui n’aura pas empêché la direction du studio de produire le trailer qu’on a pu voir lors du State of Play, en volant éhontément le travail de ses ex-collaborateurs. En effet, parmi les nombreuses accusations portées à l’encontre de l’entreprise, on découvre que le PDG aurait discrètement retiré la propriété intellectuelle du titre à son véritable créateur, co-fondateur des studios et partie prenante de la « mutinerie ». Ces multiples accusations ne sont pas gratuites, et arrivent accompagnées d’un énorme dossier Dropbox contenant des preuves de ce qui est avancé.
Devant le scandale naissant, Focus Home Interactive, éditeur d’Aeon Must Die! et un temps muet sur l’affaire, a fait paraître un communiqué déclarant qu’il allait enquêter sur les accusations et prendre les mesures adaptées selon les conclusions de cette enquête.
Et Limestone n’est hélas pas le seul à faire l’actu sur le thème des conditions de travail, puisqu’au moment même où éclatait l’affaire Aeon Must Die!, Jason Schreier publiait sur Blooomberg un nouvel article relatant ce qu’il se passe actuellement chez Activision Blizzard.
Les employés de Blizzard se sont en effet réunis via Slack, un outil de travail collaboratif, pour discuter de manière globale de leur salaire, mettre en avant les différences entre les rémunérations chez Blizzard et chez la concurrence, qui paie parfois deux fois plus. Conséquence directe de cette politique salariale au rabais, Blizzard a des difficultés à conserver ses employés les plus compétents, ce qui complique particulièrement la tâche des développeurs moins expérimentés restants…
Pire, les salariés ont mis en avant une différence de traitement allant parfois du simple au double avec leurs propres collègues de la maison-mère d’Activision Blizzard en Californie. Tandis que le PDG du groupe, Bobby Kotick, s’est vu, lui, accorder un bonus de 40 millions de dollars l’an dernier.
Bien entendu, l’entreprise a répondu aux critiques en expliquant que les incertitudes économiques inhérentes au secteur étaient la cause principale de ces déséquilibres. On parle tout de même d’un des leaders mondiaux du secteur numéro un de l’industrie culturelle et du divertissement… Les incertitudes sont donc toutes relatives. D’autant que ces mêmes incertitudes permettent d’offrir des rémunérations et bonus particulièrement confortables aux dirigeants et actionnaires, au prétexte qu’ils « prendraient des risques ». Un système bien rodé, sur une base perdant-perdant pour la classe ouvrière.
Les syndicats sont inexistants dans le milieu du jeu vidéo aux États-Unis. L’embryon d’organisation des employés apparu chez Blizzard est quelque chose d’assez rare pour faire réagir la direction, mais on connaît plus Activision Blizzard pour sa capacité à « réduire les coûts » que pour ses qualités d’écoute… L’an dernier, la société s’était séparée de 800 salariés alors même qu’elle déclarait des résultats records…