La récente acquisition d’Activision Blizzard par Xbox Game Studios, et à moindre échelle de Bungie par Sony, démontre une chose : la réussite économique d’un studio, ou d’un éditeur, n’est en rien un gage de sa volonté de rester indépendant. Quand celui-ci y trouve son intérêt, qu’il s’agisse d’une assurance de projets futurs ou de bénéfices liés au rachat, rares sont les dirigeants à refuser. Dans ce contexte de création de conglomérats éditoriaux, la disparition potentielle du libre arbitre et de l’indépendance des studios, au profit des choix stratégiques de son acquéreur, peut faire peur. Pour mieux en saisir les enjeux, intéressons-nous à l’impact que l’acquisition d’un studio peut avoir, et à une voie alternative qui se dessine, quelque part entre le studio indépendant et les créateurs de jeux AAA.
Ces dernières années, l’industrie nous aura donné à voir des exemples divergents quant à l’influence qu’un éditeur peut avoir. Il y a de cela un an, Sony fermait Japan Studio, boîte chère à nos cœurs de joueurs, notamment connue pour la trilogie Ico/Shadow of the Colossus/The Last Guardian, Gravity Rush, Forbidden Siren, et qui a également co-produit BloodBorne et le remake de Demon’s Soul. La raison était probablement purement financière, mais le fait de pouvoir se détacher aussi facilement d’un studio avec autant de productions importantes à son actif interpellait forcément : Sony faisait le choix de se séparer de créateurs de renom, aux productions modestes dont les bénéfices étaient moindres, mais à l’influence indéniable dans le secteur.
La taille désormais titanesque des Xbox Game Studios laisserait à penser que ce genre d’événements pourraient se produire également de leur côté, et inquiète notamment la communauté des studios indépendants. Après tout, quand on possède autant de licences, on a facilement la possibilité d’en passer une qui pourrait déplaire sous silence, ou plus simplement de ne pas mettre en avant un jeu sur son store. Mais, à sa décharge, la jeune histoire de l’ « hyper-éditeur » a jusqu’ici démontré l’inverse.
Alors que la fin de la relation entre Nintendo et Rare a été houleuse, il tend pourtant à y avoir une synergie entre Microsoft et le studio. Ses productions, sans avoir l’envergure ou le succès (et la qualité… ?) de ses débuts, ont toujours été mises en avant sur les différentes générations de consoles Xbox. De la même façon, Obsidian (The Outer Worlds) et Double Fine (Psychonauts) ne semblent pas avoir été limités dans leurs dernières créations depuis qu’ils sont sous la tutelle de Microsoft. Au contraire, les propos de ces studios internes sont plutôt positifs, et le panel de jeux qu’ils proposent reste éclectique et débridé.
N’en reste pas moins que lorsqu’un studio devient la propriété d’un éditeur, on imagine que faire la critique de son acquéreur, ou juste préserver une ligne directrice propre, devient plus difficile. Aussi, il est rassurant de constater, à l’opposé de cette confirmation du leadership éditorial de la firme de Redmond, les récentes créations de studios plus humbles, qui laissent entrevoir un autre futur possible pour les créateurs.
Gardens, studio fondé par des développeurs ayant travaillé sur Journey, Edith Finch et Skyrim, annonce avoir pour but de « créer des jeux […] qui favorisent des moments multijoueurs significatifs et des relations entre les joueurs du monde entier ». Sur leur site, la présentation de leur studio appuie sur la création d’une culture responsable, respectueuse et bénéfique pour tous.
Avec Gardens, nous avons voulu créer un studio qui se soucie autant de la santé, du bonheur et du bien-être des membres de son équipe que de la qualité des jeux que nous créons ensemble. – Chris Bell, cofondateur du studio Gardens
Dans le même temps, les créateurs de la série Yakuza ont ouvert Nagoshi Studio, avec pour crédo une « atmosphère ouverte » pour permettre des créations les plus appréciables possibles.
De son côté, Jade Raymond, productrice de plusieurs Assassin’s Creed, Star Wars et Battlefront 2 Mass Effect Andromeda, s’est elle aussi récemment exprimée à propos de son studio, dont la création date de mars dernier : Haven Studios. Elle indique ainsi que la mission que se sont fixés les dirigeants est de faire la promotion de l’inclusion et de la bienveillance.
Ces studios n’en sont pour l’instant qu’à un stade embryonnaire, mais l’emphase mise sur le respect et le bien-être dans leurs objectifs et leurs communications, ainsi que l’expérience de leurs équipes, permet d’espérer que cela devienne la norme dans les processus de conception. Le soutien public qu’ils ont reçu des joueurs, mais également de certains grands éditeurs, montre que leur indépendance et les valeurs défendues par leurs créateurs, tant dans le type de jeu proposé que dans les conditions de travail, touchent le plus grand nombre.
Derrière l’effervescence des dernières acquisitions et créations du secteur vidéoludique, un message transparaît donc clairement : pour que le jeu vidéo (autant l’œuvre que l’entreprise) puisse rester un plaisir et un succès, il faut que tous ses acteurs, des concepteurs aux joueurs, puissent se retrouver dans les valeurs qu’il véhicule. Et c’est là une leçon que les « hyper-éditeurs » se doivent d’intégrer pour pouvoir rester pérennes, car c’est dans le respect des valeurs qui leur sont propres et de leur unicité que réside le futur des studios.
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