Des réactions contre-productives de la part des professionnels eux-mêmes.
Les autorités américaines considèrent donc que le responsable des tueries de masse de ces derniers jours est le jeu vidéo, et non pas la disponibilité immédiate d’armes à feu pour tout un chacun. Comme le furent en leur temps le rock (Marylin Manson fut accusé d’avoir inspiré la fusillade meurtrière de Columbine en 1999) ou le cinéma (Tueurs Nés, le film d’Oliver Stone, fut considéré responsable de bon nombre de crimes aux États-Unis).
Bien entendu, tous les coupables seront les bienvenus du point de vue du parti de Donald Trump, tant qu’on ne remet pas en cause la sacro-sainte loi ultra-libérale sur le port d’armes à feu. Et pendant qu’on débat de la question “est-ce que oui ou non le jeu vidéo transforme ceux qui le pratiquent en tueurs décérébrés ?” (spoiler : non), on n’évoque pas le vrai problème. Et l’industrie américaine du jeu vidéo elle-même n’est hélas pas étrangère à ce petit jeu.
Ainsi, suite aux tueries de masse, l’enseigne de supermarchés Walmart a décidé de supprimer toute mise en avant (PLV, écrans de démonstration…) de jeux vidéo qui pourraient comporter des scènes de violence, y compris les jeux de simulation de chasse ! Une décision qui va dans le sens du discours officiel qui impute aux jeux vidéo plutôt qu’aux armes à feu la responsabilité de la violence extrême qui règne dans le pays. D’ailleurs, aucune mesure particulière ne semble avoir été prise au rayon armes à feu. Car oui, on achète des flingues au supermarché, aux États-Unis, mais ça ne semble pas être le problème.
De son côté, la chaîne ESPN, propriété de Disney, à décidé de reporter un tournoi d’Apex Legends, qui allait être pour le première fois diffusé à la télévision. Là encore, avec une telle décision, la chaîne sous-entend qu’il y aurait bien un lien entre les tueries de masse et les jeux. Cependant, et de manière fort hypocrite, la diffusion du tournoi n’est que reportée, et se tiendra en octobre. Parce que provoquer un nouveau drame en octobre serait de meilleur goût, peut-être ? Car, si on annule la diffusion parce qu’elle représenterait un soi-disant danger, pourquoi ce danger serait-il moindre d’ici quelques semaines ?
On voit là le problème que pose ce débat. Difficile pour les industriels d’assumer ce genre de positions (auxquelles, de plus, ils ne croient probablement pas) et de renoncer à la manne que représente le jeu vidéo, première industrie mondiale du divertissement. Mais il leur est tout aussi compliqué de se priver des revenus importants représentés par les ventes d’armes, et surtout, il ne faudrait surtout pas qu’il se mettent à dos les nombreux partisans de NRA, tout-puissant lobby pro-armes. S’ensuivent des décisions débilitantes, uniquement orientées par le marketing et non plus par le bon sens.
Peut-être serait-il pourtant de la responsabilité des professionnels du secteur de se lever une fois pour toute et d’affirmer que non, les jeux vidéo n’ont jamais tué personne (si ce n’est les boss de fin de niveau). Ce point définitivement éclairci permettrait de recentrer le débat sur ce qui pose effectivement problème.
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— Reggie Fils-Aime (@Reggie) August 6, 2019