Il y a quelques années, la Wii marquait d’une certaine manière le gaming, le menant en partie à ce qu’il est aujourd’hui. Portée par un motion-gaming devenant populaire mais noyée dans une pléthore de titres gimmicks dont la qualité restreinte a fini par lui causer plus de tort que de reconnaissance, elle a su créer en son temps un parc de console hallucinant, développant le jeu vidéo tout public jusqu’alors inédit. C’est dans ce contexte qu’est né No More Heroes, un des rares titres tiers et matures à avoir fonctionné sur la console blanche de Nintendo.
Loin d’être exempt de défauts, son histoire originale menée par des personnages plus en couleur qu’un clown recouvert de guirlandes lumineuses de Noël et un gameplay assez fun (surtout grâce à ses attaques finales), le jeu s’est construit une fanbase solide et propulsa son créateur, Suda 51, au rang d’icône punk chez les game developpers.
Ce dernier revient aujourd’hui avec le héros qui lui a permis de toucher la grâce, dans un nouvel effort, blindé de nostalgie à destination d’une autre console proposant de la détection de mouvement. Seulement, l’alchimie va-t-elle prendre ? Travis Strikes Again: No More Heroes saura-t-il ravir aussi bien le fan de la première heure que le profane ? On tente de répondre à ces questions ci-dessous !
Tranche d’histoire
Pas besoin de plus qu’une petite cut-scene façon film d’action pour nous introduire aux personnages et à ce qui nous attend, et la vidéo en question, vous l’avez probablement déjà vue. Effectivement, il s’agit de ce trailer présenté à nous en septembre dans un Nintendo Direct. On y suit Bad Man, le père de l’assassin numéro 2 au classement des meilleurs de Santa Destroy dans les premières aventures de Travis Touchdown (le protagoniste de No More Heroes et de Travis Strikes Again: No More Heroes), parti se venger de l’otaku qui a pris la vie de sa fille. Cependant, alors que le fer se croise dans le foyer du héros, sa console s’anime et les plonge dans ses circuits, les sommant de terminer tout ses logiciels.
Oui le prémisse, c’est bien ça, une machine maudite qui plonge ses joueurs dans la télé comme dans une vieille pub… Un brin de déjà-vu non ? Eh bien, vous n’êtes pas sorti de l’auberge parce que Travis Strikes Again: No More Heroes nage dans un océan de références qui fleurent bon une période que les millenials ont à peine connue.
En effet, comme c’était le cas déjà dans No More Heroes, mélangeant les graphismes « modernes » (que pouvait proposer la Wii) à des musiques chiptunes et des logos en 8-bit pour tout et rien, ce soft ne se prive pas pour vous noyer lui aussi sous des clins d’œil nombreux à toutes l’industrie avec entre autres du Zelda, du Resident Evil ou même du Metal Gear et son codec quand entre les missions se débloquent les scènes pour déverrouiller le titre suivant qui accueillera votre passage… Mais c’est loin de s’arrêter à notre culture vidéoludique, bien au contraire, tout comme le trailer qui rappelle dans sa construction et son esthétique celui d’un film d’action, brassant des visuels à la Sin City et un style genre « insérez le nom d’un revenge-movie de votre choix », c’est à toute une époque que Suda 51 semble faire appel. Et on y retrouve tout !
Les jeux que notre protagoniste collectionne qui se trouvent dans d’énormes globes (parallèle à nos grosses cartouches d’antan), les références film nombreuses comme l’apparition de notre héros en mission ou les divers magazine qui se débloquent dont l’écriture et le style rappelle cette lutte des médias d’avant l’internet (et qui sont tout autant de prétextes de la part de Suda 51 pour nous délivrer des cheats, comme au bon vieux temps).
Puis tranche dans le lard
Un habillage, c’est très bien mais à moins que vous ne soyez consommateurs d’amiibo, il y a peu de chance que vous n’achetiez des choses que pour leurs boîtes… Si ? Pour l’aventure qui vous attend dans Travis Strikes Again: No More Heroes, c’est 7 softs qui vont devoir être complétés par Travis et Bad Man avant de voir le générique de fin pour environ 10 heures d’action en ligne droite.
Tous ces jeux proposent un univers différent lié par un tronc commun, l’aspect hack’n’slash visible dans les bandes-annonces. Ces phases sont d’ailleurs plutôt simples à prendre en main comme à accomplir. Un coup faible, un puissant, une esquive et la touche de saut forment votre palette de base. Ajoutez à ceci la recharge du sabre laser qui consiste à nouveau à se secouer le Joy-Con et vous y êtes, à vous de trancher votre passage dans ces masses informes d’ennemis.
Pas exactement, en vrai, puisque vous avez également la possibilité de trouver sur votre chemin parmi les nombreux objets à collectionner, des puces vous octroyant des compétences de combat ou de soutien. Charges, projectiles, soin ou malus dans une zone d’effet, à vous de créer la combinaison qui vous plaira en fonction de vos trouvailles.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul élément de customisation/optimisation mis à votre disposition puisqu’il vous est possible d’augmenter le niveau de votre personnage dans les menus en dépensant l’expérience acquise. En résultera une amélioration de votre jauge de vie et un boost en dégâts infligés. Toutefois, la difficulté n’étant pas spécialement corsée, vous pouvez tout aussi bien en venir à bout sans monter le niveau de votre héro.
Tout ce qui est expliqué ci-dessus est en fait la base de chacun des titres que vous allez traverser dans Travis Strikes Again: No More Heroes. Ce soft se divise en fait en 7 parties de gameplay distinctes (les 7 jeux évoqués plus haut) régies par des règles propres et se terminant par un boss. Ainsi, dans cette inception vidéoludique, vous pouvez vous trouver aussi bien dans un platfomer 2,5D que dans un autre dans un jeu de course, les 2 présentant des moments où swinguer votre batte où votre sabre laser.
Fondamentalement, Travis Strikes Again: No More Heroes est comme de nombreux hack’n’slash, plutôt répétitif, mais parvient à atténuer l’ennui en le dissolvant dans sa formule légèrement différente de la concurrence. Cependant, ça n’empêche pas certaines expériences au sein du jeu d’apparaître plus lourdes, tant et si bien qu’on aimerait pouvoir les sauter… Un évident manque d’équilibrage qui ne joue pas en la faveur du dernier Suda 51… Les combats de boss sont assez sympathiques en soi mais manquent aussi cruellement d’originalité, solides sans surprendre en bref.
Surplus de personnalité et crise d’identité
Là où Travis Strikes Again: No More Heroes se montre vraiment riche, c’est dans son amour, un amour purement généreux envers la scène indépendante. Au cours de votre aventure, vous ramasserez de nombreuses pièces. Cette monnaie ne vous servira qu’à customiser vos 2 avatars en leur offrant chacun des t-shirts aux couleurs des héros de jeux indépendants. Les logiciels représentés sont nombreux et variés si bien qu’il est difficile de ne pas avoir fait au moins 1/4 des softs présents en boutique.
Seulement, pour cet exemple-ci, on ne s’arrête que sur du visuel (et encore puisque les angles de caméra ne permettent même pas d’observer les t-shirts pendant votre partie), quelque chose qui n’apporte rien de tangible à vos parties et qui ne sert à rien de plus que de masturber les fans d’indépendants. Enfin, ça reste un défi intéressant pour les obsédés de collecte, qui auront également à trouver au sein de l’histoire des pièces planquées dans des recoins permettant de déverrouiller de nouveaux motifs. L’autre amour dont fait part le titre est un peu moins propre en revanche.
Oui, parce que s’il y en a un qui se fait du bien ici, c’est notre bon Suda 51. Revenons un peu en arrière, si la franchise No More Heroes a permis à notre homme de s’exprimer et de finalement gagner en notoriété grâce à son humour original, il est tout aussi connu que les titres qui ont suivi n’ont pas forcément été à la hauteur du succès « franc » de celui-ci. Le peu engagé ni engageant Lollipop Chainsaw, le plat et moribond Killer is Dead ou le tout bonnement grossier Shadow of the Damned… Si nous évoquons ce sujet, c’est tout simplement parce que Suda 51 le fait lui aussi.
Effectivement, le bougre ne se contente pas seulement de faire faire des caméos à ses personnages mais utilise Travis pour bonifier un peu plus ces apparitions en les noyant de commentaires élogieux du plus mauvais effet. De surcroît, Juvénile, développeuse star au sein du jeu et le portrait qui y en est fait semblent se confondre à mesure de la progression de nos protagonistes avec celle de l’auteur, se noyant tant et si bien que quand le scénario dévoile l’amour de cette femme envers les œuvres de Suda 51, on ne peut que difficilement penser à autre chose que l’amour qu’il a dû lui-même développer pour lui.
Difficile de soutenir une telle démarche, surtout dans un titre commercial créé dans le but éventuel de financer une suite…
Dans son ensemble, Travis Strikes Again: No More Heroes n’est pas un mauvais logiciel mais un curieux voyage. Il se présente comme un jeu d’action et une lettre d’amour à 2 époques, celle des vieux jeux et films, des productions soit illustres et pour d’autres bancales et celle de la scène indépendante, miroir d’une créativité décomplexée ou de copies nuancée. Seulement, au travers de nombreux clins d’œil et malgré le zèle et les commentaires irrévérencieux de notre héros, la mayonnaise ne prend que moyennement. Le gameplay est simpliste et redondant et uniquement sauvé par les petites différences qu’apporte le fait de changer de soft au sein du jeu.
On ne ressort de Travis Strikes Again: No More Heroes qu’avec une sensation mitigée, celle d’un jeu très moyen sauvé par quelques bonnes tranches de rigolade. Une chose qu’il fait très bien en revanche, c’est confirmer que Suda 51 n’est pas dans sa meilleure passe…