Avant The Limit, certains films annonçaient leur ambition dès le titre. Il en est ainsi de C’est Pas Parce Qu’on A Rien À Dire Qu’il Faut Fermer Sa Gueule, comédie obscure de 1975 qui était claire sur son propos ; attention Les Dégâts, avec Terence Hill et Bud Spencer avait écrit en gros sur l’affiche ce qu’on pouvait attendre de la qualité du métrage ; et Droit Dans Le Mur, de Pierre Richard (qu’on aime par ailleurs énormément), faisait montre d’une clairvoyance rare sur ses résultats au box-office.
Ainsi, The Limit, l’un des premiers films hollywoodiens (enfin, court-métrage – 20 minutes environ) en réalité virtuelle nous annonce qu’on n’ira peut-être pas beaucoup plus loin dans l’exercice.
The Limit, comme son nom l’indique.
The Limit, c’est l’histoire d’un personnage (cyborg, androïde ?) qui semble n’avoir que peu de souvenirs. Au début du film, il est à la table d’un bar – et donc nous aussi, puisque le film est tourné à la première personne – et tiré un peu à l’écart par une serveuse qui semble le reconnaître. Pas de chance, elle n’a pas été la seule, et s’engage alors une course poursuite sans temps mort qui s’achèvera devant le grand méchant de l’histoire pour une bagarre façon boss de fin.
C’est Michelle Rodriguez, qu’on ne présente plus, mais un peu tout de même en rappelant qu’elle était dans Avatar, Fast & Furious ou la série Lost, qui joue la serveuse et qui sera la partenaire du personnage principal pendant tout le film. Elle occupe donc l’écran 85% du temps (on n’a pas compté, c’est juste pour dire que c’est beaucoup). L’autre star n’est autre que Norman Reedus, qu’on a vu en Daryl, dans The Walking Dead, et qu’on en finit plus d’attendre dans Death Stranding. Question casting, c’est la qualité plutôt que la quantité donc, parce qu’à part quelques cascadeurs portant des masques mi-ninja, mi-Vénom, mi-luchador, ça s’arrête là niveau personnages.
Une gentille et un méchant, l’écriture ne sera donc pas le point fort du film, plutôt une sorte d’expérience mixte entre le film d’action américain et les différents projets VR autres que les jeux (des docus animaliers nous plaçant parmi les animaux, des vidéos offrant des points de vue – au sens littéral – sur certaines parties du monde, des visites de sites, de fonds marins, ou de musées…).
Robert Rodriguez est derrière la caméra. On lui doit dernièrement Alita : Battle Angel, l’adaptation ciné de Gunm, mais aussi Une Nuit en Enfer (From Dusk till Dawn, avec Tarantino et Clooney), Planet Terror, ce fameux film faussement Z ou une Rose Mc Gowan amputée porte une mitrailleuse en guise de prothèse de jambe. C’est d’ailleurs plutôt du côté de ce dernier qu’il faudra chercher les liens de parenté.
Le cinéma de Rodriguez est fait d’action et d’explosions, et, derrière notre casque VR, on va en prendre plein la vue. On sera poursuivi en voiture, on sautera dans le vide, on se fera tabasser et tirer dessus, l’expérience est assez fun et jouissive. Du cinéma d’action bourrin renforcé par le fait de nous placer au cœur de l’action.
[insérer ici une citation des Limites, la chanson de Julien Doré]
Plusieurs soucis se manifestent tout de même. Les échelles d’abord. Peut-être notre casque était-il mal calibré, mais tout a l’air disproportionné. La cinétose, ou cybercinétose, cette sensation de nausée provoquée par le truchement des sens est bien plus présente que dans les jeux. C’est ce qui arrive quand vos yeux et votre cerveau vous voient vous déplacer, mais vous êtes assis et votre oreille interne le sait. Les deux se disputent, et comme les enfants d’un couple au bord du divorce, c’est vous qui trinquez. Sauf qu’à la fin vous n’avez pas tous vos cadeaux en double, vous avez juste envie de vomir. L’adaptation pendant les premières scènes a été compliquée.
Et de toute façon, de manière générale, le cinéma n’est pas vraiment fait pour la réalité virtuelle. Le cinéma, c’est un point de vue, c’est guider le regard spectateur, ou au contraire, lui cacher volontairement des éléments. Au-delà de la mise en scène, ce sont des placements et des mouvements de caméra, des mises au point sur tel ou tel objet à l’écran… L’expression « focus sur… » est d’ailleurs passée dans le langage courant. La réalité virtuelle en est un peu l’antithèse : c’est la liberté pour le spectateur d’aller voir où bon lui semble : tourner la tête, baisser les yeux, regarder le ciel…
Et c’est là que The Limit trouve… ses limites, si on peut se permettre. En effet, impossible de voir ce qui se passe derrière, le tiers derrière le spectateur est noir, le champ est limité. Pas très grave, on est devant un film, est c’est bien l’action qu’il faut suivre. Mais tout de même… Et d’autre part, on subit parfois des mouvements de caméra forcés, absolument pas naturels en VR. En fait, avec ce choix de la vue subjective, on a l’impression d’être dans un jeu auquel on ne peut pas jouer…
Reste une expérience originale, mais peut-être pas à la hauteur de ses ambitions. Quelque part entre un cinéma 3D classique (et plus confortable) et une attraction foraine telle que celles qu’on peut trouver généralement sur les stores d’applications pour casques VR, le titre ne réussit pas vraiment à imposer un nouveau format de cinéma en réalité virtuelle. Ne boudons néanmoins pas notre plaisir de passer 20 minutes au plus près de Michelle Rodriguez, et de prendre deux ou trois belles droites (presque ressenties !) de Norman Reedus !
The Limit, de Robert Rodriguez, avec Michelle Rodriguez et Norman Reedus, disponible pour tous les supports VR sur Steam pour seulement 3,99€, et bientôt sur PSVR. Le film est accompagné de divers bonus, comme une version 2D de l’œuvre ou un making of, et de sous-titres notamment français. Toutes les infos sont à retrouver sur le site officiel du film.