Sorti fin 1992 sur Amiga, Zool était à l’époque l’un des jeux les plus impressionnants techniquement. Beau succès de son temps, le personnage est devenu brièvement une sorte de mascotte non officielle de l’Amiga, l’ordinateur de jeux phare des 90s. Il faut dire que le titre de Gremlin (qu’on connaît pour les Lotus Turbo Esprit Challenge, ou les portages des jeux de plateau Hero Quest et Space Crusade) avait l’ambition de devenir le Sonic de l’Amiga !
Au menu, de la plateforme à toute berzingue aux commandes d’un ninja de l’espace (que, allez savoir pourquoi, j’ai toujours pris pour une fourmi). Disponible sur Steam depuis quelques mois, le jeu vient d’arriver sur l’Epic Games Store. Presque trente ans plus tard, fallait-il ressortir Zool de la Nième dimension où on l’avait oublié ?
Un remake discret
Comme dans l’industrie de la musique, où les reprises sont l’assurance d’une popularité rapidement acquise et à peu de frais, les remasters et autres remakes qui fleurissent sur tous les supports semblent être un moyen rapide et facile d’écouler du soft avec peu d’investissement. En témoigne le remaster d’Uncharted 4, un jeu qui n’avait pourtant pas besoin de ce traitement.
Cette mode cupide nous rend systématiquement suspicieux : « allons bon, un nouveau remake/portage/remaster d’un jeu qui n’avait rien demandé. Voilà qu’on va encore essayer de nous faire racheter un jeu qu’on a déjà payé trois fois… ». D’autant plus quand on voit les premières captures d’écran de Zool Redimensioned, le remaster du jeu de plateforme des 90s.
En effet, les visuel criards et pixelisés n’ont pas tellement l’air d’avoir été mis au goût du jour. Et pourtant ! Il faut remettre les pads sur la version originale pour voir comment le jeu a été retouché afin de correspondre un peu plus aux standards de l’époque. Jeu de plateforme à défilement horizontal, Zool n’était pas le titre le plus facile à prendre en main. Son ambition d’être une alternative à Sonic ailleurs que sur les consoles SEGA donne au jeu et au personnage une vitesse qui les rend un peu plus coton à contrôler que la moyenne des 2D platformers classiques.
Ce Zool Redimensionned propose deux façons d’être appréhendé, ainsi qu’une version originale émulant le jeu Mega Drive. Pourquoi n’est-ce pas la version Amiga, qui peut être considérée comme l’expérience originale, qui est proposée ? On ne le saura pas. Le menu nous offre donc le choix entre deux modes de jeu : Redimensioned ou Ultimate Ninja. Si le second mode se rapproche d’une expérience d’époque améliorée, le premier offre des facilités comme les doubles sauts et permet d’atteindre la fin du niveau sans condition (dans le jeu original comme dans le mode Ultimate Ninja, il faut ramasser un nombre minimum d’objets pour que la sortie s’ouvre).
En plus de ces choix de gameplay, il est possible d’activer ou non un filtre (bien fichu) qui donne aux visuels du jeu des allures d’écran CRT. Graphiquement, le jeu n’a pas énormément changé, et on est loin des standards de remake à la Dotemu. Le jeu reste tout en pixels, et, il faut le dire, d’assez mauvais goût ; rien n’a été relooké. Les critiques de l’époque avaient été emballés par les graphismes colorés du jeu, mais ceux-ci ont mal vieilli, toute considération technique mise de côté.
Le verre à moitié plein
Mais alors, si le gameplay est d’époque, et que graphiquement, ça n’a quasiment pas bougé, on peut se demander ce qui justifie l’appellation « remaster ». C’est un boulot plus discret, qui vise en fait à rendre le jeu d’hier accessible aux joueurs d’aujourd’hui. Cela signifie compatible avec le matériel actuel, mais aussi avec le gameplay moderne. Et le projet n’est alors qu’à moitié réussi.
Graphiquement, le jeu bénéficie d’un affichage plein écran, et d’un cadrage « grand angle ». La caméra a pris un peu de recul par rapport au jeu original, et si les sprites sont, du coup, plus petits, on y gagne en visibilité. On a en effet un aperçu plus large des niveaux, et on peut mieux anticiper ses mouvements. Ce qui n’est pas du luxe quand on pense que Zool est un jeu qui se veut ultra rapide. Tant et si bien que même à l’époque de sa sortie sur Amiga, le jeu proposait un mode de jeu légèrement ralenti, conscient de sa difficulté.
De même, il était déjà possible de supprimer l’inertie du personnage (le fait que sa course continue quelques fractions de seconde après qu’on a lâché le pad pour s’arrêter), qui rendait les contrôles parfois hasardeux. Une personnalisation du gameplay qui avait des airs d’aveux d’échecs, surtout en comparaison avec la prise en main impeccable d’un Sonic, sorti un an et demi avant. La créature était rapide, mais un peu incontrôlable. Un souci qui se répète vingt ans plus tard.
Force est de constater qu’en version Redimensioned, le jeu est bien trop facile, tandis qu’en version Ultimate Ninja, il est au contraire plutôt frustrant. Les nouveaux platformers, précis au pixel près, façon Super Meat Boy, sont passés par là. La version Mega Drive n’est elle présente qu’à des fins d’illustration (même si jouable entièrement), et il n’est pas possible de passer d’une version néo à une version rétro d’un clic de gâchette, comme c’était le cas avec les remakes de Wonder Boy ou plus récemment Alex Kidd.
Matériau d’étude
Ce remaster s’adresse peut-être alors au public restreint constitué des curieux de l’évolution du média. Gros succès de son époque, Zool fut une fulgurance, aussi vite oublié qu’il était apparu (après tout, c’est un ninja !). Le ramener sur les machines actuelles (les PC, pour le moment), c’est aussi rendre un bout d’histoire aux joueurs.
Dans ce cadre, le jeu est plutôt bien foutu. La présence des modes Redimensioned et Ultimate Ninja nous permet d’apprécier assez exactement ce qui rendait le jeu difficile à l’époque, et en quoi cette difficulté, bien que potentiellement frustrante, était aussi le sel du jeu.
La présence en émulation du jeu « dans son jus » est aussi un témoignage de la condition du titre dans les années 90. C’est une pièce extrêmement intéressante pour un aspirant « archéologue du jeu vidéo » (aspirant seulement, un véritable archéologue aura encore son Amiga 500 et ses disquettes de Zool en big box !). Cependant, et si c’est là la destination du jeu, il manque alors de bonus, comme un scan de la boîte et de la notice d’origine, des documents sur la création du jeu, d’autant que les créateurs du jeu original sont de la partie, et qu’ils ont supervisé le travail sur ce remaster.
Hélas, ce retour de Zool semble ne faire les choses qu’à moitié. Si les jeux de l’ère 16 bits ont la réputation d’avoir été bien plus difficiles que les titres contemporains, les Super Meat Boy, Celeste, ou Hollow Knight sont passés par là. Difficile pour un jeu vieux de trente ans de tenir la comparaison. Ce n’est donc pas complètement pour l’expérience de jeu qu’on se plongera dans les aventures du ninja de la Nième dimension. Comme objet historique alors, peut-être ? Il est vrai que le travail de remasterisation permet de (re)découvrir le jeu dans les meilleures conditions possibles sans s’éloigner trop du jeu d’origine.
On aurait pourtant aimé un travail d’éditorialisation qui aille un peu plus loin qu’une ROM à faire tourner sous émulateur. À noter que le jeu de 1992 est inclus au line up de l’Amiga 500 mini, qui sort ce 31 mars prochain.