Il y a quelques années, nous étions encore dans l’expectative, attendant de voir ce que le jeu vidéo chinois allait pouvoir proposer à l’occident maintenant que ses acteurs s’offrent les moyens de leurs aspirations. Ses figures de proues, Genshin Impact pour le côté multijoueur et Black Myth: Wukong pour les expériences solo ont désormais ouvert la voie à une floppée d’autres titres à l’instar de Where Winds Meet, un titre à l’ambition démesurée qui vient de débarquer sur PS5 et PC ce 14 novembre dernier.
Le titre d’Everstone Studios était d’ailleurs particulièrement attendu au tournant, avec plus de dix millions de pré-inscriptions la veille de sa sortie, deux millions de téléchargements à son lancement et un pic de joueur stabilisé à environ 250 000 depuis sa sortie, soit un solide top cinq derrière Battlefield 6, Arc Raiders et les indétrônables DOTA 2 et Counter-Strike 2.
Bien sûr, son statut de jeu free-to-play aide à maximiser ces chiffres, les curieux ayant entendu parler du jeu pouvant s’y essayer sans frais. Pourtant, et contrairement aux habituels jeux empruntant ce modèle économique, Where Winds Meet se présente aussi comme une expérience solo à même de convaincre les plus réfractaires aux contacts humains vidéoludiques. Et tout ça gratuitement. N’est-ce pas trop beau pour être vrai ? Where Winds Meet représente-t-il l’expérience ultime entre solo et multijoueur qu’on espérait sans trop y compter ?
(Test de Where Winds Meet sur PS5 réalisé à partir d’une version commerciale du jeu)
Meuporg en solitaire
Lors de ses premières présentations, nous étions déjà enthousiastes, impatients de mettre nos mains sur cette aventure. Malgré tout, presque jusqu’au dernier moment, nous n’avions pas compris que le titre est un free-to-play. Autant dire que lorsque nous l’avons appris, c’est la déception et la crainte qui nous ont envahi, redoutant que la quête de notre avatar, créé pour l’occasion, pâtirait de l’orientation multijoueur et du modèle économique du titre. C’est donc avec un mélange d’appréhension, mais aussi de curiosité, que nous nous sommes lancés dans l’aventure.
Et dès les premières minutes, nous avons été conquis par la direction artistique de l’œuvre. Les panoramas offerts sont somptueux et bénéficient de jeux de lumière particulièrement réussis. On se met donc rapidement à explorer l’immense monde ouvert, gambadant de point d’intérêt en point d’intérêt en en prenant plein les mirettes. Il nous est d’ailleurs plusieurs fois arrivé de poser simplement la manette pour admirer les décors du jeu, observant par la même le cycle jour-nuit et la météo dynamique du jeu.
Globalement d’ailleurs, la découverte des premières régions de Where Winds Meet s’est révélée étonnamment excellente. On entrevoit, au fil des heures, la richesse impressionnante du titre. L’ensemble se présente comme un beat’em up classique, à la Ghost of Tsushima/Yotei. On tape, on esquive, on contre tout en utilisant des techniques, déblocables via un arbre de compétences, afin de tataner les ennemis. Pour autant, ce n’est finalement pas vraiment le cœur du jeu. Bien sûr, on est régulièrement amené à nous battre contre des soldats ou animaux sauvages, mais on passe plus de temps à faire des activités et à explorer l’immensité du monde.
Et c’est bien là que se révèle toute la folie du titre. On découvre de nouvelles choses à faire toutes les heures. Un coup on se retrouve face à un jeu de carte pour soigner les maladies de PNJ, puis on trouve une grotte planquée à flanc de falaise où y résoudre une énigme environnementale. Sitôt sorti, on découvre des lucioles ou collectibles importants pour notre évolution. On aperçoit alors un minou nous intimant de résoudre un puzzle ou de participer à une course… et ainsi de suite. Cela ne s’arrête jamais et il faut admettre que l’ensemble est réussi, on ne s’ennui ni ne se lasse jamais vraiment.
Imaginez-donc, après plus de vingt heures, nous découvrions encore de nouvelles activités inédites. On a toujours quelque chose à faire, un point à atteindre pour y faire un truc quelconque ou flâner en quête de surprises éventuelles. Surtout que de nombreuses quêtes annexes sont à découvrir, soit au fil de nos pérégrinations, un peu à la Red Dead Redemption 2 (toutes proportions gardées) avec des rencontres inopinées ou avec des scénarios annexes qui n’en ont que le nom.
En effet, plusieurs fois, nous avons été pris dans des suites de quêtes très travaillées, tant dans leurs dialogues que dans leurs contenus, avec parfois des boss assez exceptionnels. Where Winds Meet nous offre tellement que nous avons souvent oublié qu’il s’agissait d’un free-to-play. Surtout que son modèle économique semble uniquement se reposer (à date du moins) sur des éléments cosmétiques. On se demande même comment une telle anomalie est possible. Comment Everstone Studios pourrait-il entrer dans ses frais avec une expérience gratuite aussi riche et massive (nous avons passé plus d’une trentaine d’heures de jeu avant d’atteindre la limite actuelle du scénario dont la suite sera disponible dans les prochain jours) en ne vendant que des tenues et éléments cosmétiques ?
Toujours pas fini
Ce n’était pas gagné, les mondes ouverts à points d’intérêt n’étant plus notre truc depuis bien longtemps, mais nous avons pourtant été happés par l’univers de Where Winds Meet. Pour autant, au fil des heures, cette idylle s’est peu à peu étiolée et, hélas, chacun des points forts du titre souffre de faiblesses majeures assez inexplicables. Par exemple, on a souligné les incroyables panoramas et la richesse visuelle du titre. Quel dommage que cet aspect soit gâché par certaines textures très laides, dignes de plusieurs générations en arrière, et par un cliping assez honteux, avec des textures ou PNJ apparaissant régulièrement à quelques mètres (voire moins) de notre personnage.
Idem sur les (très) nombreuses activités disponibles. Une telle variété est plaisante, mais encore faudrait-il que le jeu nous explique correctement (quand cela nous est expliqué) comment y jouer. On pense notamment au mini-jeu du débat oratoire, assez obscur, ou aux échecs chinois. C’est là tout le problème du titre. Where Winds Meet nous abonde de systèmes à tout va, mais c’est parfois trop, et surtout beaucoup trop mal amené.
Pour prendre un autre exemple assez révélateur, lorsque l’on chute d’une hauteur importante, notre avatar peut se retrouver blessé, restreignant alors nos mouvements. Une bonne idée sur le papier, mais comment se soigner alors ? Aller à une clinique croisée quinze heures auparavant ? Raté, ladite clinique ne soigne pas les fractures. Il faut finalement pour cela se connecter en ligne et demander à un autre joueur, ayant les capacités idoines, de nous soigner en échange de quelques « likes ». Et évidemment, tout cela n’est jamais clairement expliqué (merci les tutos sur internet).
On pourrait dire qu’on s’est fait assommer par le jeu et ses innombrables possibilités. Quand on n’est pas un habitué des jeux en ligne, il nous manque fatalement les réflexes et bonnes pratiques qu’aura un habitué du genre. Plus d’une fois nous nous sommes perdus dans les menus, à essayer de comprendre quoi faire, où le faire et comment le faire. Maintenant encore, après plusieurs dizaines d’heures de jeu et la partie solo achevée, on sent qu’on n’a pas utilisé la moitié des possibilités offertes par le jeu.
Et au-delà de mécaniques bien trop nombreuses pour le bien de l’expérience, il nous faut pointer du doigt l’interface immonde de Where Winds Meet. Il y en a partout et rien n’est instinctif, ça en finit par devenir insupportable. On a beau s’immerger dans cet univers mystérieux et fascinant, il suffit d’ouvrir les options pour directement sortir de notre béatitude. Plus qu’un zéro pointé, c’est un boulet que va se trainer le titre durant toute sa durée de vie, excluant les joueurs les moins tolérants.
Where Winds Meet demande donc un grand investissement pour être apprivoisé. Il ne faut pas hésiter à glaner les informations où elles sont (et souvent en dehors du titre, hélas) pour en appréhender le potentiel. Une patience que nous n’avions pas, force est de le reconnaitre. Heureusement donc qu’il ne soit pas nécessaire de tout maîtriser pour pouvoir avancer, le challenge global étant raisonnable (et assujettie à différents modes de difficulté). Mais qu’est ce que c’est frustrant de voir un tel fond pourri par une forme déplorable.
IA rien à voir
Redisons-le, car c’est probablement l’un des points qui nous a le plus impressionné, mais les quêtes annexes sont particulièrement réussies, qu’il s’agisse des idées de mise en scène ou même simplement des thèmes évoqués. On aurait d’ailleurs aimé que la quête principale soit du même acabit. Le pitch est pourtant intéressant sur le papier. Une quête d’identité, un passé trouble et un artefact mystérieux en notre possession, rien que du très classique, mais nul besoin d’innover pour réussir.
D’autant que le contexte de l’intrigue, cette Chine du dixième siècle et ses légendes ont de quoi attiser la curiosité. On y découvre des personnages haut en couleurs, de l’humour même parfois, et quelques événements inattendus lors des moments les plus puissants de l’intrigue. Mais encore une fois, c’est dans les finitions que le bât blesse, avec régulièrement des dialogues qui frisent le stupide (quand ils ne tirent pas en longueur pour rien) et une traduction peu flatteuse, parfois boguée même, qu’on soupçonne être réalisée par une IA. De quoi rapidement faire perdre le fil de l’histoire.
Voilà qui gâche (encore) les excellentes intentions des développeurs avec, notamment, des choix à effectuer qui impactent directement le déroulé de certains scénarios. Et si du côté de l’intrigue principale, le recul nous manque pour appréhender notre réelle influence sur les événements, elle s’est bien ressentie dans le développement des scénarios annexes.
D’ailleurs, puisqu’on a abordé le sujet de l’IA générative, il est à noter que Where Winds Meet offre la possibilité d’interagir, via un chat textuel, avec divers PNJ afin de se lier d’amitié avec eux. Une caractéristique à la fois intrigante et dérangeante. Et si on s’est amusé quelques minutes à tester les limites du concept, et au-delà de son côté perturbant, on s’interroge toujours sur la pertinence ludique du délire.
Where Winds Meet est à la fois une expérience réussie et ratée, un paradoxe qui s’explique par ses exceptionnelles réussites, gâchées par d’immenses problèmes. Sa direction artistique est remarquable et le titre nous propose une richesse visuelle et ludique impressionnante, comme aucun jeu ou presque ne le propose. Il y a des activités variées à la pelle, un système de combat solide et personnalisable et un contenu gargantuesque à éprouver. Un buffet à volonté où se régaler en solo comme en multijoueur pendant des dizaines voire centaines d’heures sans débourser un centime, pour peu qu’on accroche à la proposition.
Car à côté de ses indéniables qualités, Where Winds Meet pèche gravement dans ses finitions. Des problèmes techniques en pagaille, une interface utilisateur à vomir, des concepts mal voire pas expliqués ou un recours à l’IA générative rarement heureux, on ne compte plus les moments où nous avons été violemment sortis de cet univers pourtant fascinant et immersif.
Reste qu’il faut saluer la générosité du titre. Une générosité telle qu’on se demande comment le studio pourra rentrer dans ses frais, surtout en ne proposant que du cosmétique à la vente. Et si Where Winds Meet n’est sans doute pas encore le free-to-play solo que nous espérions (même si quelques mises à jour pertinentes pourraient relever le niveau) il reste néanmoins une expérience plaisante qui pourrait rassasier, un temps du moins, le joueur en quête d’un nouvel univers à découvrir.


