Débutée en 1999 sur la première PlayStation, la licence Valkyrie Profile est aujourd’hui encore reconnue comme un pilier de cet âge d’or du J-RPG. Bien que considérée par beaucoup comme l’un de ses meilleurs représentants dans l’histoire vidéoludique, la licence n’a pas réussi à s’épanouir comme elle l’aurait mérité. Si l’on excepte le portage du premier opus sur PSP, seuls un second épisode sur PS2, Silmeria, un autre, Covenant of the Plume, en mode Tactical RPG sur DS, et un épisode mobile, Anatomia, qui n’a pas su trouver son public, ont été publiés en près de 23 ans. Alors, quelle ne fut pas notre surprise en découvrant lors du State of Play de mars dernier la bande-annonce de Valkyrie Elysium dont le nom déposé quelques semaines plus tôt par Square Enix nous avait déjà émoustillés.
Le retour de ce jeu, qui a été développé par le studio Soleil, s’annonçait dès lors compliqué, car passé la surprise du retour de la saga, c’est plutôt la stupéfaction qui nous gagna face aux choix opérés par le studio. Mais qui sait, parfois, s’écarter du matériau d’origine est le meilleur moyen d’offrir un second souffle à une suite… mais parfois seulement. Accrochez-vous, ça va être salé.
(Test de Valkyrie Elysium sur PS5 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
De la PS2 à la PS5, il n’y a qu’un pas
Inutile de passer par quatre chemins. Dès nos premiers instants sur Valkyrie Elysium, on comprend qu’un massacre oculaire va s’opérer. Techniquement, le jeu est indigne d’une console de la précédente génération. Les environnements sont tristement vides et on y découvre en quelques minutes seulement des dizaines d’éléments se répétant afin de former des décors ternes et insipides au possible.
Une faiblesse absolue qui ne peut même pas compter sur une direction artistique attrayante pour cacher la misère. Presque tous les aspects du jeu sont indignes de la licence qu’ils représentent. Quand on repense à Valkyrie Profile Lenneth ou Silmeria, on se souvient d’héroïnes particulièrement bien écrites et attachantes, dont les motivations sont claires et cohérentes de bout en bout.
Dans Valkyrie Elysium, notre avatar n’est qu’une coquille vide. Tellement vide que tout le monde ne l’appelle que par sa fonction, valkyrie, telle une soldate anonyme et remplaçable au pied levé. Pas vraiment de quoi nous aider à nous identifier à la guerrière et encore moins à sa quête tout aussi creuse. Notre valkyrie dispose d’autant de personnalité qu’un PNJ lambda de n’importe quel jeu vidéo tout aussi lambda.
Ainsi, on se retrouve à explorer les différents lieux afin de sauver le monde de sa destruction. Pourquoi ? Comment ? Nous avons bien vite fait le deuil de réponses claires ou intéressantes à ces questions pourtant basiques et les enjeux resteront jusqu’au bout aussi flous que le visage de notre protagoniste. Odin parle, on obéit, rien de plus, rien de moins.
Heureusement, pour rehausser quelque peu le niveau, nous faisons rapidement la connaissance de l’antagoniste Hilde qui a bénéficié d’un soin certain, que ce soit en termes d’écriture ou de pixel. À tel point que l’on aurait clairement préféré l’incarner dans une histoire où, en tant que valkyrie dissidente, nous nous serions opposés à Odin et sa championne. Une perspective bien plus réjouissante que ce que nous avons dû subir pendant la vingtaine d’heures qu’il nous a fallu pour voir le bout de Valkyrie Elysium.
L’un des autres aspects particulièrement réussis de la licence, c’était bien évidemment le recrutement des Enherjärs, ces guerriers enrôlés par les valkyries pour combattre durant le Ragnarök. Alors que dans les opus historiques de la saga, ces instants, centraux dans leurs intrigues, abordaient avec beaucoup de justesse des thèmes tels que le deuil ou le pardon via des dizaines de personnages, ici, on est bien loin du compte.
Quelle tristesse quand on parvient, après avoir cherché dans un environnement des boules de lumière, à recruter notre premier allié et découvrir qu’il n’est qu’un archétype bateau, sans grande saveur et sans véritablement d’âme. Quel comble ! Voilà que sa vie est balayée en quelques lignes de dialogues sans grand intérêt et que l’on passe directement à autre chose; car après tout, le monde à sauver n’attend pas… enfin, s’il reste quelque chose à sauver.
Combattre l’ennui en combattant… avec ennui
Ce qui a aussi fait la force de la licence par le passé, c’est bien évidemment son système de combat unique et particulièrement jouissif à expérimenter. Alors, pourquoi conserver un concept qui fonctionne si bien ? Cela semble tellement mieux de tout reprendre à zéro afin de proposer un système de combat classique au possible pour, on l’imagine, essayer de plaire au plus grand nombre sans leur faire peur avec des mécaniques inhabituelles.
Classique, certes, mais au final pas si mauvais. Les combos s’enchaînent agréablement et invoquer nos enherjärs pour occire monstres et boss se révèle assez divertissant. L’ensemble est suffisamment dynamique, notamment grâce au grappin nous permettant de virevolter d’adversaire en adversaire, pour nous garder à peu près impliqués dans l’aventure.
Dommage finalement qu’après quelques chapitres, la lassitude se fasse de plus en plus présente, la faute principalement à une linéarité dans l’exploration omniprésente et à un nombre ridiculement pauvre du bestiaire qui use et abuse de color-swap n’arrivant même pas à nous faire changer d’approche dans les affrontements de Valkyrie Elysium.
C’est d’autant plus vrai que la caméra aura été dans quasiment tous les niveaux notre pire ennemi. Quand elle ne se fourre pas derrière un arbre, elle est obstruée par les effets lumineux des attaques adverses ou par nos propres sorts. Combien de fois n’avons-nous pas pesté devant des attaques contre lesquelles nous ne pouvions rien faire à cause de ces moments d’aveuglement frustrants, ou pire, à cause de bugs nous bloquant complètement pendant parfois de longues secondes.
Inutile aussi de chercher de la variété dans les armes, les différents archétypes étant très limités. Pire encore, la plupart ont exactement les mêmes attaques et statistiques, la différence n’étant presque qu’exclusivement cosmétique. Quant aux enherjärs, bien qu’il soit agréable de combattre à leurs côtés, ils sont tellement peu nombreux qu’ils n’arrivent même pas à couvrir tous les éléments du jeu.
Et finalement, une fois que l’on a passé les premiers chapitres et compris comment prendre en main les différents systèmes de jeu, invocations, sorts et combos, nous nous sommes retrouvés à simplement avancer dans des environnements insipides, remplis de monstres peu inspirés à combattre toujours de la même manière tout en cherchant des trésors et collectibles sans grand intérêt jusqu’à un boss plus ou moins charismatique… l’exact inverse de ce l’on était en droit d’espérer de ce Valkyrie Elysium.
Le manque de moyens n’explique ni ne justifie pas tout. On est face à un titre qui ne fait aucun effort pour respecter le matériau d’origine ou même simplement les joueurs. Il n’y a presque rien à sauver dans ce Valkyrie Elysium et un tel jeu est presque une insulte aux fans d’une licence aussi qualitative que Valkyrie Profile.
L’héroïne, les personnages, les décors, l’histoire, le bestiaire… tout ou presque est raté. Il n’y a qu’à voir la désynchronisation labiale des personnages, une des pires qu’il nous ait été donné de voir sur ces quinze dernières années, pour se rendre compte qu’il a manqué plusieurs années de développement à Valkyrie Elysium pour éventuellement réussir à ne pas trop faire boiter cette suite.
Seule Hilde arrive à peu près, pour le peu qu’on la voit, à s’extirper de la médiocrité ambiante. Même les quelques clins d’œil aux anciens opus ont eu du mal à nous sortir de notre léthargie, manette en main. On ne saurait donc que trop vous conseiller de passer votre chemin afin de conserver intact l’aura mythique de cette licence d’exception et de plutôt conserver vos deniers pour le portage de Valkyrie Profile à paraître le 22 décembre prochain.