Depuis quelques années et la percée dans le cœur des joueurs d’une formule sublimée par FromSoftware, le Souls-like a le vent en poupe. Tellement qu’il ne se passe plus un mois ou presque sans qu’un studio ne tente de prendre à son compte certaines mécaniques du genre, avec plus ou moins de succès. OverBorder Studio, accompagné par son éditeur Team 17, est de ceux-là et nous propose aujourd’hui son interprétation du genre : Thymesia.
Le petit studio taiwanais signe là un premier jeu qui avait su se faire remarquer lors de sa révélation en mars 2021. Mais, avec des moyens alloués bien plus restreints qu’un titre comme Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin, déjà pas très financé et passé complètement inaperçu en début d’année, Thymesia a-t-il suffisamment d’attrait pour un public de plus en plus exigeant envers ces productions ou doit-il au contraire être fui comme la peste ?
(Test de Thymesia PS5 réalisé via une copie fournie par l’éditeur)
Souls-like ou Souls-light ?
Ce n’était sans doute pas l’intention des équipes de développement, mais notre entrée en matière dans l’univers de Thymesia a eu des airs de Bloodborne, toutes proportions gardées. On découvre les mécaniques de gameplay, on se prend quelques gifles bien senties puis, après avoir bravé nos premiers défis, on se retrouve face à un gros mur, comme avait pu l’être le Père Gascoigne en son temps. Une montagne à gravir qui met durement à l’épreuve notre approche des affrontements, et notre patience.
Qu’à cela ne tienne. On s’accroche, on apprend, on rage aussi et, quand on finit enfin par triompher, on se demande le nombre de roustes que va nous infliger la suite de l’aventure. Un premier cap à franchir qui demande donc beaucoup de résilience, et risque de laisser sur le carreau pas mal de joueurs ayant voulu tenter l’expérience, pestant contre un ennemi bien trop fort pour nos faibles acquis.
Alors évidemment, il n’est jamais très agréable de périr encore et encore face à un ennemi redoutable, mais ces nombreuses déroutes ont le mérite de nous forcer à assimiler et employer à bon escient tous les systèmes de jeu. Et bien que les approches soient assez peu variées, elles restent suffisamment intéressantes pour qu’une bouffée d’adrénaline jaillisse à chaque fois qu’un adversaire puissant s’avance.
En s’inspirant très largement du travail de FromSoftware, notamment sur Sekiro: Shadows Die Twice, Thymesia ne réinvente pas la roue. Mais grâce à un excellent travail sur les patern des monstres et boss, effectuer le moindre contre, l’élément central du jeu, devient un véritable plaisir. Dans les faits, le jeu met constamment à l’épreuve notre sens du timing, que ce soit via les contres, l’esquive ou l’utilisation d’attaques spéciales puissantes, mais nous rendant particulièrement vulnérables. Ces armes pestiférées, à voler aux différents ennemis et boss du jeu, permettent d’ailleurs d’ajouter un peu de variété à notre arsenal.
Une palette à notre disposition qui devra être utilisée harmonieusement tout au long de l’aventure. C’est aussi là que se trouve la force du titre d’OverBorder Studios. Chaque élément a sa propre utilité, sans qu’aucune ne soit plus indispensable qu’une autre. Le contre et notre épée permettent d’infliger des dégâts à l’armure des ennemis, l’esquive peut offrir différents boost et permettre une contre offensive, les griffes infligent des dégâts aux points de vie de l’adversaire afin qu’il ne récupère pas son armure, etc. Et si la plupart des ennemis lambda peuvent être défaits sans réfléchir, les plus coriaces d’entre eux devront être abordés avec beaucoup plus de finesse.
Globalement, chaque élément de jeu est sobre. Chaque rouage remplit sa propre fonction. Tout est simple et efficace. Même les différents arbres de compétences ou la personnalisation de nos potions reste très facile d’accès. En résulte une expérience très plaisante de bout en bout, mais laissant un sentiment de « déjà-joué » en plus poussé ailleurs.
Un jeu qui manque de tout
Et pour cause. Si le gameplay de Thymesia arrive à peu près à camoufler le manque de moyens, ce n’est clairement pas le cas de la technique. Dès les premières minutes, on sent que l’on se trouve face à un jeu à petit budget. La direction artistique a beau être plutôt réussie, on se heurte vite à de nombreux soucis techniques. Même si nous laissons de côté les textures disgracieuses, un bon jeu n’ayant pas forcément besoin d’être beau pour être bon, ou l’impression de flotter sur le sol que nous laisse Corvus, il est plus difficile d’accepter pleinement un clipping aussi omniprésent et une fluidité pas toujours optimale.
D’autant que les environnements, déjà très peu nombreux, sont d’une taille et d’une complexité plutôt modeste. Alors certes, lors des quelques quêtes secondaires présentes, nous sommes amenés à revisiter différemment la petite poignée de niveaux proposée. Néanmoins, cela ne suffit pas pour faire illusion et on arrive à la conclusion d’une intrigue aux airs de prétexte beaucoup plus tôt que nous l’aurions espéré.
Thymesia est un jeu qui manque de tout. En raison d’un nombre de niveaux rachitiques, un bestiaire qui peine à se renouveler et opte pour la solution de facilité avec plusieurs variantes d’un même archétype et un nombre de boss se comptant sur les doigts d’une main, difficile de sortir véritablement satisfait de l’aventure.
Même du côté de la mise en scène, la priorité est à l’économie. Vous pouvez oublier le doublage ou les présentations travaillées de boss charismatiques. C’est d’autant plus dommage que les musiques accompagnant leur affrontement sont vraiment de qualité. De manière générale même, les mélodies et le design sonore de Thymesia sont très réussis.
D’ailleurs, en soi, aucun de ces problèmes n’est vraiment grave ou rédhibitoire. Mais mis bout à bout, ils finissent par peser du mauvais côté de la balance, à tel point qu’on a parfois eu l’impression d’avoir affaire à un prototype avancé d’un titre nécessitant encore une ou deux années de travail. Et cela ne lui aurait assurément pas fait de mal.
Thymesia est un jeu lacunaire sur lequel on ressent à chaque instant le manque de moyens. Outre une technique parfois défaillante, malgré de jolis effets de lumière, et la mise en scène plus que minimaliste de l’aventure, c’est surtout le manque de contenu que nous regrettons. À peine commençons-nous à bien prendre nos marques que déjà, l’image de conclusion pointe le bout de son pixel. Heureusement, le titre sorti sur PS5, Xbox Series X et PC a le bon goût d’être proposé pour moins d’une trentaine d’euros, de quoi faire passer plus facilement la pilule.
Pour autant, tout n’est pas à jeter, loin de là. Thymesia repose sur un gameplay solide et plaisant à prendre en main une fois son apprentissage terminé. Les affrontements sont nerveux et triompher d’adversaires puissants procure un réel sentiment d’accomplissement. Les amoureux de combats intenses souhaitant mettre à l’épreuve leurs réflexes devraient pouvoir éprouver beaucoup de satisfaction.
En proposant une expérience sobre et déjà éprouvée ailleurs, le titre fait figure de galop d’essai pour le jeune studio taiwanais qui a fait là ses premières armes dans le monde du jeu vidéo. Un petit bonbon doux-amer pour les amateurs de Souls-like qui vont pouvoir redécouvrir le plaisir des choses simples avant de, sans doute, l’oublier quand se présentera le prochain berlingot.