Le piège a fonctionné. Attirée par l’odeur nauséabonde de ma décoction, la bête s’approche sans se douter de ma présence. Je dois agir vite et bien, un seul faux pas et c’est la fuite de la bête, réduisant à néant mes chances de la tuer et de récolter mon butin. Un griffon ne se fait avoir qu’une unique fois, tout le monde sait ça, surtout un sorceleur. Le voilà qui s’apprête à se poser au sol, je dégaine mon épée d’argent, je prépare mes signes et je fonce. Le combat va être brutal…
Le soleil se couche au loin. La tête du griffon accrochée à ma monture attire la curiosité des passants. J’ai même droit à quelques applaudissements mais très légers. Un sorceleur reste un mutant pour les humains. Arrivé à l’auberge du village, je montre mon gain morbide, preuve de la réussite du contrat. L’annonceur n’exprime même pas sa gratitude, il me tend juste une bourse. Il faut dire qu’il ose à peine me regarder dans les yeux. Sans dire un mot, je récupère mon dû et repars aussitôt. Je ne dois surtout pas m’attarder en ces lieux, j’ai déjà trop attiré l’attention. Prochaine destination ? Le village voisin à quelques heures de cheval. Les missions ne manquent pas en ce moment. Voilà la vie d’un sorceleur.
Attendu par une armée de joueurs, Geralt de Riv s’est longtemps fait désirer pour ce troisième épisode de sa saga. Annoncé quelques semaines après l’arrivée des dernières consoles de salon, The Witcher 3: Wild Hunt a su attirer l’attention sans trop se dévoiler au passage (chose devenue rare de nos jours). Il faut avouer que la série (arrivée sur PC en 2007) a gagné en intérêt au fil des épisodes. Le studio polonais CD Projekt Red a réussi à n’en plus douter à adapter les livres d’Andrzej Sapkowski.
Suite directe de The Witcher 2: Assassins of Kings, The Witcher 3: Wild Hunt nous promettait un open world sans précédent pour un jeu tourné action/RPG, une carte gigantesque et du contenu à foison, mais qu’en est-il réellement ? The Witcher 3: Wild Hunt mérite-t-il l’ensemble de ses éloges ? Le titre est-il à la hauteur de sa réputation ? Tentons d’apporter une réponse à ces questions à travers ce test réalisé sur PlayStation 4. Le voyage risque d’être long et tortueux.
Avant toute chose, il faut savoir qu’il m’a fallu plus de 115 heures de jeu pour me faire une idée précise du titre, et considérer avoir toutes les cartes requises pour en faire le test. C’est pourquoi le test pourra se montrer un peu plus dur que les autres (un bug ou un défaut se fait d’autant plus pénible sur la durée) et surtout, ça explique le lourd retard de LightninGamer sur ce titre, toutes mes excuses mais Geralt n’est pas un mec facile !
La saga du sorceleur
Quand il s’agit d’une suite, la première question à se poser est la suivante : est-il nécessaire d’avoir joué aux titres précédents pour jouer à ce troisième épisode de la saga du sorceleur ? La réponse est loin d’être simple. The Witcher 3: Wild Hunt prend place dans un vaste monde où la situation géopolitique est complexe à visualiser. Des guerres sont mentionnées, des rois sont évoqués, les néophytes de la série seront très vite dépassés par les multiples informations et ce dès les balbutiements de l’aventure. Les allusions au passé sont légion dans cet épisode. Geralt de Riv sera amené à rencontrer d’anciens compagnons de guerre.
Ainsi, ne pas connaitre les événements passés peut très vite devenir un handicap si vous souhaitez pleinement vivre l’expérience offerte derrière le jeu. En d’autres termes (et comme pour Dragon Age Inquisition), il est recommandé d’avoir joué aux premiers titres uniquement si vous souhaitez comprendre la totalité du jeu (son contexte global et ses détails). Attention, le cas contraire ne va en aucun cas entacher le jeu, mais certains passages/personnages/lieux vont vous sembler inconnus. Par ailleurs, si vous souhaitez connaitre l’ensemble des éléments de l’univers, je ne peux que vous conseiller de lire la saga romanesque de fantasy de l’écrivain polonais Andrzej Sapkowski. Le célèbre sorceleur n’aura alors plus de secret pour vous.
Revenons maintenant sur The Witcher 3: Wild Hunt avec son scénario principal, ce nouvel opus se focalise sur Ciri. En effet, notre Geralt va remuer ciel et terre afin de retrouver sa fille adoptive pourchassée par la terrible traque sauvage. Ciri est en grand danger et le temps est compté. Il va donc falloir arpenter un monde ravagé par la guerre, le désespoir et la peur dans le but de récolter de précieux renseignements. En tant que sorceleur, l’information se paye à coup de service rempli et suivre les traces de Ciri demandera d’accomplir une série imposante de quête.
Et c’est là que le titre de cet épisode prend tout son sens. Car même si la traque sauvage fait directement référence aux entités maléfiques pourchassant Ciri, Geralt De Riv joue également le rôle du traqueur non pas d’une proie mais bien de sa fille adoptive en péril (rappelons au passage que les sorceleurs sont stériles et ne peuvent donc pas avoir d’enfant, oui, la mutation est cruelle).
Un univers immense et enchanteur
Dès les premières minutes de jeu, une enivrante sensation de liberté se faire sentir. La zone de jeu est immense et nous pouvons voyager à notre guise où bon nous semble. Seul le niveau des ennemis vous barrera le route dans un premier temps, dur d’abattre des bandits niveau 7 quand on commence niveau 1. Partir à la recherche d’ingrédients précis pour une potion, essayer de dénicher une grotte secrète pour le simple plaisir de la découverte, se tourner vers la population en vue d’une quête ou tout simplement se laisser porter par le vent, The Witcher 3: Wild Hunt vous donne une liberté quasi-totale.
Quatre types de quête sont à noter : les quêtes principales (indispensables pour avancer dans l’histoire), les quêtes secondaires (pour accumuler or, équipement et expérience), les contrats (se résument à tuer une créature précise) et les recherches de trésor (pour dénicher de l’équipement légendaire). Les développeurs avaient annoncé une durée de vie totale de plus de 200 heures, il était évidemment dur de croire à une telle durée. Et pourtant, le contenu du titre est tout simplement titanesque, du jamais vu pour ma part.
C’est bien simple, les quêtes n’en finissent pas sur cette vaste carte, à tel point qu’une sensation de noyade se fait progressivement sentir : « Vais-je y voir un jour le bout ? », « Par où je commence ? » « Arrêtez de me donner des quêtes ! Laissez-moi terminer celles en cours. », voilà quelques phrases que vous risquez de vous dire en vous plongeant à corps perdu dans The Witcher 3. Le jeu repousse véritablement les limites de la durée de vie d’un titre orienté action/RPG et ce, sans dénigrer sa qualité.
The Witcher 3: Wild Hunt opte pour un univers noir, mature et très réaliste. Cruauté, intolérance, crainte et barbarie seront votre quotidien dans ce monde en guerre où l’on apprend très vite que l’espèce humaine reste la plus terrible malgré les viles créatures qui rôdent dans l’ombre.
Bref, vous l’avez compris, The Witcher 3 réussit son pari haut la main avec son open world sans précédent animé par une multitude de quêtes en tous genres. Les quêtes, parlons-en, ces dernières ont bénéficié d’un travail d’écriture remarquable où l’histoire de chaque protagoniste est détaillée. En aucun cas, vous aurez l’impression de faire une quête Fedex sans intérêt (et c’est valable pour tous les types de quête). Et c’est là l’atout majeur de The Witcher 3 : la profondeur de son univers.
Un gameplay perfectible
Niveau gameplay, Geralt De Riv s’est peaufiné au combat depuis The Witcher 2. En effet, notre héro charismatique pourra maintenant esquiver, rouler, contre-attaquer, utiliser ses signes traditionnels (cinq au total avec Aard qui permet d’émettre une vague de force, Igni qui embrase les assaillants, Yrden qui piège l’ennemi, Quen qui crée un bouclier et Axii qui permet de contrôler l’esprit de vos adversaires), et même tirer à l’arbalète (une nouveauté pour la série), le tout sans temps mort. Les commandes sont très faciles à prendre en main (un petit didacticiel est présent au début de l’aventure) mais se corsent malheureusement en cas d’affrontement avec plusieurs ennemis.
Le système de lock (verrouillage de la vue d’une cible) est loin d’être parfait et la caméra peut très vite devenir incontrôlable, réduisant vos chances de survie à néant. De plus, toujours en cas d’affrontement à adversaires multiples, les combats peuvent très vite devenir brouillons et par conséquent ingérables.
On passera donc notre temps à essayer de vaincre les adversaire un par un en les isolant. Dommage mais on se console en se disant que cet effet est peut-être voulu par les développeurs afin de corser le jeu tout en rendant les combats plus réalistes (On se rappelle tous les combats d’Assassin’s Creed où les adversaires attaquent les uns après les autres…). Le gameplay est donc revu à la hausse pour ce troisième épisode de la saga. Geralt De Riv est plus maniable et surtout plus agile, que ce soit dans ses déplacements ou dans ses attaques. Toutefois, The Witcher 3 est loin d’être exempt de défauts. Les choses se corsent pour notre sorceleur, on passe à la quatrième partie du test.
Geralt De Riv n’est pas le prince charmant parfait
Sachez une chose, pour compléter The Witcher 3: Wild Hunt, il faudra rompre tout lien social pendant un mois complet. Rien que terminer la trame principale vous demandera plus de 60 heures de jeu. Comme je le disais plus haut, des bugs ou défauts légers en début du jeu vont très vite devenir pénibles, voire insupportables au fil de votre progression. Le titre est prévu pour durer sur le long terme, nous analyserons donc ses défauts à bout de parcours.
Pour commencer, Geralt De Riv est un très mauvais cavalier. Son cheval Roach est une vraie plaie s’arrêtant brusquement et sans raison durant vos trajets. Parfois, cette monture de malheur refuse tout simplement de sauter des obstacles. Apparemment, elle déteste également les montées car elle s’arrête systématiquement, ne cherchant même pas à essayer de grimper, elle pourrait au moins faire style cette fainéante !
Alors oui, plus on va avancer dans le jeu, plus on pourra utiliser les voyages rapides (de repère en repère) mais les ballades et les explorations à cheval sont un aspect majeur pour le titre. Autre gros problème pour The Witcher 3: le clipping. Pour rappel, dans le jeu vidéo, le clipping désigne l’apparition brutale du décor et des objets quand ils entrent dans le champ de vision du personnage. The Witcher 3 en est rempli ! Nous verrons donc à chaque fois des éléments du décor apparaître les uns après les autres, rompant totalement l’immersion.
Et c’est sans mentionner les bugs ! Malgré les multiples patchs parus à ce jour, le jeu est toujours victime de bugs déplaisants. J’ai, par exemple, une quête impossible à lancer, mais le plus répandu reste celui des PNJ mal construits ou mal positionnés sur la map. Dernier coup de gueule et non des moindres : les temps de chargement. Ces derniers sont trop longs et bien trop nombreux. C’est réellement le pire défaut du jeu. A chaque dialogue, déplacement ou mort, nous avons droit à un temps d’attente (et même avec ces moments de patience, nous avons droit à du clipping une fois revenu dans le jeu). Encore une fois, l’immersion prend un sacré coup…
Alors oui, ces aspects énoncés plus haut peuvent être considérés comme mineurs mais après plus de 100 heures de jeu, le mineur prend un autre sens.
On se fait un Gwent ?
Il reste encore quelques détails à dévoiler avant de conclure ce test. Parlons difficulté, The Witcher 3: Wild Hunt propose pas moins de quatre niveaux de difficulté : « entrée dans l’histoire » pour ceux qui optent pour une aventure sans réelle accroche, « histoire et épée » pour les aventuriers craintifs, « sang, sueur et larmes » pour les guerriers aguerris et « marche de la mort » pour les plus courageux. Sachez également qu’il est possible de changer à tout moment la difficulté (en cas de blocage sur un boss). Les musiques sont de très bonne facture mais ne resteront pas en tête une fois la console éteinte. En d’autres termes, le boulot est là mais rien de transcendant surtout qu’il manque un peu de diversité dans les morceaux à mon goût. Terminons si vous le voulez bien avec un aspect certes anecdotique pour certains mais réellement important pour moi : le gwent.
Kesako ? Le gwent est un jeu de carte très populaire dans le monde de The Witcher 3. Le but est tout simplement de battre l’adversaire à coup de cartes. Trois types de carte sont identifiables : créature, météo et capacités spéciales. Les cartes créature sont composées d’un nombre correspondant à leur attaque. le but est d’avoir un point d’attaque supérieur à celui de l’adversaire. Les cartes météo viennent modifier les trois champs de batailles (corps-à-corps, archer et siège) et les cartes capacités spéciales sont variées (augmenter les points d’attaque d’une créature, tuer une carte adversaire, piocher ect…). On se prend très vite au gwent et surtout on essaye d’avoir toutes les cartes pour avoir le deck ultime (il faudra alors faire de nombreuses quêtes annexes). Bref, une sacrée réussite qui est plaisante à jouer et qui allège le jeu entre deux quêtes.
Que de chemin parcouru ! Mais que retenir précisément dans notre escapade ? The Witcher 3: Wild Hunt tient toutes ses promesses et nous offre une expérience de jeu sans précédent avec son monde immense et son contenu titanesque. L’épisode se démarque également par la qualité de son écriture qui renforce la profondeur et le réalisme de son univers.
C’est sûr, Geralt De Riv reste ce sorceleur légendaire. L’immersion aurait été parfaite sans ses vilains défauts qui deviennent de plus en plus gênants au fur et à mesure de la progression. Bugs en tous genres, clapping et temps de chargement viennent littéralement tâcher le titre (nous verrons par la suite si d’autres patchs rectifieront le tir). The Witcher 3 sera sans nul doute sur le podium 2015 mais ne restera pas un pur jeu de référence pour les années à venir. Le sorceleur peut encore faire mieux, à bon entendeur…