Non, le walking simulator n’est pas qu’un genre affilié à l’épouvante et au frisson. Car même si ces dernières années, les jeux de type « train fantôme » se sont succédé avec plus ou moins de réussite, certains ont essayé de se lancer dans cette aventure ô combien compliquée en tentant d’autres choses. The Town of Light fait partie de cette catégorie bien précise de titres narratifs qui proposent une ambiance assez angoissante, sans pour autant virer dans l’horreur pure, et mise avant tout sur son histoire pour captiver son audience.
Développé par LKT, un petit studio italien situé près de Florence, il s’agit là de leur premier jeu sorti en 2016 sur PC et par la suite sur PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch. Et si vous vous demandez pourquoi on souhaite vous en parler en 2021, c’est tout simplement parce que cette année sort Martha is Dead, nouveau titre du studio qui s’inscrit dans le même univers, mais se veut aussi bien plus ambitieux. L’occasion était donc trop belle pour nous de vous en parler, un jeu qui nous avait marqués de par sa justesse d’écriture, même s’il est loin d’être parfait.
(Test de The Town of Light sur PC réalisée à partir d’une version commerciale)
Renée est une jeune femme perdue. Perdue dans les méandres de son passé avec lequel elle a du mal à recoller les morceaux. Son seul moyen d’y arriver est tout simplement de retourner sur le lieu duquel proviennent toutes ses souffrances, son désarroi et son amnésie. Elle se souvient néanmoins de cet endroit, de cette bâtisse dans laquelle elle et plusieurs autres femmes ont vécu ou survécu durant de longues années pendant la guerre et sous le régime de Mussolini. Un hôpital, oui, mais pas n’importe lequel, car il s’agit de l’un de ceux censés soigner les maux de l’esprit en utilisant la science du corps.
C’est en 1938 et à 16 ans que Renée a pénétré dans cet endroit et il nous appartient donc à nous, les joueurs, de découvrir quelles furent ses conditions de vie au sein de l’institut psychiatrique, quelles atrocités elle a vues et subies, et surtout de comprendre pourquoi sa mémoire est morcelée, brisée.
Parle-moi de folie
The Town of Light n’a vraiment que peu d’intérêt en termes de gameplay et n’existe réellement que de par son scénario et le soin apporté à sa direction artistique qui nous offrent un somptueux voyage guidé à « l’Ospedale Psichiatrico di Volterra », un véritable hôpital psychiatrique en ruine situé dans la petite bourgade de Volterra près de Florence. Un lieu que l’on peut d’ailleurs visiter aujourd’hui et où l’équipe du jeu s’est rendue pour le reproduire le plus fidèlement possible.
En découle un endroit meurtri, angoissant par sa seule présence, et en cela, LKT n’a pas eu à trop user d’artifices pour distiller un sentiment de peur. Avec son hôpital « hanté », le studio a ainsi offert à son histoire un cadre existant au passé assez lourd, puisque l’histoire de Renée, bien que fictionnelle, est inspirée par la vie et les traitements que les patients recevaient dans ce genre d’asile.
C’est donc un jeu de piste mémoriel qui se met en place dans les étroites et torturées coursives du lieu. On trouve objets, journaux, rapports médicaux qui rafraîchissent peu à peu la mémoire de Renée et on pénètre parfois même littéralement sa psyché à l’aide de quelques séquences durant lesquelles la réalité se distord et le temps s’entremêle. Il serait vain de trop en dire et surtout inapproprié, car bien que le jeu soit un pur walking simulator au gameplay franchement très pauvre, il parvient à surprendre de par le déroulé de son histoire et à nous questionner nous-même sur ce que l’on croit être vrai ou non.
Car c’est bien là que veut en venir LKT. Renée est perdue et ne sait plus ce qui est réel et l’a été, alors en remontant la piste de son passé, on pense faire la lumière sur les événements qui se sont déroulés dans l’hôpital, mais au fil de notre avancée, on se rend vite compte que la vérité n’est pas forcément celle qui nous est montrée à l’aide de ses somptueux dessins qui font office de cut-scenes séparant la plupart des chapitres de l’aventure.
On nous questionne plusieurs fois et cela conditionne de manière mineure le déroulé des événements, les choix n’étant malheureusement que des illusions ponctuelles amenant à une seule finalité qui a cependant le mérite d’être riche en émotions.
Ne demandant que deux à trois heures pour être bouclé, The Town of Light reste une aventure singulière et forte qui propose de nous plonger tête la première dans la psyché démente d’une jeune femme à la recherche de son propre passé. En ancrant son récit dans le réel et en choisissant une période historique aussi sombre que l’ère Mussolini et la Seconde Guerre mondiale, LKT dessine aussi les contours d’une toile de fond passionnante.
Alors oui, le gameplay est proche du néant absolu, tout est très linéaire, et finalement il n’y a ici rien de bien stimulant. Les choix n’ont pas l’impact espéré et le jeu souffre d’une optimisation quelque peu moyenne, même s’il reste vraiment beau. Sa direction artistique, son ambiance et même son design sonore sont vraiment très bons.
Mais c’est bien l’histoire racontée qui est au centre des débats. Intrigante et savamment mise en scène, elle a su créer en nous un grand malaise et a su parfois même nous effrayer. Une petite réussite qui parlera aux amoureux du walking simulator et qui promet beaucoup pour Martha is Dead qui a d’ailleurs le droit à un petit clin d’œil dans le jeu.