Pardonnez la comparaison dès le titre principal, mais vous comprendrez au fil des lignes qu’elle est tout bonnement incontournable. Tout transpire le Dead Space dans The Callisto Protocol, à commencer par son créateur : un certain Glen Schofield, l’homme derrière la sanglante saga spatiale de Visceral Games. Dorénavant à la tête de son propre studio nommé Striking Distance, Glen n’a clairement pas eu froid aux yeux en estampillant son titre AAAA (une première dans le jeu vidéo) tant le budget de production est colossal. Oui, The Callisto Protocol a profité d’une campagne marketing très agressive et a par conséquent généré une attente très importante. Mais l’enjeu était de taille : un certain remake d’un autre jeu est imminent, il fallait bien attirer l’attention…
Exceptionnellement, on dévoilera notre position dès l’introduction, pas de suspense donc. The Callisto Protocol n’est clairement pas le digne héritier de Dead Space, loin de là. Ce dernier affiche bien trop de lacunes et de tares pour le concurrencer (du moins, sur son premier épisode). Maintenant, on va vous expliquer pourquoi. Pourquoi Jacob Lee n’arrive-t-il pas à la cheville d’Isaac Clarke ?
(Test du jeu The Callisto Protocol sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Dans l’espace, personne ne vous entendra crier (de déception)
Un homme au mauvais endroit, au mauvais moment, non, ce n’est pas le synopsis de Die Hard, mais bien de The Callisto Protocol qui prend le temps, du moins sur sa première demi-heure, d’échafauder un semblant de scénario pour peindre ses horreurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça fonctionne. L’introduction amorce avec succès la tragique histoire d’un conducteur de vaisseau nommé Jacob Lee qui s’échoue sur une planète inconnue (trop) hostile. L’immersion commence à faire effet. L’espoir est permis. Avons-nous affaire à un sérieux prétendant au statut de nouveau Dead Space ?
Cette réflexion ne sera qu’éphémère, car très vite, le jeu bascule sur le sentier de la facilité, et plus aucun effort narratif n’est fourni. Sans aucune raison, notre héros se retrouve en prison, et sans aucune raison la prison vole en éclats avec d’étranges créatures (qui ont tout du nécromorphe) prêtes à vous escarper à la moindre occasion. La suite scénaristique est assez anecdotique, comme si l’horreur n’était pas à justifier, à contextualiser. Maintenant, il faudra survivre. Comment ? En suivant le couloir.
Nous voilà donc parachutés dans la prison de Black Gate, théâtre de toutes les horreurs, avec un seul objectif en tête : s’enfuir. Le chaos règne en ces lieux où l’humanité n’est plus qu’un vaste souvenir. À peine sorti de notre cellule pour explorer les environs, un problème majeur se fait sentir : la linéarité. Attention, un jeu linéaire n’est pas forcément un mauvais jeu, loin de là. Mais ici, les mécaniques d’exploration sont grossières. Le titre ne nous invite jamais à explorer ni à se perdre dans les méandres de la station. Même quand le chemin se scinde, on sait d’avance quelle est la route principale et celle optionnelle (qui donnera probablement argent, munition set vie avec un monstre caché en prime).
Le level-design ne rend pas service au genre, sans mentionner ces phases omniprésentes où Jacob rampe, phases insupportables qui viennent briser sans arrêt le rythme de jeu. On notera quelques tentatives pour donner de la matière, avec par exemple des extraits sonores à récupérer, mais c’est loin d’être suffisant. The Callisto Protocol a clairement pris le parti de miser davantage sur sa forme que sur son fond.
Toujours plus de sang
Dans The Callisto Protocol, l’horreur est principalement graphique. Notamment sur les scènes d’exécution (mort du personnage) qui sont particulièrement violentes, voire même immondes pour certaines. Le jeu mise également sur son ambiance avec une poignée de jumpscares plutôt réussis, mais le reste se veut assez sommaire, pour ne pas dire médiocre. Comme pour l’exploration citée plus tôt, les artifices liés à la peur sont prévisibles et on ne sera que trop rarement pris au dépourvu. Oh ! un casier à moitié ouvert… Oh ! une trappe juste à côté de la porte… Du déjà-vu qui ne surprend plus, réutilisé encore et encore jusqu’à l’inévitable soupir de fatigue, signe du ras-le-bol.
Pourtant, le jeu a tout pour plaire, à commencer par son impressionnant moteur graphique, Callisto Protocol est magnifique, fluide, avec un travail remarquable effectué sur ses animations faciales bluffantes de réalisme. Mais le titre tombe dans les travers de la facilité avec quelques raccourcis paresseux au passage. Il se contente de reprendre purement et simplement une formule vieille de près de quinze ans avec les technologies modernes en plus, l’originalité et les prises de risque en moins. On se doit également de souligner la série de bugs qui perturbent légèrement l’expérience de jeu avec notamment une VF désastreuse : on entend à peine les voix, parfois, les personnages parlent en anglais, des soucis de calibrage, bref, un coup de pioche (certes secondaire, mais bien réel) de plus dans l’immersion.
Il y a pire que la mort : les combats au corps à corps
Il est temps d’aborder le noyau dur de notre problème avec The Callisto Protocol, la raison principale qui nous pousse à autant de sévérité : son gameplay de combat. Sur le papier, il est prometteur et assez novateur. Les combats au corps à corps ont une place essentielle. Même si des armes à feu sont disponibles, le jeu mise d’abord sur les affrontements directs. On passera donc notre temps à attaquer les ennemis à la matraque. À l’aide du joystick gauche (celui pour le déplacement), il sera possible d’effectuer une esquive, et on devra même jongler entre la gauche et la droite pour éviter les séries d’attaques, comme dans un combat de boxe.
La recette fonctionne un temps, mais dès qu’il y a plus d’un assaillant, ça devient injouable. Le système du corps-à-corps est clairement pensé pour du 1vs1. En cas de mêlée, la caméra s’affole et on se sait plus d’où viennent les coups. C’est tout bonnement ingérable. Alors, il nous reste l’option de la fuite, mais non, en cas de contact avec l’ennemi, un genre de lock s’active, vous bloquant dans un face-à-face dont il est quasiment impossible de s’extirper. En résulte une mort certaine, ainsi qu’une frustration grandissante. Oui, c’est rageant de voir un si gros problème passer sans essayer de solutionner l’affaire.
Surtout que Jacob est d’une lenteur déconcertante, d’abord dans ses déplacements, mais surtout quand il faut changer d’arme ou même recharger. Laissez-nous vous illustrer une situation fréquente des plus énervantes. Pris dans une embuscade, trois ennemis vous foncent dessus. Traumatisé des morts à répétition issues des combats au corps à corps à plusieurs, vous envisagez de les occire à distance avec votre arme de base, le pistolet. Les premiers tirs partent, mais mince, plus de munitions. Les créatures approchent. Il faudra donc changer d’arme, mais le temps que Jacob daigne s’exécuter, elles sont déjà prêtes à en découdre avec leurs griffes acérées. Un combat de boxe à 3vs1 s’engage et avec lui, une mort assurée.
The Callisto Protocol fait les choses à moitié. On citait le scénario, l’exploration et (surtout) les combats, mais un autre exemple nous vient en tête. À plusieurs reprises, il faudra passer des zones infestées de créatures aveugles prêtes à vous sauter dessus au moindre bruit (coucou The Last of Us). On pourra donc se glisser discrètement derrière elles pour leur administrer un coup mortel. Mais que faire si un ennemi a le dos au mur ? La logique pencherait vers l’idée de lancer un objet pour l’attirer et le déloger de sa position, mais là, non, impossible. Ils n’ont même pas pensé à scripter le bruit potentiel des objets lancés !
Vous l’aurez compris, The Callisto Protocol ne fait qu’effleurer Dead Space et n’a que ses qualités graphiques indéniables pour le distancer. Tout le reste est mal repris ou incomplet. Le titre accumule trop de défauts pour pleinement convaincre. On a cette impression que tous les efforts ont été exclusivement tournés vers la forme, au détriment du fond. Tout dans les muscles, rien dans la tête ou plutôt dans le cœur, The Callisto Protocol manque cruellement d’identité.
Regardez comment notre jeu est beau, regardez comment nos créatures sont violentes, regardez comment l’infini espace fait peur, mais une fois le voyage entrepris, il ne reste pas grand-chose à se mettre sous la dent. Oui, on a eu peur, mais pas pour les bonnes raisons.