À l’image de la licence, les productions estampillées Sonic se succèdent à un ryhtme effréné. On savait que SEGA avait de grands projets pour sa mascotte bleue, mais difficile de tenir une telle cadence. Entre Sonic Frontiers et son lot de DLC, le portage de Sonic Colors, les films, sa série Netflix et son récent partenariat avec LEGO, le hérisson s’est manifestement transformé en pieuvre à multiples tentacules. Néanmoins, malgré sa récente accélération, il ne semble pas oublier ses premières amours, ses faits d’armes passés avec un opus entièrement en 2D (plus exactement à défilement horizontal) : Sonic Superstars.
Pour l’occasion, Sonic a rassemblé toute sa troupe avec Tails, Knuckles, Amy et Trip, la petite dernière. Direction Northstar Islands pour déjouer une énième fois (on a arrêté de compter) les plans machiavéliques du Docteur Robotnik et de son armée de robots. Allez, accrochez-vous, tant pis si je cours plus vite que vous…
(Test de Sonic Superstars sur PlayStation 5 à partir d’un exemplaire fourni par l’éditeur)
La coopération du chaos
Inutile de rappeler la recette Sonic tant celle-ci est simpliste et accessible. D’ailleurs, notre héros est loin d’en être à sa première tentative de renouer avec ses succès passés (en dehors des compilations). On peut ainsi citer le (trop) sous-estimé Sonic Generations ou encore l’excellent Sonic Mania, tous deux surfant sur cette vague de nostalgie aux doux échos de Mega Drive. Mais alors, il y a quoi de nouveau dans ce Sonic Superstars ? Bah, pas grand-chose.
Sonic Superstars semble miser sur sa coopération locale jusqu’à quatre joueurs. Mais on vous arrête de suite, c’est tout bonnement injouable. À l’instar d’un plombier dont nous tairons le nom par respect, Sonic n’a jamais été un jeu multijoueur, et il ne le sera jamais (du moins dans ses opus 2D), car celui-ci est basé sur la vitesse. Déjà avec Sonic 2 (1992), c’était une erreur, mais la coopération locale constituait une prouesse technique pour l’époque. Remettre en avant un tel mode en 2023 relève de l’aberration et va l’encontre de l’essence de la saga.
Avec la vitesse, la caméra s’affole, rendant impossible le jeu à plusieurs. Les autres joueurs passeront leur temps hors champ sans jamais rien comprendre à la situation. Il faudra nécessairement jouer en solo (ou alors ralentir l’action à plusieurs, mais le jeu perd tout son intérêt) pour approcher Sonic Superstars. Oubliez le multijoueur, car celui-ci restera une fausse bonne idée tant que Sonic aura des baskets rouges.
La magie bleue
Nous voilà maintenant seul devant notre écran. L’aventure peut donc commencer. Oui, c’est toujours la même chose, oui, les mécaniques sont identiques, mais force est de constater que la recette fonctionne toujours autant. La prise en main est immédiate, tout comme le plaisir ressenti. C’est loin d’être un hasard si Sonic fait encore partie aujourd’hui des références jeux vidéo après toutes ces années (et ses nombreux échecs).
Northstar Islands nous livre ses zones (plus ou moins inspirées), mais avec toujours une spécificité diversifiant un tant soit peu le gameplay et la manière d’arpenter les différents niveaux. Comme à chaque épisode, en plus de suivre le scénario principal, il faudra récupérer les émeraudes du chaos, débloquant divers pouvoirs : la nouveauté majeure de ce Sonic Superstars. Ainsi, on pourra ralentir le temps, créer une plante grimpante pour atteindre une plateforme trop élevée ou encore se changer en goutte d’eau pour se déplacer plus rapidement en zone aquatique.
Bien sûr, on n’y échappe pas, une fois toutes les gemmes récupérées (à travers des niveaux bonus), on pourra se transformer en Super Sonic (le mode Super Saiyan nous rendant invincible). Tous ces pouvoirs apportent une variété et une rejouabilité plus que bienvenues. Les niveaux sont assez bien pensés pour être abordés différemment.
En sus des pouvoirs abordés, le personnage sélectionné modifie également la manière de jouer. Par exemple, Tails peut voler de manière limitée et atteindre plus facilement les plateformes, Knuckles peut planer et Amy peut effectuer un double saut. Finalement, il n’y a que Sonic qui n’a aucune capacité secondaire. Quel gros nullos !
En perte de vitesse
Mais voilà, après quelques heures au compteur, Sonic Superstars prend un virage non appréciable. Une fois l’effet grisant de la vitesse estompé, la nostalgie digérée, la magie se dissipe, nous laissant avec une certaine aigreur. Déjà, le jeu est assez difficile (surtout sur la fin) avec des morts jugées injustes. L’abondance de pièges mortels finit par sérieusement agacer. On est tout le temps freiné par des piques ou des ennemis rendant toute accélération impossible. En réalité, toute la configuration des niveaux est façonnée pour vous mettre des bâtons dans les roues. En résulte une frustration grandissante qui explose au combat final (d’une difficulté incompréhensible).
Autre pique à son encontre : à la fin du jeu (comptez environ 7/8h pour en voir le bout), on débloque une seconde histoire, celle de Trip, mignonne petite créature venue de nulle part. Il s’agit en fait d’une deuxième run en sa compagnie, les mêmes niveaux dans le même ordre, et Trip a quasiment les même capacités qu’Amy en prime ! La moutarde commence à monter…
Le vrai problème de ce Sonic Superstars est qu’il n’essaie jamais de relever la barre. Il ne fait que reprendre (assez mal) les bases de la licence. Ce constat est à calquer directement sur la stratégie entreprise par SEGA pour son hérisson, la quantité au détriment de la qualité. Ils n’essaient même pas de nous dérouler un scénario correct, et nous balancent des scènes aléatoires. Oui, Sonic n’a jamais brillé de par ses histoires, mais elles avaient au moins la décence d’être cohérentes. Là, c’est clairement « démerdez-vous et ne posez pas de question » avec une unique explication : parce que Robotnik est méchant.
On reconnaît aisément notre amertume, mais elle va de pair avec notre profond amour de la saga. Sonic Superstars ne fait qu’effleurer la véritable formule Sonic et ne cherche pas à faire dans la qualité, mais bien à occuper le terrain avant les fêtes, à paver le long chemin commercial souhaité par le géant japonais. Rien que de présenter le jeu sous un mode multijoueur relève de l’absurdité. On regrette tant Sonic Mania fait par et pour les amoureux de la saga, avec respect et intelligence.
Tant que les intentions des équipes seront de cet acabit, Sonic restera toujours en retrait d’un certain Mario, dont le dernier opus confirme une énième fois le colossal écart.